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 DU BREVET AU BAC :: ECRITURES D'INVENTION :: Dialogue entre le poète baudelairien et 1 homme d'équipage..

Dialogue entre le poète baudelairien et 1 homme d'équipage..

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Prépabac, examen2017
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MessageSujet: Dialogue entre le poète baudelairien et 1 homme d'équipage..  Posté leJeu Jan 06, 2011 4:27 pm Répondre en citant

Examen blanc
épreuve commune (janvier 2010) : sujet + corrigés


Objet d’étude : la poésie



Corpus

Document A Charles Baudelaire, “L’Albatros“
Document B René Daumal, “Les dernières paroles du poète“
Document C Paul Éluard, Conférence prononcée à Londres, le 24 juin 1936 (extrait)
Document D Louis Aragon, “le Discours à la première personne“ (extrait)

Rappel du sujet :

imaginez un dialogue entre le poète baudelairien et un des “hommes d’équipage” représentant une société sourde à la poésie.

Bien comprendre le sujet
Conseils :

La première erreur consistait (selon moi) à faire intervenir la question des albatros dans ce dialogue. De fait, l’oiseau est une allégorie dans le poème, or de nombreux élèves ont oublié cette dimension métaphorique essentielle et ont fait porter le débat sur le thème : “est-il légitime de torturer les albatros ?”, perdant de vue par la même occasion l’objet d’étude qui leur était proposé (la poésie) ainsi que la problématique amenée par le corpus sur le statut et la mission du poète dans la société.

L’autre erreur, que j’ai commentée dans le Rapport de correction du Bac blanc, a été de rédiger tout de suite (même au brouillon : là n’est pas la question) : les élèves sont ainsi partis sur du narratif alors qu’il fallait centrer le dialogue sur de l’argumentatif. Il convenait donc de problématiser, c’est-à-dire d’identifier la logique propre au sujet, en le replaçant dans un contexte particulier, qui ne prenait son sens qu’au sein de la problématique d’ensemble de la poésie.

Le dialogue amenait ainsi implicitement à un questionnement essentiel : à quoi sert la poésie dans une “société sourde” à son message ? Si l’on n’avait pas compris cela, on répondait évidemment à côté de la question. Rappelez-vous que le sujet posé vous demandera toujours, a fortiori un jour d’examen, d’exploiter vos connaissances. Si vous ne pensez pas à utiliser votre apprentissage du cours, votre culture générale ou les thèmes, idées, procédés, etc. proposés dans le corpus, vous passerez à côté du sujet.

La première chose à faire consistait à dresser un tableau en deux colonnes, en suivant l’intitulé du sujet qui vous proposait une indication de plan. Implicitement, le libellé amenait à valoriser les arguments du poète baudelairien. De fait, l’adjectif “sourde” contient une connotation péjorative évidente puis qu’il évoque l’idée d’un système obtus et fermé. Cela dit, rien n’empêchait de valoriser les arguments du marin (ce que j’ai personnellement fait). Beaucoup de candidats ont cantonné ce personnage dans un rôle de “charretier” tueur d’albatros : cela donnait parfois des propos à la limite de la caricature, qui faisaient tomber le travail dans le manichéisme le plus étroit.

L’élaboration du plan
Ensuite, il fallait se rappeler bien entendu les thèmes chers à Baudelaire. On pouvait élargir au Romantisme, au Symbolisme (voire au Surréalisme). Il était non moins important de confronter dialogiquement ces thèmes au contexte culturel et social, en prenant pour référence la Révolution industrielle, dominée par les progrès de la science et le Réalisme. L’expression assez large de “poète baudelairien”, dans le libellé du sujet, permettait d’ouvrir, si le candidat le souhaitait, à d’autres périodes, plus contemporaines : ainsi beaucoup de groupes néogothiques ou de hard rock, dans leur refus du communautarisme et leur goût pour la décadence, se sont réclamés d’un individualisme antisocial hérité de Baudelaire : c’était l’occasion —pourquoi pas— d’exploiter, avec prudence et discernement certes, son éventuelle culture personnelle.


L’élaboration du dialogue

Une fois que le plan était rapidement fait, il suffisait d’intégrer au moment de recopier les éléments caractéristiques du dialogue ainsi que le style :

•typographie et mise en forme ;
•discours direct ;
•verbes de paroles pour introduire les discours, verbes concessifs, adverbes modalisateurs ;
•tournures concessives (afin d’articuler le raisonnement à une pensée qui lui est extérieure ou opposée) ;
•registres : éloge, blâme, polémique, etc.
•éléments de rhétorique : apostrophes, gradations ternaires, anaphores, parallélismes, interrogations oratoires, etc.


Corrigé rédigé

- Cher Monsieur Baudelaire, me ferez-vous l’honneur de dîner en ma compagnie ?

C’était la première fois depuis l’appareillage que le capitaine de l’Île Bourbon, un steamer à faire pâlir d’envie la marine britannique, s’adressait directement au poète. Contre toute attente, Baudelaire accepta l’invitation et ils se retrouvèrent dans la rutilante salle à manger, dont les boiseries en bois d’acajou et de citronnier lui donnaient un charme exotique indéfinissable. Ce n’est que tard dans la soirée, bien après la fin du repas, que les langues se délièrent au fumoir sous l’effet des alcools.

- Voyez-vous, cher ami, s’exclama avec emphase le capitaine, mon travail sur l’Île Bourbon, au-delà de ses gratifications matérielles, est source d’une profonde satisfaction personnelle. L’emploi de la vapeur doit en effet changer les destinées collectives : dans deux jours exactement, j’aurai parcouru en une année trois fois les mers de l’Inde. Que les partisans de la voile en disent autant ! Je me flatte d’être de mon temps, moi !

Ces dernières paroles furent prononcées en détachant chaque mot, et l’auteur des Paradis artificiels, échauffé qu’il fût par l’enivrement de l’opium, crut bon de ne pas relever l’invective : “Oui je vous envie, l’évasion et le voyage sont pour moi-même des échappatoires au monde, et d’ailleurs…”

- Permettez, permettez ! Je ne parlais pas d’échappatoire. Je ne suis pas dans les tourments du spleen, croyez-moi, mon cher !

- Vous l’êtes, s’exclama Baudelaire se sentant pris à parti. Vous ne vous en rendez même pas compte mais tous vos propos font l’éloge de la révolution industrielle. Vous ne pouvez pas vous empêcher de parler de distances parcourues, de rendements, de gratifications et de profit. Elle est belle la Révolution industrielle, mais la prospérité matérielle ne fait qu’annoncer la crise !

Les prunelles vibrantes de colère, le capitaine s’emporta :

- Culte du moi, fantasme d’individualisme ! Vous vivez dans un temps, qui est fait de chimères ! Parlez-moi de votre métier, voulez-vous ? Vous faîtes des “voyages” et écrivez des “poèmes” ! La belle occupation ! Moi Monsieur, je transporte du coton, du blé, du fer jusqu’aux confins de l’Occident ! Moi et mes hommes travaillons au bien être de la société. Car figurez-vous —pardonnez-moi de vous le rappeler— que la société obéit à des lois, à des règles : les méconnaître ou les transgresser, c’est amener à la décomposition sociale et à l’anarchie !

- Vous et vos hommes comme vous dites, ne pensez qu’à humilier autrui, vous ne faites pas des voyages, vous parcourez des distances ! Vous ne produisez pas des richesses, vous appauvrissez le cœur et l’esprit, vous les soumettez au rendement. “Culte du moi” dites-vous. Quant à vous ? Culte du profit ! De la division du travail ! Société sans goût ! Dans ces conditions, oui, je préfère le retranchement dans l’individualisme.

Le patron de l’Île Bourbon fulminait : “Quel est donc, je vous le demande, l’intérêt d’une poésie qui ne peut être ressentie que par une minorité ? Vous et autres Romantiques souffrez d’une exagération de l’individualisme ! Vous me faites penser à Rousseau, tenez! Un “promeneur solitaire”, voilà ce que vous êtes. La promenade quand le monde est en marche ! L’oisiveté quand le progrès humain est à l’œuvre !”

- Comme vous parlez Monsieur ! Individualisme ne saurait vouloir dire solitude ! Il me permet de mieux observer. Depuis mon départ, je suis attentif à chacun, chaque visage qui passe, je le vois. J’ai vu vos hommes souffrir sous le joug de l’airain et du fer, je les ai vus martyriser des albatros, un jour peut-être le dira-t-on : “le poète est voyant”. Voilà quel est mon métier : moi, je vois, Monsieur, j’observe !

- Allons bon, voulut temporiser le capitaine qui réalisait que la conversation avait pris un tour déplacé, je ne vous en veux pas mon cher Baudelaire de vouloir enchanter le monde avec vos vers, mais reconnaissez-le : la poésie ne peut pas, à elle seule, changer le monde. Oui, je suis enthousiaste du progrès, pourquoi le nier ? Produire de l’utile et de la richesse matérielle, c’est produire du bien-être, qui de plus profite au peuple, quoi que vous en doutiez apparemment !

Baudelaire regarda le rhum ambré qui teintait le fond de son verre. Il ne répondit pas tout de suite. Par le hublot s’apercevaient quelques îlots sur la mer.

- Vous regardez les atolls ? S’enquit le capitaine. Savez-vous que l’océan Indien compte six à sept mille îlots, sans compter ceux autour du Sri Lanka et de Madagascar, et des atolls par milliers. Vous voyez, cher Monsieur, je peux moi aussi être sensible à la beauté des choses !

À cet instant, une jeune femme les croisa. C’était une occidentale, mais son visage était ocré par un mélange de curcuma et d’eau. Ses yeux, soulignés par un trait de khôl lui donnaient l’indicible apparence d’une statue antique.

- Je vois que notre poète maudit n’est pas insensible à la beauté !

Baudelaire se contenta de murmurer, comme s’il se parlait à lui-même : “Je l’aimerais volontiers déesse et immortelle. La femme comme la poésie nous met en contact avec les aspects mystérieux du monde”. Puis il ajouta tout haut : “Détrompez-vous, cher ami, ce n’est pas la femme que je vois, c’est le symbole”.

- On dit ça !

- Vous ne me ferez pas dire ce que je ne pense pas, même avec le rhum, mon cher. Non, croyez-moi, en réalité quand j’ai vu cette femme, j’avais… Comment vous dire… le regret d’une vie antérieure. Son visage était si pur qu’il figurait presque le paradis perdu de l’enfance, auquel nous aspirons tous, n’est-il pas vrai ? Ah! Mon Dieu… Recherche de l’infini, désir de l’impossible…

Les yeux soudain perdus dans le vague des atolls, le poète semblait s’attrister : il regardait autour de lui comme s’il était dans un autre monde. Le capitaine crut bon d’intervenir :

- Certes, Baudelaire, je vous le concède, oui je fais l’éloge d’une société dominée par la technique et les valeurs rationnelles. Mais c’est mon tempérament. Et puis je vous dirai que pour moi, ce sont des éléments d’accès au bonheur. Regardez où vous mène votre poésie ! Vous êtes triste et négatif depuis le début du voyage, et ne croyez pas que vous êtes le seul à “voir” comme vous dites. Moi aussi, je vous ai observé, mon cher, vous vous complaisez dans des rêves stériles ! Ne m’en veuillez pas, mais le capitalisme auquel vous semblez farouchement opposé parce qu’il est utilitariste, est quand même salutaire : sans mon Vapeur, comment seriez-vous allé à la Réunion ? Il faut cesser de chanter la nostalgie ! La poésie ne peut pas répondre aux besoins et aux aspirations de la société : reconnaissez-le !

Baudelaire de nouveau, contemplait la mer. On n’entendait que le clapotis des vagues contre les flancs du navire et sous la carène. Des étoiles fugitives traçaient l’immensité des cieux et même le capitaine sembla soudain attentif au spectacle de la nuit.

- Vous regardez, n’est-ce pas ? Lui dit Baudelaire, désignant les abysses. Mais voyez-vous, jamais machine ne pourra décrire l’immensité du ciel et l’immensité de ces gouffres amers. Jamais le génie technique ne pourra réenchanter le monde comme le fait le Verbe poétique. Comme la mer, la poésie échappe à une représentation positive et arrêtée, car elle perdrait son caractère d’immensité et de mystère. J’écris pour rétablir, au cœur de la vie humaine, les moments “enchantés”, effacés par la civilisation…

À cet instant, un homme d’équipage entra et murmura quelques mots au capitaine qui se leva et s’excusa : on allait bientôt arriver à Port-Louis. Mais Baudelaire semblait ailleurs. Il regardait toujours l’horizon : tout là-bas, très loin, de l’autre côté de la terre, une étoile disparut à la croisée des chemins, entre l’océan indien et le Pacifique. Comme absorbé dans ses pensées, le poète sortit de sa poche un petit carnet à spirales, il en tourna fiévreusement les pages puis écrivit sur l’une qui était encore vierge quelques mots, et un titre :

Rappport et bilan du jury :

La difficulté ici, c’est qu’il y a certes un dialogue, mais il détourne le sujet de son enjeu majeur qui était de faire réfléchir à la fonction de la poésie, et non au sort des albatros ! N’oubliez pas que l’épreuve est destinée à tester vos connaissances sur les objets d’étude (ici la poésie) et à apprécier la qualité de votre expression littéraire : dans le cas présent, l’élève n’a pas pensé à exploiter sa culture et ses connaissances. Par ailleurs, le discours s’oriente au fur et à mesure vers une sorte d’exposé documentaire sur la vie des albatros. Je renonce à évoquer d’autres écrits d’invention, qui se caractérisent malheureusement par une accumulation de bavardages superficiels. Que dire aussi de certains travaux qui, voulant mettre en scène Baudelaire, ont carrément fait parler l’albatros, amenant ainsi leur discours du côté du fantastique et du merveilleux ! Quelques rares étudiants, souhaitant se mettre à la place de Baudelaire, ont privilégié un discours ampoulé, pseudo poétique, bourré de stéréotypes langagiers, allant à l’encontre même des idées de

Baudelaire ! Prenons le cas de cette copie :
Moi diabolique ? ! Ce n’est pas pour vous rendre hystérique mais mes amis disent de moi que je suis plutôt fort sympathique. Et si je vous parle à présent ce n’est point pour vous causer malheur mais je dirai que c’est pour vous démontrer toute ma splendeur ainsi que ma grandeur…
La démarche adoptée est ici des plus maladroites : quel est l’intérêt d’émailler les propos de Baudelaire de rimes ou de correspondances sonores (d’ailleurs fort pauvres : hystérique/sympathique ; malheur/splendeur/grandeur) et d’archaïsmes (”ce n’est point”) qui desservent considérablement le message à faire passer. Alors que Baudelaire et d’autres Symbolistes ont révolutionné la poésie (poème en prose, refus de la rime, transgression des normes et des conventions), de tels propos accréditent le stéréotype du registre “soutenu” hérité de la “petite école”. C’est tout à fait dommageable d’autant plus que les consignes n’amenaient absolument pas à ce type d’écrit.
Mais la méconnaissance du cours ne saurait à elle seule justifier de telles erreurs. Elles s’expliquent également par l’absence de plan préalable, et donc de parcours démonstratif. Pour pallier ce genre d’inconvénients, il suffisait de dresser au brouillon un tableau en deux colonnes (d’un côté les arguments du poète baudelairien ; de l’autre ceux du marin) et de les opposer en exploitant impérativement votre connaissance du cours (poète baudelairien = homme énigmatique, distant avec la société, refusant les valeurs morales et sociales reconnues, à la recherche de la beauté, de l’évasion, du rêve, du spirituel, etc. par opposition avec le marin, représentant de la société et de ses codes). Quelques arguments seulement, s’ils étaient bien étayés, étaient acceptables pour ce type de travail. Il suffisait ensuite d’approfondir les idées (selon la même technique que celle du paragraphe argumentatif) et de les confronter dialogiquement, en veillant à faire progresser les idées. Et c’est seulement à la fin (au moment où le parcours argumentatif était structuré) qu’il fallait travailler rigoureusement la forme.


Mon conseil pour l’écriture d’invention

1.Les fondations ;
2.Les murs ;
3.La déco.

1.D’abord les fondations… Ne vous précipitez pas ! Réfléchissez calmement, et essayez de poser au brouillon l’idée sous forme d’une phrase simple, même d’une phrase nominale. L’idée doit évidemment être pertinente, puisqu’elle va constituer la base de votre paragraphe. Comme pour une maison : si la fondation est mauvaise, la maison s’écroule… Et si l’idée est mauvaise, votre paragraphe s’effondre !
2.Puis les murs ! Récrivez cette idée en étayant un peu plus : vous verrez que progressivement cela fera surgir des exemples, peut-être d’autres idées. Essayez toujours d’aller du particulier au général, de l’individuel au collectif.
3.Et enfin, la déco ! Après vous pouvez faire du style afin d’exploiter les potentialités du langage : gradations ternaires, questions oratoires, anaphores, etc.

Grille d’évaluation retenue
•Respect des consignes du sujet (4 points)
•Adaptation de l’écriture au genre, au registre, etc.
•Aptitude à la réflexion et à l’argumentation (5 points)
•capacité à formuler des enjeux à partir de l’exploitation du corpus
•Organisation et structuration du devoir (2 points)
•Culture générale et qualités littéraires (5 points)
•Qualité de l’expression écrite (orthographe, syntaxe, style)
•culture littéraire (la notion de “poète baudelairien”)
•utilisation des outils linguistiques et stylistiques


Correction proposée par Bruno rigolt
site : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/
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