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 DU BREVET AU BAC :: LECTURES ANALYTIQUES ET COMMENTAIRES :: « Les dernières paroles du poète » René Daumal

« Les dernières paroles du poète » René Daumal

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MessageSujet: « Les dernières paroles du poète » René Daumal  Posté leJeu Jan 06, 2011 4:11 pm Répondre en citant

Examen blanc
épreuve commune (janvier 2010) : sujet + corrigés


Objet d’étude : la poésie



Corpus

Document A Charles Baudelaire, “L’Albatros“
Document B René Daumal, “Les dernières paroles du poète“
Document C Paul Éluard, Conférence prononcée à Londres, le 24 juin 1936 (extrait)
Document D Louis Aragon, “le Discours à la première personne“ (extrait)


Commentaire :

Document B « Les dernières paroles du poète » René Daumal

Et le poète, dans sa prison, se frappait la tête aux murs. Le bruit de tambour étouffé, le tam-tam funèbre de sa tête contre le mur fut son avant-dernière chanson.

Toute la nuit il essaya de s’arracher du cœur le mot imprononçable. Mais le mot grossissait dans sa poitrine et l’étouffait et lui montait dans la gorge et tournait toujours dans sa tête comme un lion en cage.

Il se répétait :

« De toute façon je serai pendu à l’aube. »
Et il recommençait le tam-tam sourd de sa tête contre le mur. Puis il essayait encore :

« Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple. Ils diraient :

- Nous savons déjà. Pendez, pendez ce radoteur. »
Ou bien ils diraient :
- Il veut nous arracher à la paix de nos cœurs, à notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute déchirant dans nos têtes, alors que le fouet de l’envahisseur nous déchire déjà la peau. Ce ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre. Pendez, pendez ce malfaiteur !
Et de toute façon je serai pendu.
Que leur dirai-je ?

On entendit des bruits de baïonnettes et d’éperons. Le délai accordé prenait fin. Sur son cou le poète sentit le chatouillement du chanvre et au creux de l’estomac la patte griffue de la mort. Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche vociférant :
« Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux,
à vos cailloux, à vos marteaux
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-vous, délivrez-moi !
je veux vivre, vivez avec moi !
tuez à coups de faux, tuez à coups de pierre !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole ! »
Mais ce fut son premier et dernier poème.

Le peuple était déjà bien trop terrorisé.
Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort.

Sous ses pieds les petits mangeurs de pourriture guettent cette charogne qui mûrit à la branche. Au-dessus de sa tête tourne son dernier cri, qui n’a personne où se poser.
(Car c’est souvent le sort - ou le tort - des poètes de parler trop tard ou trop tôt.)

René Daumal, “Les dernières paroles du poète”, extrait final, Le Contre-ciel, 1936


Corrigé (plan détaillé) du commentaire

Introduction
Contexte de publication : 1936 (Front populaire mais surtout Guerre d’Espagne). Ce poème évoque la dernière nuit d’un poète que l’on va pendre. Avant de mourir, le poète récitera au peuple un dernier poème. Texte très engagé construit sur une structure dialectique :

1.la crise de conscience individuelle du poète est révélatrice d’une nécessité de l’engagement politique.

2.Mais échec et désillusion : crise collective, incapacité de la poésie à fédérer.

3.dépassement de cette dualité : renouveau symbolique grâce à une poésie plus proche de la vérité, apte à véhiculer des symboles sociaux forts (seul un changement radical dans la poésie peut amener à ce renouveau social).

Plan développé :

1. Un appel à la révolte : doute et espoir

•Importance du contexte référentiel : la prison (registre réaliste). Le poète parle pour échapper à la folie. Mais sa parole est “non parlée” (”Toute la nuit il essaya de s’arracher du cœur le mot imprononçable.”) : échec personnel, aliénation (*) et dualité : “Et il recommençait le tam-tam sourd de sa tête contre le mur. Puis il essayait encore : “Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple.”

•La conscience ne peut être qu’action. Importance du contexte “initiatique” et militant : le poète est un éveilleur de conscience (cf. Rimbaud : poète “voyant”). Il parle pour que le peuple se mette en question. Du poète “radoteur” au poète “malfaiteur”. Un chant révolutionnaire : l’appel à la résistance (date de publication : 1936 ; référence à la guerre civile espagnole).

•Un but révolutionnaire : le pouvoir de dire “non”. Justification de la contre-violence (Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux, à vos cailloux,/à vos marteaux/vous êtes mille, vous êtes forts,/délivrez-vous, délivrez-moi !/je veux vivre, vivez avec moi !/tuez à coups de faux, tuez à coups de pierre !”. Double aspect de la poésie : envisagée comme force de renoncement, d’abnégation mais aussi comme force de transformation et de mutation sociale.

2. L’échec de l’appel du poète et sa condamnation.
Critique du pouvoir de la poésie (le poète renié par le peuple) qui ne peut mener à un Absolu transcendant.

•Un contexte dépressif : impossibilité de la communication. La présence du poète ne se justifie que s’il parvient à articuler “le mot imprononçable” : désillusion et désenchantement (implicitement : détachement avec les Surréalistes, trop préoccupés de la forme et pas assez de l’action). Modalité hypothétique des conditionnels (”Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple. Ils diraient”).

•Refus du peuple d’être questionné (ne veut pas douter) : les difficultés qu’a le poète de parler au peuple. Le peuple ne l’écoutera pas car le poète “veut mettre le doute” : “Il veut nous arracher à la paix de nos cœurs, à notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute déchirant dans nos têtes […]. Ce ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre”.

•Explication : le peuple est terrorisé (il ne fera rien). Échec de l’entreprise : la mort (ironie morbide, esthétique de la dérision). La force de “transformation” de la poésie devient une poésie “en décomposition”. Implicitement, le texte peut se lire de façon dialectique : la condamnation à mort amène la putréfaction mais elle constitue symboliquement un instrument sacrificiel de révélation (et de résurrection).

3. Un apologue symbolique.
•En fait, le texte peut se lire comme une parabole illustrant une nette fissure dans le statut du poète. Poète déchu pour avoir trop recherché l’absolu et l’idéal (doutes perpétuels). Donc justification de l’engagement : de la Parole “non parlée” (le mot “imprononçable” = la transcendance = le poète prophète mais “chanteur inutile” -cf. Hugo “Fonction du poète”) au cri (passage de l’individuel au collectif ; de la transcendance à l’immanence : filiation symbolique du peuple et du poète).

•La “double énonciation” : d’un côté le poète fictif du texte s’adresse au peuple comme personnage, mais leur mort (celle du poète et du peuple “terrorisé”) est vengée par le texte de Daumal qui, s’adressant à nous lecteurs, est donc un “poème du poème” : la fin est en même temps un commencement (dialogue entre l’auteur et le lecteur). La poésie apparaît comme un moyen de questionnement de l’homme et du monde.

•Rattacher le passage au titre du recueil : Contre-ciel : l’engagement dans le présent comme justification du poème (”Car c’est souvent le sort —ou le tort— des poètes de parler trop tard ou trop tôt.”). Le but de la poésie est de retrouver une “parole de vérité” (la modalité énonciative de la fin du texte assume pleinement la valeur gnomique (= de vérité générale) de l’apologue.

Conclusion
Un texte qui remet en question les fondements de la représentation occidentale de la poésie : la poésie n’est pas un “état” mais un “acte” (refus de tout artifice, la poésie comme facteur d’émancipation et de révolution sociale).


Rapport du jury pour le commentaire:



L’introduction

En général, elle a posé problème dans de nombreux commentaires. En premier lieu, vous avez oublié (à quelques très rares exceptions près) de contextualiser le texte de Daumal. Pourtant l’année 1936 ne vous était pas inconnue sur le plan historique (la Guerre civile espagnole, le Front populaire, la montée des fascismes…). D’où des introductions d’à peine quelques lignes, situant grossièrement le texte et annonçant vaguement un plan. À l’opposé, certains (bons) élèves ont commis la regrettable erreur de réciter leur cours sur la poésie engagée pour problématiser le texte : non seulement, cela n’avait pas d’intérêt mais de plus, cela perdait le lecteur au lieu de le guider. Attention donc : des introductions trop longues, qui ressemblent à des exposés sur un genre, une époque, un auteur sont tout aussi problématiques que des introductions trop courtes.

Dans l’introduction, amenez rapidement le texte (genre, questions littéraires que pose ce genre). La date de parution du texte doit vous permettre de le replacer dans l’histoire des idées et des mouvements culturels, sans vous attarder pour autant sur des considérations trop générales. C’est à partir de là que vous pourrez problématiser le passage à commenter et annoncer votre plan.

Mais l’erreur majeure de beaucoup d’introductions a été de mal annoncer le plan (voire de l’oublier !). Lisons ces deux exemples d’introduction pour essayer de comprendre ce qui ne convient pas et doit être amélioré :

•introduction 1 [problématisation + annonce du plan] :
Nous nous demanderons comment le poète a vécu ses dernières heures de vie. Dans un premier temps, nous verrons les conditions d’enfermement du poète, puis le moment de sa pendaison et enfin nous étudierons les minutes qui suivent sa mort.

•introduction 2 [problématisation + annonce du plan + début de la première partie] :
Dans ce poème de René Daumal, “Les dernières paroles du poète”, nous voyons la mise à mort d’un poète. Nous verrons le déroulement en deux parties. La première : la veille de l’exécution ; puis en deux le jour de l’exécution pour répondre à la question : comment le poète vit l’approche de son exécution ?”
[Début du premier axe] Donc la veille de sa mise à mort, le poète est désespéré. Il se tape la tête contre le mur comme s’il n’en revenait pas…
Comme nous le voyons, la difficulté de ces deux introductions tient d’abord au fait qu’elles ne problématisent pas le texte, c’est-à-dire qu’elles ne parviennent pas à en dégager l’enjeu, le problème posé et qui doit amener à un questionnement (ici la question de l’engagement). Au lieu de cela, les candidat(e)s adoptent une démarche maladroite, qui consiste dès l’annonce de leur plan à “raconter” le texte. L’introduction 2 est particulièrement illustrative de cette difficulté : non seulement le plan ne progresse pas puisqu’il est “linéaire”, au lieu d’être “organisé”, c’est-à-dire structuré selon une logique démonstrative, mais il amène par la force des choses à faire de la paraphrase.


Un bon plan doit être fondé sur plusieurs axes allant vers la formulation des intentions de l’auteur, ou des effets produits sur le lecteur. Comme pour la dissertation, vous annoncerez d’abord l’idée principale que vous développerez en quelques lignes, si possible de façon conceptuelle et analytique. Puis vous illustrerez cette idée à l’aide d’exemples, donc de citations.

Le plan d’exemples
Au lieu d’être fondé sur des axes permettant de faire émerger la problématique, le plan d’exemples se limite à des remarques de détail : il n’y a pas de fil conducteur, d’idée directrice. On le voit nettement dans l’exemple ci-dessous tiré d’une copie d’élève :
D’autre part, l’auteur a fortement insisté sur l’emploi de l’imparfait à valeur descriptive. Cette fois-ci encore cela dégrade de manière irréversible le statut de l’artiste puisque la description […]
Enfin, l’artiste de cette œuvre a fait appel au discours direct. Dans ce contexte, le discours direct permet au poète d’exprimer son désespoir, son impuissance face à un destin qu’il ne peut contrôler […].
Certes, il y a bien des connecteurs (”D’autre part”, “enfin”) mais le candidat juxtapose des remarques (d’ailleurs beaucoup trop superficielles) sur les formes d’écriture (l’imparfait, le discours direct), à partir desquelles s’organise son parcours démonstratif : mais ici les moyens (la forme, les procédés) sont mis à la place de la fin (l’interprétation et le sens global du texte) : il n’y a donc pas de lecture “organisée” et “structurée en axe. Il y avait peu pourtant à faire : il suffisait de modifier l’ordre des éléments :
Premier paragraphe : “D’autre part… l’irréversibilité de la mort [sens] est accentuée par les imparfaits à valeur durative [forme] qui évoquent l’écoulement du temps, la longue attente de la mort.”
Deuxième paragraphe : “Enfin, l’expression du désespoir et de l’impuissance face à la mort [sens] est bien rendue par l’utilisation du discours direct [forme] qui traduit la violence affective du poète, et peut-être le refus d’un destin qu’il ne peut contrôler…
Le fait de “raconter” le texte au lieu de l’analyser

Dans de très nombreux commentaires, les élèves ont été abusés par l’apparence narrative du texte de Daumal. Ils l’ont donc envisagé comme une “histoire”, commettant ainsi des erreurs regrettables sur le plan de l’interprétation. Beaucoup d’élèves en effet n’ont fait que “raconter” ou “décrire” le texte en oubliant sa spécificité poétique d’une part et son très net ancrage argumentatif d’autre part. D’où un très grand nombre de commentaires entièrement “linéaires” et strictement paraphrastiques. On fait de la paraphrase quand on redit ce qu’exprime déjà un texte. C’est un obstacle majeur dans le commentaire puisqu’elle conduit à délayer le contenu au lieu de l’expliquer. De là une absence totale de raisonnement démonstratif, sans aucune analyse et sans aucune réflexion sur la question de l’engagement, qui était pourtant essentielle dans le texte.

La conclusion
Beaucoup de conclusions se sont bornées à répéter l’introduction. De là l’impression très négative laissée par la lecture. On doit mesurer au contraire en vous lisant ce qui a justifié votre démarche analytique. Attention aussi aux conclusions qui poursuivent l’analyse du texte, avec exemples et citations à la clef. C’est d’une maladresse incroyable.
Par définition, une conclusion est un bilan. Elle doit être brève et ne pas comporter d’exemples. Elle sera d’autant meilleure qu’elle répondra implicitement à la question : “D’où est-ce que je suis parti, pour parvenir où?”. C’est la raison pour laquelle je vous conseille de rédiger votre conclusion dès que vous avez terminé l’introduction, afin de bien mettre en valeur la cohérence de votre parcours démonstratif.

Ouverture :
Concernant l’élargissement, je vous recommande la prudence. Attention aux prétendues “ouvertures”, tellement larges et vagues, qu’elles se noient bien souvent dans des considérations dépourvues d’intérêt ; ce qui est fortement pénalisant, surtout en fin de devoir : si vous manquez d’inspiration, je vous recommande donc de ne pas élargir. Certes, il est possible d’ouvrir une perspective, mais en restant dans les limites de la problématique posée.

Grille d’évaluation retenue
•Compréhension du sens global du texte (4 points) : être capable de dégager les enjeux
•Thèmes abordés, problématisation (et si possible contextualisation, même sommaire)
•Capacités d’analyse (4 points) : le candidat est capable d’analyser la façon dont le style du texte suscite des effets de sens.
•Prise en compte de la spécificité générique du texte (un poème)
•Analyse précise du lexique et de la rhétorique
•Organisation et structuration du devoir (4 points)
•Introduction, conclusion
•Parcours démonstratif organisé en axes (si possible hiérarchisés)
•Structure des paragraphes argumentatifs
•Mobilisation adaptée des connaissances (4 points)
•Qualité de l’écrit (orthographe, syntaxe)
•Vocabulaire spécifique à l’analyse littéraire)
•Culture générale



Correction proposée par Brunorigolt
site : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/
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