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 DU BREVET AU BAC :: BACS BLANCS : CORRECTION :: épreuve commune du 10 janvier 2010, le corrigé intégral

épreuve commune du 10 janvier 2010, le corrigé intégral

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MessageSujet: épreuve commune du 10 janvier 2010, le corrigé intégral  Posté leJeu Jan 06, 2011 6:51 pm Répondre en citant

Examen blanc
épreuve commune (janvier 2010) : sujet + corrigés


Objet d’étude : la poésie



Corpus

Document A Charles Baudelaire, “L’Albatros“
Document B René Daumal, “Les dernières paroles du poète“
Document C Paul Éluard, Conférence prononcée à Londres, le 24 juin 1936 (extrait)
Document D Louis Aragon, “le Discours à la première personne“ (extrait)


Corpus de textes :

Document A « L’Albatros »
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents (¹) compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule (²),
L’autre mime, en boitant, l’infirme, qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire, “L’albatros”, Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, 1857.
1. Indolent : nonchalant
2. Brûle-gueule : pipe

Document B « Les dernières paroles du poète »
Et le poète, dans sa prison, se frappait la tête aux murs. Le bruit de tambour étouffé, le tam-tam funèbre de sa tête contre le mur fut son avant-dernière chanson.

Toute la nuit il essaya de s’arracher du cœur le mot imprononçable. Mais le mot grossissait dans sa poitrine et l’étouffait et lui montait dans la gorge et tournait toujours dans sa tête comme un lion en cage.

Il se répétait :

« De toute façon je serai pendu à l’aube. »
Et il recommençait le tam-tam sourd de sa tête contre le mur. Puis il essayait encore :

« Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple. Ils diraient :

- Nous savons déjà. Pendez, pendez ce radoteur. »
Ou bien ils diraient :
- Il veut nous arracher à la paix de nos cœurs, à notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute déchirant dans nos têtes, alors que le fouet de l’envahisseur nous déchire déjà la peau. Ce ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre. Pendez, pendez ce malfaiteur !
Et de toute façon je serai pendu.
Que leur dirai-je ?

On entendit des bruits de baïonnettes et d’éperons. Le délai accordé prenait fin. Sur son cou le poète sentit le chatouillement du chanvre et au creux de l’estomac la patte griffue de la mort. Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche vociférant :
« Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux,
à vos cailloux, à vos marteaux
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-vous, délivrez-moi !
je veux vivre, vivez avec moi !
tuez à coups de faux, tuez à coups de pierre !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole ! »
Mais ce fut son premier et dernier poème.

Le peuple était déjà bien trop terrorisé.
Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort.

Sous ses pieds les petits mangeurs de pourriture guettent cette charogne qui mûrit à la branche. Au-dessus de sa tête tourne son dernier cri, qui n’a personne où se poser.
(Car c’est souvent le sort - ou le tort - des poètes de parler trop tard ou trop tôt.)

René Daumal, “Les dernières paroles du poète”, extrait final, Le Contre-ciel, 1936

Document C Extrait d’une conférence prononcée à Londres, le 24 juin 1936.
Depuis plus de cent ans, les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n’ont plus de dieux, ils osent embrasser la beauté et l’amour sur la bouche, ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse et sans se rebuter, essaient de lui apprendre les leurs.

Peu leur importent les sarcasmes et les rires, ils y sont habitués, mais ils ont maintenant l’assurance de parler pour tous. Ils ont leur conscience pour eux.

Paul Éluard, L’Évidence poétique, 1937

Document D “Le discours à la première personne” (extrait)
[…] J’aurais tant voulu vous aider
Vous qui semblez autres moi-même
Mais les mots qu’au vent noir je sème
Qui sait si vous les entendez

Tout se perd et rien ne vous touche
Ni mes paroles ni mes mains
Et vous passez votre chemin
Sans savoir ce que dit ma bouche

Votre enfer est pourtant le mien
Nous vivons sous le même règne
Et lorsque vous saignez je saigne
Et je meurs dans vos mêmes liens

Quelle heure est-il quel temps fait-il
J’aurais tant aimé cependant
Gagner pour vous pour moi perdant
Avoir été peut-être utile

C’est un rêve modeste et fou
Il aurait mieux valu le taire
Vous me mettrez avec en terre
Comme une étoile au fond d’un trou

Louis Aragon, “Le discours à la première personne”, section 3, Les Poètes, 1960. (Gallimard, Paris 1969)

Question préalable (4 points)

Caractérisez en les comparant les figures du poète imaginées dans les quatre textes du corpus. Votre réponse n’excèdera pas une vingtaine de lignes

Commentaire :

Document B « Les dernières paroles du poète » René Daumal


Rappel du sujet de l'écriture d'invention :

imaginez un dialogue entre le poète baudelairien et un des “hommes d’équipage” représentant une société sourde à la poésie.

Sujet de la dissertation:

Est-il juste de penser, comme le dit Éluard, que les poètes “parlent pour tous” ?


Correction de la question :

Présentation du corpus et corrigé de la question
Tous les textes du corpus mettent en relation le poète et la société. Chez Baudelaire et Daumal (et dans une certaine mesure chez Aragon) cet élan vers l’autre aboutit pourtant à un échec : chaque poème en effet est construit sur un schéma dialectique où l’engagement personnel du poète, mais aussi idéologique, comme mise en question d’un ordre social existant, est suivi d’une désillusion minée par le tragique, l’absurde ou le doute, et symbolisée finalement par la mort biologique du poète. Chez les deux premiers auteurs, la quête d’absolu du poète est d’autant plus vouée à l’échec qu’elle se fonde sur un dualisme entre conscience individuelle et conscience collective. C’est bien cette séparation que condamne Paul Éluard (mais aussi Daumal plus implicitement) en faisant au contraire du peuple le médiateur entre le poète et sa mission politique.


Au-delà de la narration d’une scène dramatique de la vie en mer, le poème de Baudelaire amène à un déchiffrement symbolique. L’analogie du vers 13 (”Le Poète est semblable au prince des nuées”) établit en effet le passage de l’anecdote à l’allégorie : alors qu’il partage le même sort que le peuple, dont il est le “compagnon de voyage”, l’albatros devient pourtant la figuration du “poète maudit”, mis au ban de la société : celui-ci est l’objet de la violence des marins, de leurs sarcasmes et de leurs rires. La dimension pathétique de la chute de l’oiseau, accentuée par sa gaucherie et sa laideur à la troisième strophe, évoque en outre l’indifférence de la société à l’égard de “l’infirme qui volait”.

On pourrait rapprocher ce texte de la figure exigeante du poète imaginée par René Daumal : sur le point d’être pendu, le poète espère que la société le sauvera : “Faites que je vive, et moi je vous ferai retrouver la parole !”. En liant ainsi son sort à celui du peuple, le poète assume son statut de guide spirituel à l’égard de la société. Pourtant, la “parole” dont parle ici le poète n’est pas la même que pour le peuple, qui ne fera rien pour lui épargner la mort. Ainsi, la fin du texte se conclut-elle de façon très ironique : “Le peuple était déjà bien trop terrorisé. / Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort.”

Comme nous le voyons, les deux premiers textes fonctionnent implicitement comme une critique du pouvoir de la poésie à “parler pour tous” (Éluard) : c’est donc à la fois l’échec personnel du poète mais aussi son échec sur le plan social et historique qui apparaissent finalement. Comment ne pas évoquer ici “Le discours à la première personne” d’Aragon ? En premier lieu, le texte a valeur de témoignage : l’auteur partage avec le peuple une même communauté de destin : “Votre enfer est pourtant le mien / Nous vivons sous le même règne”. Si, comme dans les textes précédents, la présence d’autrui est donc liée à la nécessité de créer (”J’aurais tant voulu vous aider / Vous qui semblez autres moi-même”), ces prédispositions du poète à la quête collective semblent pourtant bien vaines : “Mais les mots qu’au vent noir je sème / Qui sait si vous les entendez / Tout se perd et rien ne vous touche…”

Néanmoins, quand on connaît l’engagement politique d’Aragon, on ne peut se méprendre sur le sens global du texte. C’est en effet cette quête ardente de l’autre qui justifie le titre : le “discours à la première personne” ne saurait se concevoir sans porter attention à l’autre. On comprend mieux dès lors l’avertissement d’Éluard : si les poètes “ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse”, et s’ils ont ”l’assurance de parler pour tous”, il n’en demeure pas moins que leur parole risque de se limiter à une sorte d’autosatisfaction s’ils n’ont que “leur conscience pour eux.” Rejetant toute représentation élitiste ou symbolique de la poésie (”les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n’ont plus de dieux”), l’auteur défend une conception particulière de l’engagement qui passe par la volonté de toucher le lecteur dans son expérience la plus concrète : “ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse”.


Corrigé (plan détaillé) du commentaire

Introduction
Contexte de publication : 1936 (Front populaire mais surtout Guerre d’Espagne). Ce poème évoque la dernière nuit d’un poète que l’on va pendre. Avant de mourir, le poète récitera au peuple un dernier poème. Texte très engagé construit sur une structure dialectique :

1.la crise de conscience individuelle du poète est révélatrice d’une nécessité de l’engagement politique.

2.Mais échec et désillusion : crise collective, incapacité de la poésie à fédérer.

3.dépassement de cette dualité : renouveau symbolique grâce à une poésie plus proche de la vérité, apte à véhiculer des symboles sociaux forts (seul un changement radical dans la poésie peut amener à ce renouveau social).

Plan développé :

1. Un appel à la révolte : doute et espoir

•Importance du contexte référentiel : la prison (registre réaliste). Le poète parle pour échapper à la folie. Mais sa parole est “non parlée” (”Toute la nuit il essaya de s’arracher du cœur le mot imprononçable.”) : échec personnel, aliénation (*) et dualité : “Et il recommençait le tam-tam sourd de sa tête contre le mur. Puis il essayait encore : “Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple.”

•La conscience ne peut être qu’action. Importance du contexte “initiatique” et militant : le poète est un éveilleur de conscience (cf. Rimbaud : poète “voyant”). Il parle pour que le peuple se mette en question. Du poète “radoteur” au poète “malfaiteur”. Un chant révolutionnaire : l’appel à la résistance (date de publication : 1936 ; référence à la guerre civile espagnole).

•Un but révolutionnaire : le pouvoir de dire “non”. Justification de la contre-violence (Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux, à vos cailloux,/à vos marteaux/vous êtes mille, vous êtes forts,/délivrez-vous, délivrez-moi !/je veux vivre, vivez avec moi !/tuez à coups de faux, tuez à coups de pierre !”. Double aspect de la poésie : envisagée comme force de renoncement, d’abnégation mais aussi comme force de transformation et de mutation sociale.

2. L’échec de l’appel du poète et sa condamnation.
Critique du pouvoir de la poésie (le poète renié par le peuple) qui ne peut mener à un Absolu transcendant.

•Un contexte dépressif : impossibilité de la communication. La présence du poète ne se justifie que s’il parvient à articuler “le mot imprononçable” : désillusion et désenchantement (implicitement : détachement avec les Surréalistes, trop préoccupés de la forme et pas assez de l’action). Modalité hypothétique des conditionnels (”Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple. Ils diraient”).

•Refus du peuple d’être questionné (ne veut pas douter) : les difficultés qu’a le poète de parler au peuple. Le peuple ne l’écoutera pas car le poète “veut mettre le doute” : “Il veut nous arracher à la paix de nos cœurs, à notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute déchirant dans nos têtes […]. Ce ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre”.

•Explication : le peuple est terrorisé (il ne fera rien). Échec de l’entreprise : la mort (ironie morbide, esthétique de la dérision). La force de “transformation” de la poésie devient une poésie “en décomposition”. Implicitement, le texte peut se lire de façon dialectique : la condamnation à mort amène la putréfaction mais elle constitue symboliquement un instrument sacrificiel de révélation (et de résurrection).

3. Un apologue symbolique.
•En fait, le texte peut se lire comme une parabole illustrant une nette fissure dans le statut du poète. Poète déchu pour avoir trop recherché l’absolu et l’idéal (doutes perpétuels). Donc justification de l’engagement : de la Parole “non parlée” (le mot “imprononçable” = la transcendance = le poète prophète mais “chanteur inutile” -cf. Hugo “Fonction du poète”) au cri (passage de l’individuel au collectif ; de la transcendance à l’immanence : filiation symbolique du peuple et du poète).

•La “double énonciation” : d’un côté le poète fictif du texte s’adresse au peuple comme personnage, mais leur mort (celle du poète et du peuple “terrorisé”) est vengée par le texte de Daumal qui, s’adressant à nous lecteurs, est donc un “poème du poème” : la fin est en même temps un commencement (dialogue entre l’auteur et le lecteur). La poésie apparaît comme un moyen de questionnement de l’homme et du monde.

•Rattacher le passage au titre du recueil : Contre-ciel : l’engagement dans le présent comme justification du poème (”Car c’est souvent le sort —ou le tort— des poètes de parler trop tard ou trop tôt.”). Le but de la poésie est de retrouver une “parole de vérité” (la modalité énonciative de la fin du texte assume pleinement la valeur gnomique (= de vérité générale) de l’apologue.

Conclusion
Un texte qui remet en question les fondements de la représentation occidentale de la poésie : la poésie n’est pas un “état” mais un “acte” (refus de tout artifice, la poésie comme facteur d’émancipation et de révolution sociale).


Corrigé rédigé de l'écriture d'invention

- Cher Monsieur Baudelaire, me ferez-vous l’honneur de dîner en ma compagnie ?

C’était la première fois depuis l’appareillage que le capitaine de l’Île Bourbon, un steamer à faire pâlir d’envie la marine britannique, s’adressait directement au poète. Contre toute attente, Baudelaire accepta l’invitation et ils se retrouvèrent dans la rutilante salle à manger, dont les boiseries en bois d’acajou et de citronnier lui donnaient un charme exotique indéfinissable. Ce n’est que tard dans la soirée, bien après la fin du repas, que les langues se délièrent au fumoir sous l’effet des alcools.

- Voyez-vous, cher ami, s’exclama avec emphase le capitaine, mon travail sur l’Île Bourbon, au-delà de ses gratifications matérielles, est source d’une profonde satisfaction personnelle. L’emploi de la vapeur doit en effet changer les destinées collectives : dans deux jours exactement, j’aurai parcouru en une année trois fois les mers de l’Inde. Que les partisans de la voile en disent autant ! Je me flatte d’être de mon temps, moi !

Ces dernières paroles furent prononcées en détachant chaque mot, et l’auteur des Paradis artificiels, échauffé qu’il fût par l’enivrement de l’opium, crut bon de ne pas relever l’invective : “Oui je vous envie, l’évasion et le voyage sont pour moi-même des échappatoires au monde, et d’ailleurs…”

- Permettez, permettez ! Je ne parlais pas d’échappatoire. Je ne suis pas dans les tourments du spleen, croyez-moi, mon cher !

- Vous l’êtes, s’exclama Baudelaire se sentant pris à parti. Vous ne vous en rendez même pas compte mais tous vos propos font l’éloge de la révolution industrielle. Vous ne pouvez pas vous empêcher de parler de distances parcourues, de rendements, de gratifications et de profit. Elle est belle la Révolution industrielle, mais la prospérité matérielle ne fait qu’annoncer la crise !

Les prunelles vibrantes de colère, le capitaine s’emporta :

- Culte du moi, fantasme d’individualisme ! Vous vivez dans un temps, qui est fait de chimères ! Parlez-moi de votre métier, voulez-vous ? Vous faîtes des “voyages” et écrivez des “poèmes” ! La belle occupation ! Moi Monsieur, je transporte du coton, du blé, du fer jusqu’aux confins de l’Occident ! Moi et mes hommes travaillons au bien être de la société. Car figurez-vous —pardonnez-moi de vous le rappeler— que la société obéit à des lois, à des règles : les méconnaître ou les transgresser, c’est amener à la décomposition sociale et à l’anarchie !

- Vous et vos hommes comme vous dites, ne pensez qu’à humilier autrui, vous ne faites pas des voyages, vous parcourez des distances ! Vous ne produisez pas des richesses, vous appauvrissez le cœur et l’esprit, vous les soumettez au rendement. “Culte du moi” dites-vous. Quant à vous ? Culte du profit ! De la division du travail ! Société sans goût ! Dans ces conditions, oui, je préfère le retranchement dans l’individualisme.

Le patron de l’Île Bourbon fulminait : “Quel est donc, je vous le demande, l’intérêt d’une poésie qui ne peut être ressentie que par une minorité ? Vous et autres Romantiques souffrez d’une exagération de l’individualisme ! Vous me faites penser à Rousseau, tenez! Un “promeneur solitaire”, voilà ce que vous êtes. La promenade quand le monde est en marche ! L’oisiveté quand le progrès humain est à l’œuvre !”

- Comme vous parlez Monsieur ! Individualisme ne saurait vouloir dire solitude ! Il me permet de mieux observer. Depuis mon départ, je suis attentif à chacun, chaque visage qui passe, je le vois. J’ai vu vos hommes souffrir sous le joug de l’airain et du fer, je les ai vus martyriser des albatros, un jour peut-être le dira-t-on : “le poète est voyant”. Voilà quel est mon métier : moi, je vois, Monsieur, j’observe !

- Allons bon, voulut temporiser le capitaine qui réalisait que la conversation avait pris un tour déplacé, je ne vous en veux pas mon cher Baudelaire de vouloir enchanter le monde avec vos vers, mais reconnaissez-le : la poésie ne peut pas, à elle seule, changer le monde. Oui, je suis enthousiaste du progrès, pourquoi le nier ? Produire de l’utile et de la richesse matérielle, c’est produire du bien-être, qui de plus profite au peuple, quoi que vous en doutiez apparemment !

Baudelaire regarda le rhum ambré qui teintait le fond de son verre. Il ne répondit pas tout de suite. Par le hublot s’apercevaient quelques îlots sur la mer.

- Vous regardez les atolls ? S’enquit le capitaine. Savez-vous que l’océan Indien compte six à sept mille îlots, sans compter ceux autour du Sri Lanka et de Madagascar, et des atolls par milliers. Vous voyez, cher Monsieur, je peux moi aussi être sensible à la beauté des choses !

À cet instant, une jeune femme les croisa. C’était une occidentale, mais son visage était ocré par un mélange de curcuma et d’eau. Ses yeux, soulignés par un trait de khôl lui donnaient l’indicible apparence d’une statue antique.

- Je vois que notre poète maudit n’est pas insensible à la beauté !

Baudelaire se contenta de murmurer, comme s’il se parlait à lui-même : “Je l’aimerais volontiers déesse et immortelle. La femme comme la poésie nous met en contact avec les aspects mystérieux du monde”. Puis il ajouta tout haut : “Détrompez-vous, cher ami, ce n’est pas la femme que je vois, c’est le symbole”.

- On dit ça !

- Vous ne me ferez pas dire ce que je ne pense pas, même avec le rhum, mon cher. Non, croyez-moi, en réalité quand j’ai vu cette femme, j’avais… Comment vous dire… le regret d’une vie antérieure. Son visage était si pur qu’il figurait presque le paradis perdu de l’enfance, auquel nous aspirons tous, n’est-il pas vrai ? Ah! Mon Dieu… Recherche de l’infini, désir de l’impossible…

Les yeux soudain perdus dans le vague des atolls, le poète semblait s’attrister : il regardait autour de lui comme s’il était dans un autre monde. Le capitaine crut bon d’intervenir :

- Certes, Baudelaire, je vous le concède, oui je fais l’éloge d’une société dominée par la technique et les valeurs rationnelles. Mais c’est mon tempérament. Et puis je vous dirai que pour moi, ce sont des éléments d’accès au bonheur. Regardez où vous mène votre poésie ! Vous êtes triste et négatif depuis le début du voyage, et ne croyez pas que vous êtes le seul à “voir” comme vous dites. Moi aussi, je vous ai observé, mon cher, vous vous complaisez dans des rêves stériles ! Ne m’en veuillez pas, mais le capitalisme auquel vous semblez farouchement opposé parce qu’il est utilitariste, est quand même salutaire : sans mon Vapeur, comment seriez-vous allé à la Réunion ? Il faut cesser de chanter la nostalgie ! La poésie ne peut pas répondre aux besoins et aux aspirations de la société : reconnaissez-le !

Baudelaire de nouveau, contemplait la mer. On n’entendait que le clapotis des vagues contre les flancs du navire et sous la carène. Des étoiles fugitives traçaient l’immensité des cieux et même le capitaine sembla soudain attentif au spectacle de la nuit.

- Vous regardez, n’est-ce pas ? Lui dit Baudelaire, désignant les abysses. Mais voyez-vous, jamais machine ne pourra décrire l’immensité du ciel et l’immensité de ces gouffres amers. Jamais le génie technique ne pourra réenchanter le monde comme le fait le Verbe poétique. Comme la mer, la poésie échappe à une représentation positive et arrêtée, car elle perdrait son caractère d’immensité et de mystère. J’écris pour rétablir, au cœur de la vie humaine, les moments “enchantés”, effacés par la civilisation…

À cet instant, un homme d’équipage entra et murmura quelques mots au capitaine qui se leva et s’excusa : on allait bientôt arriver à Port-Louis. Mais Baudelaire semblait ailleurs. Il regardait toujours l’horizon : tout là-bas, très loin, de l’autre côté de la terre, une étoile disparut à la croisée des chemins, entre l’océan indien et le Pacifique. Comme absorbé dans ses pensées, le poète sortit de sa poche un petit carnet à spirales, il en tourna fiévreusement les pages puis écrivit sur l’une qui était encore vierge quelques mots, et un titre :


Correction de la dissertation

[Introduction]

[Entrée en matière + contextualisation (annonce du sujet) + problématisation]

La figuralité [ce qui renvoie à l’imaginaire] de la poésie a souvent été mise en débat. C’est ainsi que Paul Éluard revendique au contraire sa littéralité [ce qui est conforme à la vérité], seule apte d’après lui à rendre compte de la réalité concrète du monde. Dans une conférence prononcée à Londres le 24 juin 1936 à l’occasion de l’exposition internationale du Surréalisme, l’auteur n’hésite pas à prendre ses distances avec nombre de ses contemporains en stigmatisant, au nom de l’”évidence poétique”, toute représentation par trop élitiste ou individualisante de la poésie : “les poètes, écrit-il, sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n’ont plus de dieux”. Cette conception particulière de l’engagement que défend Éluard passe donc par la volonté de toucher le lecteur dans son expérience la plus concrète et la plus universelle : comme il l’affirme plus loin, les poètes “ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse […], ils ont maintenant l’assurance de parler pour tous.”

[Annonce du plan]
Prononcé dans un contexte de crise internationale grave marqué par la Guerre d’Espagne, le Front populaire, la montée des fascismes, le discours de Paul Éluard se justifie d’abord par la nécessité de confronter la poésie aux réalités concrètes [Thèse]. Cependant, les poètes ne parlent-ils que pour tous ? Si nul n’oserait récuser la pertinence d’un tel jugement, il convient cependant de le nuancer au nom d’une autre “évidence poétique” qui a toute sa légitimité : l’énonciation lyrique, par définition individualisante, n’est-elle pas à la base même de la poésie ? On ne saurait négliger l’état affectif que provoque l’écriture d’un poème, et qui s’inscrit dans le moi le plus intime de chacune et chacun d’entre nous. [antithèse]. Cela dit, faut-il s’en tenir à ce dualisme quelque peu réducteur ? Le but ultime de la poésie n’est-il pas d’ouvrir au monde des signes et du déchiffrement ? N’est-ce pas dans sa singularité même que le langage poétique est le plus universel ? [synthèse]

[Première partie. Thèse. Les poètes parlent pour tous : confrontation entre la poésie et les réalités concrètes]

[1-1 : la poésie n’est pas un but en soi mais un moyen]

Dans la perspective éluardienne de l’engagement, il y a en premier lieu la quête de l’existant : de fait, le poète appartient à l’histoire, à la société, aux idéologies. Son chant est par définition universel : il “parle pour tous”. Comme l’écrivait Juan Carlos Baeza Soto à propos du poète espagnol Emilio Prados, “l’essentiel de la poésie engagée réside alors dans l’action avec la réalité et dans la relégation au second plan de la voix individuelle, sinon, le poète se séparerait de la réalité.” Ce contact avec la réalité physique et matérielle rend le poète infiniment présent au monde qui l’entoure. On pourrait citer ici ces vers célèbres d’Hugo dans “Fonction du poète” qui condamnent explicitement le retranchement dans l’individualisme :
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s’en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Ce réquisitoire sans appel contre l’art pour l’art est à la base même de toute poésie engagée. En libérant les hommes de la fiction, les poètes engagés les forcent ainsi à s’interroger sur la légitimité de la parole poétique. S’il fut reproché aux Romantiques, à juste titre souvent, de se couper du réel en privilégiant le moi, c’est que pour eux, la poésie n’était pas un vecteur à l’action collective. Par opposition, le propre du poète engagé est de transformer sa révolte individuelle en révolte collective et en lutte politique. Comment ne pas citer ici “Les dernières paroles du poète” de René Daumal :
Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux,
à vos cailloux, à vos marteaux
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-vous, délivrez-moi !
je veux vivre, vivez avec moi !
tuez à coups de faux, tuez à coups de pierre !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole !
Comme nous le voyons, l’engagement n’est pas inconciliable avec l’émotion la plus profonde. Mais c’est une émotion plus proche du cri que du chant lyrique qui transparaît ici : nul gémissement déploratif, nul épanchement pathétique, mais la force de l’Appel, dépouillé de toute emphase. Si René Daumal a parfois pris ses distances avec la poésie, c’est qu’elle lui semblait trop souvent subordonner la quête collective à l’illusion et au leurre de l’introspection. Faire du lyrisme, n’est-ce pas en quelque sorte “s’écouter parler” ? Dès lors, comment pourrait-il constituer le mode privilégié d’action pour revendiquer la liberté ou plaider pour une cause collective ?

[1-2 : la nécessité d’un langage accessible à tous]
A l’opposé du lyrisme qui se réfugierait souvent dans l’artifice, la poésie doit donc exprimer les sentiments humains par un langage compris de tous. Car c’est bien là que réside son enjeu : comment les masses pourraient-elles percevoir le message s’il ne lui est pas donné d’être accessible ? Prenons pour exemple la poésie symboliste : avant tout “élitiste”, elle aboutira immanquablement au culte du moi, comme le suggère très bien cette sentence sans appel de Mallarmé : “Que les masses lisent la morale, mais de grâce ne leur donnez pas notre poésie à gâter” : placé au-dessus de tout, l’art ne semble réservé qu’à quelques initiés, seuls capables d’en saisir le sens. C’est justement cet hermétisme que condamne Paul Éluard : si la poésie est trop lyrique ou trop personnelle, elle risque de se couper du monde réel. La conscience poétique, par essence individuelle, ne peut conséquemment être qu’action collective : le poète est un éveilleur de conscience. Il parle pour que le peuple se mette en question. Ce n’est pas un hasard si la conférence de Paul Éluard, tout comme le poème de René Daumal, datent de 1936. Ancrés dans l’actualité la plus brûlante, ils traduisent cette capacité du peuple à être sujet de l’histoire. C’est bien là tout le sens de la poésie engagée : on sent nettement à la lecture des textes leur enracinement dans les idéaux d’universalité des Lumières et dans la capacité de la poésie de se faire l’expression du peuple. De là son exigence primordiale d’universalité et d’égalité entre les hommes, permise par l’accessibilité du langage. Cette poésie réaliste, ancrée dans la contingence de son époque, nul mieux que Jacques Prévert s’en est servi pour transcrire la vie quotidienne. “Les mots, disait-il, sont les enfants du vocabulaire, il n’y a qu’à les voir sortir des cours de création. Là, ils se réinventent et se travestissent, ils éclatent de rire…” On reconnaît dans cette citation toute la tendresse de celui qui sut, par sa prose instinctive, traduire les imageries populaires les plus universelles. On pourrait évoquer aussi la poésie naturaliste d’un Aristide Bruant qui entend faire du peuple assimilé au prolétariat, la matière de ses poèmes : “Le beau ayant pour fonction de servir le vrai, nous sommes de ceux qui pensent que la poésie a une mission sociale […]. Affirmer qu’elle sera socialiste, c’est affirmer qu’elle sera populaire ; car il y a nécessairement une espèce de solidarité grandiose entre le peuple et le poète…”.

[1-3 : la poésie comme moteur de changements collectifs]
Comme nous le voyons, dans sa prétention de parler “pour tous”, le poète milite plus encore en faveur du changement idéologique. L’engagement est par définition une mise en question du statisme et de l’immobilisme. C’est donc du fait historique que la poésie engagée tire sa légitimité ; c’est par l’Histoire qu’elle entre dans l’Histoire. “Les dernières paroles du poète” s’apparentent d’assez loin d’ailleurs à une poésie, telle qu’elle est reconnue par la tradition : tantôt manifeste, discours, art dramatique, plaidoyer, réquisitoire, elle débouche sur l’allégorie très politique du poète porte-parole du peuple. Particulièrement au vingtième siècle, les poètes ont en effet revendiqué l’ancrage de la poésie dans une historicité cosmopolite. Les bouleversements socio-historiques les ont amenés à remettre en cause nombre de fondements jugés incompatibles avec la société de leur temps. La poésie vers-libriste par exemple a exploité avec brio le rythme pour revendiquer son nécessaire rapport à la contemporanéité. Mais outre le style, c’est bien le statut de l’intellectuel qui s’est trouvé transformé par l’engagement : il est devenu en quelque sorte un juge à l’égard de ceux qui ne se sont pas engagés. Dans sa volonté de parler “pour tous”, il décrédibilise ceux qui, n’engageant que leur “conscience personnelle”, n’ont pas la prétention de se révolter comme lui. On pourrait rappeler à ce titre combien l’engagement d’Aragon des années Trente aux années soixante-dix dans le journal communiste L’Humanité fut l’occasion, pour nombre d’intellectuels, de poser la question de la responsabilité politique de l’écrivain. C’est bien là qu’est la question : le poète doit-il rendre compte de son art ? Faut-il dès lors, comme le suggère l’affirmation d’Éluard, déclarer le non-politique comme le champ de l’arbitraire et conséquemment la poésie individualiste comme sclérosante ?

[Deuxième partie. Antithèse. L’énonciation lyrique, par définition individualisante, n’est-elle pas à la base même de la poésie ?]

Comme nous l’avons vu, la question d’une poésie qui parlerait pour tous se conjugue avec une présence totale et immédiate de ce que les philosophes appelleraient “l’être au monde” : le poète est de son temps. Mais s’il parle au présent actuel, il prétend en même temps à une sorte de vérité générale qui place le peuple au centre de ses revendications. Une telle conception n’est-elle pas toutefois réductrice ?

[2-1 : la poésie est l’expression du moi]
Tout d’abord, il ne faut pas se méprendre sur le sens profond de l’art poétique : avant d’être engagement pour les autres, la poésie est engagement pour soi-même. C’est l’être entier qu’elle engage ; c’est son univers intérieur et son intimité que le poète traduit en mots sur la page blanche. D’ailleurs, la réalité extérieure importe peu dans de nombreuses poésies, qui s’en distancient même volontairement pour privilégier davantage l’expression de l’émotion et des sentiments. Évoquant en 1924 la poétique de Baudelaire, Paul Valéry notait d’ailleurs que “les Fleurs du mal ne contiennent ni poèmes historiques ni légendes ; rien qui repose sur un récit. On n’y voit point de tirades historiques. La politique n’y paraît point. […] Mais tout y est charme, musique, sensualité puissante et abstraite… Luxe, forme et volupté.” Transcendant par exemple le naturalisme, nombre de poésies s’accompagnent donc d’une indéniable sensibilité individualiste. Si le poète parle pour tous, son art exprime d’abord sa propre personnalité. C’est d’ailleurs cet extraordinaire pouvoir d’imagination qui s’impose comme un impératif intime et souvent non formulé de l’art poétique. Comment le poète pourrait-il “parler pour tous” de ce qui relève d’abord du “pour soi” et de la subjectivité ? On peut y voir un exemple frappant dans “Brise marine” de Mallarmé qui prend souvent les aspects d’un poignant monologue intérieur :
La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !

Cet irrépressible appel du voyage et d’un introuvable ailleurs que célèbre ici le chef de file des Symbolistes est exprimé par une poésie de la douleur la plus subjective et la plus intime, dégagée de toute mission sociale.

[2-2 : la poésie comme art autonome, dégagé de toute mission sociale]
Aussi, l’expression de ce lyrisme personnel ne prend-elle pas les mots selon l’acception que leur attribue le sens commun : elle les enrichit de connotations plus rares qui privilégient cet épanchement du moi, cette effusion de l’intime que le modèle expressif individualiste romantique puis symboliste ont si bien rendus. Il s’agit ainsi pour le poète de ressusciter le sens profond du mot qui semble parler pour lui-même. N’est-il pas dès lors possible d’envisager la poésie comme un art autonome, qui n’aurait d’autre fin que cette part formelle du langage qu’ont parfois à tort si souvent dénigrée nombres d’auteurs “engagés” ? On pourrait à ce titre rappeler utilement la définition qu’a proposée Roman Jakobson de la fonction poétique du langage : s’il mentionne que toute poésie est au départ contextuelle et référentielle, c’est pour souligner combien les parallélismes sonores et les effets rythmiques sont des éléments essentiels à la structure poétique. Dans leur mépris de ce qu’ils nommaient “le monde des apparences”, les Symbolistes par exemple ont assigné d’abord à la poésie la recherche de l’émotion intellectuelle, loin du monde réel. Culte du moi, égoïsme, diront certains, auxquels nous objecterons que c’est précisément par son refus des contingences et de l’Histoire que la poésie peut faire naître, dans leur plus intime singularité, l’émotion et les sentiments. Cherchons-en une preuve dans cet autre vers célèbre du “Tombeau d’Edgar Poe” de Mallarmé : la poésie selon lui doit “donner un sens plus pur aux mots de la tribu”. Les “mots de la tribu”, c’est le langage ordinaire, la prose commune qui en aurait galvaudé le sens poétique profond en le réduisant au code commun, irréductible à la plénitude de l’être.

[2-3 : l’engagement individuel ne saurait servir une lutte collective ]
Certes, on objectera qu’en parlant de lui, le poète parle pour tous : au-delà de son moi le plus intime, c’est l’âme humaine qu’il traduit tout entière. Même dans le lyrisme le plus individuel affirmeront certains, ses vers ont souvent une valeur générale. Cette dimension esthétique pourrait donc être placée au service d’une cause capable de restituer une émotion collective. Mais reconnaissons-le : sitôt qu’elle s’adresse au public, la poésie ne perd-elle pas un peu de son âme ? Ne risque-t-elle pas dès lors d’épouser les idées politiques et culturelles d’un système dominant ? L’exemple du Surréalisme est tout à fait signifiant : ainsi, dès les années Trente, s’était posée la question de son engagement politique et idéologique. À Éluard et surtout Aragon qui s’étaient engagés aux côtés des Communistes, André Breton, dans son refus absolu de “tout contrôle exercé par la raison” avait répondu par la négative en célébrant au contraire l’imagination et le rêve. Cette apologie de l’inconscient, le chef de file des Surréalistes l’a justifiée dans ses Entretiens, en insistant, non sans justesse, sur les dangers d’une poésie qui aurait fini par oublier l’expression du moi. “Parler pour tous” dès lors, n’est-ce pas parler pour personne ? N’est-ce pas privilégier au sentiment le plus intime une parole qui n’aurait d’autre fin que de “réglementer” les mots en leur assignant une fonction utilitaire, et oserons-nous dire, “collectiviste” ? Qu’il nous soit permis d’évoquer ici ces propos de Claude Cahun dans Les Paris sont ouverts : “L’exigence des conformismes idéologiques, écrivait-elle, serait la négation même de toute poésie. La vraie poésie ne peut pas accepter des commandements externes, elle est la libre expression des individus dans leur plus secrète intériorité”. Le mot est dit : “secrète intériorité”. Rien n’est plus individuel que la poésie, et ce serait risquer d’en pervertir l’usage que d’assigner à l’engagement individuel la mission de servir une lutte collective.

[Troisième partie. Synthèse. N’est-ce pas dans sa singularité même que le langage poétique est le plus universel ?]

Dès lors, il convient de s’interroger : faut-il opposer le poète qui “parle pour tous” à celui qui ne parlerait que “pour lui-même” ? De fait, particulièrement quand il est question de poésie engagée, on a souvent tendance à voir dans le style la contre-épreuve de la sincérité et de la mission du poète. Mais n’est-ce pas une conception quelque peu réductrice ? Ne serait-il pas plus légitime de célébrer dans la spécificité même du langage poétique la quête du sens ?

[3-1 : le pouvoir transfigurateur du langage poétique]
Le propre de l’art poétique est d’ouvrir au monde des signes et du déchiffrement : c’est la recherche du Verbe comme unité première et de l’indicible qui définit la spécificité du langage poétique et qui transcende ainsi sa fonction utilitaire. Le poète Pierre Emmanuel dans Qui est cet homme, ou le singulier universel raconte à ce titre l’anecdote suivante : “Un jour que je furetais chez mon libraire, je fis tomber un livre du rayon. C’était Sueur de Sang, de Pierre Jean Jouve… machinalement, je feuilletai le livre. Il était beau, aéré comme un temple… Je fus investi par les images […]. Je fus converti, c’est-à-dire mué en moi-même… La vérité que j’avais cherchée hors de moi, comme une donnée que je reconnaîtrais à certains signes, elle était en moi, maintenant, implicite mais entière : c’était le langage de l’être, langage d’autant plus universel qu’il est davantage singulier”. Comme nous le voyons, toute la question est moins d’opposer une poésie qui parlerait “pour tous” à une poésie intimiste, que d’évoquer ce pouvoir transfigurateur du langage poétique. Il n’est que d’évoquer l’exemple de la poésie romantique : à la fois épique et lyrique, intime et collective, elle a su magnifiquement exploiter le mystère allégorique des mots. Paradoxalement, les poètes sont là pour nous rappeler qu’ils sont peut-être parmi ceux qui ont la plus forte exigence référentielle : leur ambition n’est-elle pas de nommer ce qui se dérobe le plus à la description? “Se faire voyant” écrivait Rimbaud : c’est-à-dire trouver un langage unique qui, transcendant le matériel, s’ouvrirait à la réalité de l’infini.

[3-2 : la poésie parle à l’âme]
L’esthétique n’est donc pas l’ennemie du réel. Il importe au contraire de reconnaître dans la spécificité du langage poétique les fondements d’un questionnement de l’être. Récusant la problématique sartrienne de l’engagement, le romancier et critique Jean Ricardou n’hésitait pas à rappeler que “la littérature, c’est ce qui se trouve questionner le monde en le soumettant à l’épreuve du langage. C’est pourquoi, à nos yeux, ignorer le langage en le considérant comme outil […] ce n’est nullement questionner le monde -c’est, au contraire, se priver de la question” (Que peut la littérature ?). Ainsi, au poète qui “parle pour tous” et à celui qui ne parlerait que “pour lui-même”, il conviendrait d’évoquer le poète qui n’aurait d’autre mission que celle de célébrer par le Verbe l’indéchiffrable de l’homme. La poésie ne pourrait-elle pas alors s’apparenter à une recherche de l’unité ? Le poète est celui qui parle “pour tout”, pour le tout. Considérer le tout, rechercher le tout, c’est pour le poète appréhender l’âme. Si la poésie peut avoir pour fonction de saisir ce qui fait l’universalité du peuple et l’intimité du moi, elle peut également rechercher l’harmonie du monde. À la discordance et à la colère de l’engagement qu’ont revendiquée des auteurs comme Lautréamont ou Artaud par exemple, d’autres au contraire ont voulu voir dans le poème une expression harmonieuse et sublimée de ce qu’il y a de plus universel dans l’homme. À la dissonance, ils ont préféré ce qu’il y a de moins dissonant dans la pensée. Poésie de la concordance pourrait-on dire, poésie de l’âme ou “poésie pure” selon l’expression de Paul Valéry. Dans la revue Clarté de novembre 1925, Paul Éluard s’en prend violemment à cette conception de l’absolu poétique à travers un article au titre provocateur : “Des perles aux cochons…”. Pourtant, toute la question est de savoir si la poésie doit forcément “représenter”, et donc s’assujettir au réel ? Plutôt que de parler de sa fonction, qui la rattacherait forcément à la question de la référentialité et donc du contexte social et politique, il convient davantage d’évoquer sa nature profonde, qui est d’être dans le monde pour se faire signe d’un autre monde.

[3-3 : la poésie est l’expression du mystère même du monde]
Sans revenir sur nos analyses précédentes où nous évoquions la fonction poétique du langage, il apparaît comme déterminant de dire que l’essentiel de la poésie ne se situe pas hors du langage mais dans le langage. Peu importe de savoir à qui elle parle puisqu’elle parle ; l’essentiel, c’est donc le mot, le langage même :
La poésie parle.
Fût-elle avec des mots fictifs. Et c’est paradoxalement dans la fiction qu’elle peut le mieux évoquer notre monde, puisqu’elle en dépasse les contradictions dans une démarche qui relève précisément du spirituel et du métaphysique. On pourrait citer ici ces si beaux vers de l’écrivaine Anna de Noailles :
C’était l’heure où le vent, en hésitant, se lève
Sur la ville et le port que son aile assainit.
Mon cœur fondait d’amour, comme un nuage crève.
J’avais soif d’un breuvage ineffable et béni,
Et je sentais s’ouvrir, en cercles infinis,
Dans le désert d’azur les citernes du rêve.
Comment ne pas voir dans cette évocation tout à fait subjective du “Port de Palerme” un vaste mouvement d’intériorisation qui tente d’appréhender la conception primitive de toute existence : le retour à l’unité perdue. Il fut largement reproché à Moréas ou Gauthier de cultiver le mot pour l’évocation de ses résonances. Mais, le dédain de l’utile, la recherche de l’absolu, si souvent décriés par les écrivains engagés, ne seraient-ils pas, pour échapper à une vie toujours en mouvement, une façon d’appréhender la concordance et le mystère même du monde en transgressant l’ordre logique et matériel qui prétend l’y soumettre au nom de l’engagement ? Nous avons tous en mémoire ces propos si célèbres de Mallarmé, affirmant en 1884 que “la poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence ; elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle”. Comme nous le comprenons, si la poésie peut rendre le monde plus lisible, c’est en se constituant comme l’indicible point d’intersection où se nouent en elle le moi le plus intime et les exigences les plus universalistes.

[Conclusion]
Au terme de ce travail, interrogeons-nous : en peignant le quotidien universel des peuples, la poésie assume une fonction d’engagement qui invite les hommes à “entrer en résistance”. Mais cette fonction d’engagement, qui suppose le désir légitime de se tourner vers l’autre et d’accueillir l’altérité, ne saurait faire oublier une dimension non moins importante, centrée sur l’homme et le sens intime de son être. C’est dans cette apparente contradiction que s’éclaire justement la nature profonde du texte poétique : en participant à la création d’un monde par essence subjectif, la poésie “décrée” le réel pour mieux le reconstruire. Comme nous l’avons montré, peu importe pour qui elle parle : “elle parle, donc elle est”. C’est dans la séparation et la réconciliation des contraires qu’elle assume cette quête de savoir qui définit le mieux l’humain

Correction proposée par Brunorigolt
site : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/


Rapport du jury pour les exercices bac blanc :

La question sur le corpus

Rappel du sujet : il était demandé aux candidats de “caractériser, en les comparant, les figures du poète imaginées dans les quatre textes du corpus”.

Les contresens d’interprétation de la consigne
Attention aux lectures hâtives des consignes : elle conduisent preque toujours à une mauvaise compréhension de la question. Ainsi, les mots “figure” et “imaginées” ont suscité quelques graves erreurs. D’où un certain nombre de réponses entièrement hors-sujet et malheureusement inévaluables. De fait, vous avez été un certain nombre à interpréter le terme “figure” dans son sens stylistique. Le participe “imaginées” qui fait penser aux “images” en poésie, n’a fait que renforcer cette erreur. Les élèves concernés auraient dû cependant prêter attention : de fait, l’expression de “figure du poète” ne renvoie absolument pas aux “figures de style”. Ici, étudier les “figures du poète” revenait à s’interroger sur la représentation du poète afin de déterminer quelle image les auteurs donnaient de sa condition et de sa mission dans la société.

La nécessité de “confronter” les textes
On attendait une réponse d’une trentaine de lignes environ. Il était donc attendu des aptitudes à la synthèse, en particulier la capacité à confronter les textes au lieu de les traiter isolément. Tous les textes du corpus mettaient en relation le poète et la société. En général, les élèves l’ont bien compris. Chez Baudelaire et Daumal (et dans une certaine mesure chez Aragon) cet élan vers l’autre aboutissait pourtant à un échec. De nombreux étudiants ont à ce titre rappelé la figure du “poète maudit”. C’était tout à fait acceptable à la condition bien entendu d’utiliser avec prudence la notion. Si l’on pouvait tolérer qu’un élève compare Daumal à un “poète maudit” comme Baudelaire, il était en revanche inconcevable d’inclure Éluard ou Aragon. Quelques rares candidats ont perçu dans la figure du poète imaginée par les textes l’allégorie d’une mise en question d’un ordre social existant, symbolisée finalement par la mort biologique du poète. Cela a donné des réponses souvent judicieuses. En revanche, le discours d’Éluard et le poème d’Aragon ont posé davantage de difficultés d’interprétation, parce qu’ils touchaient à des problématiques moins évidentes, en particulier le refus de toute représentation élitiste ou spiritualiste de la poésie.
Dans quelques rares copies, ma collègue et moi-même avons déploré des réponses du type : “Dans les documents A et B, par opposition au document C”. Ce genre de prose “administrative” ne veut strictement rien dire. La présentation des textes doit mentionner explicitement leur titre ou le nom de l’auteur : “Dans “l’Albatros” ainsi que dans le poème de René Daumal”… L’indication de numéro ou de lettre dans l’intitulé des sujets n’est donc qu’une aide typographique destinée à mieux mettre en valeur les textes.

La tendance à la généralisation
C’est l’erreur la plus fréquente. Elle touche un certain nombre de candidats (parfois de valeur) qui éprouvent des difficultés à hiérarchiser et à sélectionner leurs connaissances : ils veulent tout mettre en négligeant les aspects particuliers de la consigne : c’est-à-dire sa délimitation. Leur réponse ressemble ainsi à une sorte d’exposé ou de discours très général. Autre cas de figure : vous vous trouvez devant un texte évoquant une problématique déjà traitée (c’était le cas du poème “L’Albatros” de Baudelaire), et vous cherchez à réutiliser vos connaissances… le risque est de tomber dans les généralités en oubliant la prise en compte minutieuse de laquestion spécifique qui vous est soumise.

Voici un exemple de cette tendance à la généralisation :
Le poème de Baudelaire est composé de quatrains rédigés en alexandrins. Le poème évoque le thème du voyage. En effet, le poète emploie le champ lexical de la mer : “tempête”, “mers”, “gouffres amers”, “avirons”…
Comme on le voit, l’élève exploite des connaissances qui auraient peut-être été judicieuses dans un autre contexte (encore que le thème du voyage ne soit pas déterminant dans ce texte), mais qui s’avèrent tout à fait inutiles ici.

Rapport du jury pour le commentaire:


L’introduction

En général, elle a posé problème dans de nombreux commentaires. En premier lieu, vous avez oublié (à quelques très rares exceptions près) de contextualiser le texte de Daumal. Pourtant l’année 1936 ne vous était pas inconnue sur le plan historique (la Guerre civile espagnole, le Front populaire, la montée des fascismes…). D’où des introductions d’à peine quelques lignes, situant grossièrement le texte et annonçant vaguement un plan. À l’opposé, certains (bons) élèves ont commis la regrettable erreur de réciter leur cours sur la poésie engagée pour problématiser le texte : non seulement, cela n’avait pas d’intérêt mais de plus, cela perdait le lecteur au lieu de le guider. Attention donc : des introductions trop longues, qui ressemblent à des exposés sur un genre, une époque, un auteur sont tout aussi problématiques que des introductions trop courtes.

Dans l’introduction, amenez rapidement le texte (genre, questions littéraires que pose ce genre). La date de parution du texte doit vous permettre de le replacer dans l’histoire des idées et des mouvements culturels, sans vous attarder pour autant sur des considérations trop générales. C’est à partir de là que vous pourrez problématiser le passage à commenter et annoncer votre plan.

Mais l’erreur majeure de beaucoup d’introductions a été de mal annoncer le plan (voire de l’oublier !). Lisons ces deux exemples d’introduction pour essayer de comprendre ce qui ne convient pas et doit être amélioré :

•introduction 1 [problématisation + annonce du plan] :
Nous nous demanderons comment le poète a vécu ses dernières heures de vie. Dans un premier temps, nous verrons les conditions d’enfermement du poète, puis le moment de sa pendaison et enfin nous étudierons les minutes qui suivent sa mort.

•introduction 2 [problématisation + annonce du plan + début de la première partie] :
Dans ce poème de René Daumal, “Les dernières paroles du poète”, nous voyons la mise à mort d’un poète. Nous verrons le déroulement en deux parties. La première : la veille de l’exécution ; puis en deux le jour de l’exécution pour répondre à la question : comment le poète vit l’approche de son exécution ?”
[Début du premier axe] Donc la veille de sa mise à mort, le poète est désespéré. Il se tape la tête contre le mur comme s’il n’en revenait pas…
Comme nous le voyons, la difficulté de ces deux introductions tient d’abord au fait qu’elles ne problématisent pas le texte, c’est-à-dire qu’elles ne parviennent pas à en dégager l’enjeu, le problème posé et qui doit amener à un questionnement (ici la question de l’engagement). Au lieu de cela, les candidat(e)s adoptent une démarche maladroite, qui consiste dès l’annonce de leur plan à “raconter” le texte. L’introduction 2 est particulièrement illustrative de cette difficulté : non seulement le plan ne progresse pas puisqu’il est “linéaire”, au lieu d’être “organisé”, c’est-à-dire structuré selon une logique démonstrative, mais il amène par la force des choses à faire de la paraphrase.


Un bon plan doit être fondé sur plusieurs axes allant vers la formulation des intentions de l’auteur, ou des effets produits sur le lecteur. Comme pour la dissertation, vous annoncerez d’abord l’idée principale que vous développerez en quelques lignes, si possible de façon conceptuelle et analytique. Puis vous illustrerez cette idée à l’aide d’exemples, donc de citations.

Le plan d’exemples
Au lieu d’être fondé sur des axes permettant de faire émerger la problématique, le plan d’exemples se limite à des remarques de détail : il n’y a pas de fil conducteur, d’idée directrice. On le voit nettement dans l’exemple ci-dessous tiré d’une copie d’élève :
D’autre part, l’auteur a fortement insisté sur l’emploi de l’imparfait à valeur descriptive. Cette fois-ci encore cela dégrade de manière irréversible le statut de l’artiste puisque la description […]
Enfin, l’artiste de cette œuvre a fait appel au discours direct. Dans ce contexte, le discours direct permet au poète d’exprimer son désespoir, son impuissance face à un destin qu’il ne peut contrôler […].
Certes, il y a bien des connecteurs (”D’autre part”, “enfin”) mais le candidat juxtapose des remarques (d’ailleurs beaucoup trop superficielles) sur les formes d’écriture (l’imparfait, le discours direct), à partir desquelles s’organise son parcours démonstratif : mais ici les moyens (la forme, les procédés) sont mis à la place de la fin (l’interprétation et le sens global du texte) : il n’y a donc pas de lecture “organisée” et “structurée en axe. Il y avait peu pourtant à faire : il suffisait de modifier l’ordre des éléments :
Premier paragraphe : “D’autre part… l’irréversibilité de la mort [sens] est accentuée par les imparfaits à valeur durative [forme] qui évoquent l’écoulement du temps, la longue attente de la mort.”
Deuxième paragraphe : “Enfin, l’expression du désespoir et de l’impuissance face à la mort [sens] est bien rendue par l’utilisation du discours direct [forme] qui traduit la violence affective du poète, et peut-être le refus d’un destin qu’il ne peut contrôler…
Le fait de “raconter” le texte au lieu de l’analyser

Dans de très nombreux commentaires, les élèves ont été abusés par l’apparence narrative du texte de Daumal. Ils l’ont donc envisagé comme une “histoire”, commettant ainsi des erreurs regrettables sur le plan de l’interprétation. Beaucoup d’élèves en effet n’ont fait que “raconter” ou “décrire” le texte en oubliant sa spécificité poétique d’une part et son très net ancrage argumentatif d’autre part. D’où un très grand nombre de commentaires entièrement “linéaires” et strictement paraphrastiques. On fait de la paraphrase quand on redit ce qu’exprime déjà un texte. C’est un obstacle majeur dans le commentaire puisqu’elle conduit à délayer le contenu au lieu de l’expliquer. De là une absence totale de raisonnement démonstratif, sans aucune analyse et sans aucune réflexion sur la question de l’engagement, qui était pourtant essentielle dans le texte.

La conclusion
Beaucoup de conclusions se sont bornées à répéter l’introduction. De là l’impression très négative laissée par la lecture. On doit mesurer au contraire en vous lisant ce qui a justifié votre démarche analytique. Attention aussi aux conclusions qui poursuivent l’analyse du texte, avec exemples et citations à la clef. C’est d’une maladresse incroyable.
Par définition, une conclusion est un bilan. Elle doit être brève et ne pas comporter d’exemples. Elle sera d’autant meilleure qu’elle répondra implicitement à la question : “D’où est-ce que je suis parti, pour parvenir où?”. C’est la raison pour laquelle je vous conseille de rédiger votre conclusion dès que vous avez terminé l’introduction, afin de bien mettre en valeur la cohérence de votre parcours démonstratif.

Ouverture :
Concernant l’élargissement, je vous recommande la prudence. Attention aux prétendues “ouvertures”, tellement larges et vagues, qu’elles se noient bien souvent dans des considérations dépourvues d’intérêt ; ce qui est fortement pénalisant, surtout en fin de devoir : si vous manquez d’inspiration, je vous recommande donc de ne pas élargir. Certes, il est possible d’ouvrir une perspective, mais en restant dans les limites de la problématique posée.

Grille d’évaluation retenue
•Compréhension du sens global du texte (4 points) : être capable de dégager les enjeux
•Thèmes abordés, problématisation (et si possible contextualisation, même sommaire)
•Capacités d’analyse (4 points) : le candidat est capable d’analyser la façon dont le style du texte suscite des effets de sens.
•Prise en compte de la spécificité générique du texte (un poème)
•Analyse précise du lexique et de la rhétorique
•Organisation et structuration du devoir (4 points)
•Introduction, conclusion
•Parcours démonstratif organisé en axes (si possible hiérarchisés)
•Structure des paragraphes argumentatifs
•Mobilisation adaptée des connaissances (4 points)
•Qualité de l’écrit (orthographe, syntaxe)
•Vocabulaire spécifique à l’analyse littéraire)
•Culture générale

Rappport et bilan du jury de l'écriture d'invention:

La difficulté ici, c’est qu’il y a certes un dialogue, mais il détourne le sujet de son enjeu majeur qui était de faire réfléchir à la fonction de la poésie, et non au sort des albatros ! N’oubliez pas que l’épreuve est destinée à tester vos connaissances sur les objets d’étude (ici la poésie) et à apprécier la qualité de votre expression littéraire : dans le cas p
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