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 DU BREVET AU BAC :: LECTURES ANALYTIQUES ET COMMENTAIRES :: "La cigale", Anouilh, détournement de la fable

"La cigale", Anouilh, détournement de la fable

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MessageSujet: "La cigale", Anouilh, détournement de la fable  Posté leVen Jan 14, 2011 11:45 pm Répondre en citant

Anouilh, « La cigale »

Le choix du titre
Anouilh élimine la fourmi au profit du renard, réputé
pour sa ruse, discret clin d’oeil au Roman de Renart.
La cigale devient le personnage principal, héroïne
triomphante qui dément ainsi sa légende et la fable
source. La cigale est en réalité une fourmi. Elle est le
moteur du récit (vers 9), impose sa parole, calcule,
décide, ordonne (« j’entends » répété deux fois, v. 38
et 42, « vous l’augmenterez », v. 40, « je veux », v. 50,
contraignant le renard à « s’incliner », v. 57).

La progression de la fable
Une construction, efficace, est fondée sur un coup
de théâtre qui constitue un renversement de situation
et un retournement du sens de la fable de La Fontaine.
Au plaidoyer pro domo de celui-ci en faveur de la cigale,
incarnation de l’insouciance prodigue du poète, Anouilh
substitue une satire mordante du milieu artistique et
fait de la cigale un personnage antipathique. La fable
est construite à la façon d’une petite comédie grinçante
en 5 actes :
– premier acte (vers 1 à Cool : présentation du personnage
principal ;
– deuxième acte (vers 9 à 32), la visite chez le renard. La
cigale se tait et écoute sagement ce dernier lui proposer
un marché de dupes ;
– troisième acte (vers 32 à 44) : réponse inattendue de
la cigale qui dévoile le personnage et constitue un coup
de théâtre, le renard se tient coi ;
– quatrième acte (vers 45 à 55) : fausse sortie, très
théâtrale, de la cigale qui se drape dans ses atours et
occasionne un quiproquo, le renard se méprenant à
nouveau sur son interlocutrice ;
– le dernier acte, bref (deux vers), en forme de
dénouement et d’épilogue, revient sur le renard et sa
décision de changer de métier.

La critique d’un certain milieu social
La cigale est une chanteuse en tournée dans les
casinos. La fable est plaisamment actualisée dans le
contexte des années soixante, aujourd’hui, la cigale
passerait sans doute à la télévision.
Une fois sa tournée estivale achevée, elle cherche à
placer ses économies, on notera la satire acérée d’un
milieu qu’Anouilh connaît bien, celui des artistes qui
prétendent vivre d’amour et d’eau fraîche, affichent le
plus grand mépris pour l’argent, prennent la posture
de l’artiste, par définition désintéressé et dispendieux.
Rappelons qu’Anouilh est politiquement un anarchiste
de droite stigmatisant les faux-semblants d’une
profession qu’il exècre. Or, la cigale est tout le contraire,
aujourd’hui elle placerait ses économies en Suisse ou
à Monaco ! La fable est inscrite dans le contexte très
polémique des années soixante qui voient s’affronter
artistes engagés comme Sartre et écrivains refusant tout
engagement politique. Pragmatique, elle spécule et se
montre avide de profit, c’est une capitaliste plus rapace
que la fourmi qui thésaurise. Anouilh nous offre une
leçon d’économie. Profondément individualiste, la cigale
se montre à la fin cynique et âpre au gain, n’hésitant pas
à pratiquer l’usure. Sa dureté de coeur est soulignée par
son « oeil froid », son « regard d’acier » (v. 33 et 35), par
l’ironie mordante par laquelle elle réplique du tac au tac
à l’offre du renard au vers 32, mise en valeur par la rime
« muses »/ « amuse » (preuve qu’elle n’est pas dupe). Le
détail de la « cape de renard » (v. 47) révèle la cruauté
du personnage. La cigale d’Anouilh est plus proche de
Gobseck que de l’insecte de la Fontaine insouciant, tout
entier à son art, imprévoyant, incapable du moindre
calcul et totalement inadapté au monde.

Le personnage du renard
Anouilh reprend les principaux traits de l’animal tels
qu’ils se sont perpétués depuis Le Roman de Renart :
rusé, il croit tenir « la bonne affaire », toujours prêt à
profiter de la crédulité d’autrui, beau parleur comme en
témoigne le long discours (19 vers) qu’il tient à la cigale,
obséquieux, « tout sucre et tout miel » (vers 34), c’est
un flatteur à l’instar du renard de La Fontaine auquel
la tournure « Maître Renard », fait clairement allusion :
« Madame » respectueux lancé à la visiteuse, vouvoiement
appuyé, hyperbole du vers 14, modestie feinte (« le rôle
ingrat » de gérer les économies de son interlocutrice),
opposant les « trop bas calculs » à « l’art » et au « génie »
de la cigale (v. 25-26), s’incluant dans ces « autres »
anonymes dépourvus de tout talent poétique (vers 23),
multipliant les compliments achevant sa péroraison
sur une exclamative pleine d’un regret feint (vers 30)
et ponctuant d’une formule stéréotypée et emphatique,
« ne sacrifier qu’aux muses ». « Maître renard » s’amuse
et croit tenir sa dupe.
Il se montre éloquent et persuasif, comme le renard
de la tradition : en guise de « captatio benevolentiae »
(vers 14 à 1Cool, cinq vers sont destinés à amadouer la
cigale par un compliment, immédiatement suivi d’une
considération générale sur la nécessité de l’argent. Il s’agit
d’atténuer les préventions de cette dernière en feignant
un désintéressement censé séduire. Mais le renard
est victime d’un cliché raillé par Anouilh : les artistes
seraient des êtres éthérés méprisant les contingences
matérielles. Il entre ensuite dans le vif du sujet par
un argument présentant les inconvénients de gérer sa
fortune (« soins », « gêne ») et la nécessité de recourir à
des intermédiaires.
Les vers 25-26 font valoir un second argument
présentant les conséquences à vouloir s’occuper soimême
de sa fortune sur l’inspiration. Avec les impératifs
(« laissez » répété, « signez », « ne vous occupez de
rien »), le renard se fait plus pressant et joint le geste à la
parole, non sans avoir minoré (vers 27, bref octosyllabe,
qualificatif diminuatif) l’engagement qu’il propose.
Le vers 32 constitue un coup de théâtre, qui dévoile
au renard l’étendue de son erreur. Désormais, c’est la
cigale qui mréduit à écouter et obtempérer. Sa méprise est double : il
a cru une première fois duper sa visiteuse en lui faisant
signer un blanc-seing, il se trompe une seconde fois en se
méprenant sur la condition fixée par celle-ci au vers 50.

Une fable sans prétention morale
Anouilh ne prétend pas enseigner, ne délivre pas de
morale, il montre. Le renard tire la leçon de l’épisode et se
reconvertit, la cigale l’a tiré de son illusion (« il se croyait »,
v. 56), il reconnaît sa défaite (« il s’inclina », v. 57), mise
en valeur par l’enjambement avec rejet. Lui qui se pensait
maître ès cynisme, dépourvu de tout scrupule a trouvé
plus fort que lui, plus avide. Le « mais » du dernier vers est
humoristique et amorce la chute, le renard n’abandonne
pas la partie, on ne se refait pas ! « Il apprend la musique »
(v. 57) : le fabuliste joue sur le double sens de l’expression
courante légèrement modifiée « connaître la musique »,
à savoir il lui faut progresser encore pour parvenir au
niveau de sa rivale en matière de spéculation, il se met à
la musique qui lui semble un bon moyen de s’enrichir et
non par amour de l’art.

Séquence et analyse du site :
http://lpblanc.blog.espresso.repubblica.it/files/argumentation-fable-cf.-pages-3-5-sur-la-fontaine.pdf
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