DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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Prof de français lycée, Intervenant enseignant en français, 1ères S et ES
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Sujet: Commentaire de Pierre et Jean, chapitre 2 Maupassant Sam Déc 15, 2012 10:04 pm |
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Commentaire de Pierre et Jean, chapitre 2 Maupassant
Commentaire sur Pierre et Jean n°2 « Tout près de lui [...] présence de son frère »
Introduction : Guy de Maupassant est un écrivain du XIXe siècle, qui est avant tout un romancier et un nouvelliste, mais il aussi été journaliste et essayiste. Considéré souvent comme une œuvre de la maturité. Pierre et Jean paraît en 1889, ce roman court obéit aux thèses du mouvement Réaliste et il est caractéristique de l'écriture de Maupassant. Le réel y est vu à travers le regard des personnages, notamment celui de Pierre, ce qui en fait un roman d'analyse psychologique. L'extrait qui nous intéresse se situe après l'annonce de l'héritage laissé par un ami de la famille à Jean, un des deux fils de Roland. Le frère de Jean, Pierre, va alors se promener sur le port. Au cour de cette promenade, des images lui apparaissent sous forme de double. Inconsciemment, la question de sa relation avec Jean commence à se poser dans l'extrait proprement dit, situé au chapitre 2, donc au début du roman. Pierre, perdu dans ses pensées, retrouve par hasard son frère sur la jetée. En quoi ce texte est-il déterminant dans la construction de la psychologie de Pierre ? Dans un premier temps on s'intéressera au thème du voyage qui agite le personnage, puis on s'intéressera au thème du double qui permet d'évoquer l'opposition entre les deux frères.
Môle = la jetée
I- Le thème du voyage
1) Le goût des extrêmes
Pour Jean, le môle est un endroit parfait pour s'isoler, ce qu'on devine au faite qu'il parle très peu dans cet extrait, quasiment toujours pour répondre à son frère. Pierre, pour sa part, voit dans ce lieu un espèce de passage d'où partent et arrivent les bateaux. C'est donc ce lieux et sa fonction qui sont prétextes au monologue de Pierre. Il évoque « ses désirs fous de partir » et son envie de liberté qui se lit à travers le champ lexical de la liberté : « délivré », « libre », « sans entraves », « où bon lui semblerait », « libres ». Ce monologue montre aussi que Pierre a des envie de contraste et d'extrêmes. Il parle de « désirs fous » et ensuite il fait une série d'oppositions : nord/sud, filles pâles/filles cuivrées, blondes suédoises/brunes havanaises, oiseaux-mouche/éléphants, petit feux/grandes fleurs... Ainsi, le départ de Pierre à bord d'un bateau à la fin du roman est une nouvelle fois annoncée par cet extrait. Son goût pour la beauté des extrêmes en fait un émule ( un semblable, quelqu'un qui nous a inspiré) de Charles Baudelaire qui trouvait la beauté jusque dans le mal ( ex : Les Fleurs du mal).
2) L'opposition à Jean Dans ce passage, le caractère des deux frères est fortement contrasté. La nature curieuse de Pierre est soulignée plusieurs fois : « Il s'approcha, curieux », il parle de « tous les coins du monde ». De son côté, Jean paraît peut intéressé par les voyages. Fort de son héritage, il pense à s'établir et à épouser madame Rosémilly. Pierre se moque de lui et fait preuve d'ironie, « je te laisse rêver d'avenir », qui répond, en quelque sorte, au « mais oui ». Alors que Jean reste assis, Pierre se relève et annonce qu'il à « besoin de marcher », cela montre bien la différence de comportement ; alors que l'argent permettrait à Pierre de voyager, il va permettre à Jean de se fixer, de s'établir.
II- Le thème du double
1) Une présence du fantastique Se croyant seul sur le môle, Pierre sent une présence, « une ombre, une grande ombre fantastique ». On retrouve là un des thème du Horla, un conte fantastique écrit en 1886 mais dont la deuxième version date de 1887.c'est donc une nouvelle fantastique qui est contemporaine de l'écriture de Pierre et Jean . Cet effet est renforcé par la rapidité de l'action : « soudain par l'obscurité », « tranchée large et noire », « haute voile brune », « une grande ombre », par le silence avec la triple répétition de « sans un bruit » et par l'aspect furtif de la barque : « glissa », « doucement poussée ». Au chapitre 4, Pierre retournera sur la jetée et entendra « une plainte lamentable et sinistre », celle d'une sirène de bateau qui répond en quelque sorte à sa propre douleur.
2) La gémellité (le fait que 2 choses soient jumelles)
Les pages qui précèdent cet extrait ont déjà montré la gémellité qui paraît exister entre Pierre et Jean. Le début de cette rencontre sur la jetée vient renforcer ce thème. Tout d'abord, les deux frères s'accueillaient avec les mêmes expressions : « Tiens [...] Jean », « Tiens [...] Pierre », « mais je prend l'air » « je prend l'air également ». Mais comme dans le premier chapitre, la ressemblance se transforme rapidement en une différence essentielle. Ainsi quand Pierre dit que « c'est rudement beau », Jean répond « Mais oui » et en plus Pierre constate que Jean « n'avait rien regardé ». De nouveau, il y a une opposition de caractère entre celui qui rêve et celui qui apprécie la beauté esthétique, et celui qui possède ce qui est pragmatique.
3) « L'autre qui est en nous »
L'évocation d'une ombre fantastique permet la mise en place du thème du double, mais non plus entre Pierre et Jean, mais entre Pierre et lui-même. En effet, Pierre semble se dédoubler et c'est cet autre à l'intérieur de lui qui sera responsable de ses excès de violence contre sa famille. Comme Sigmund Freud plus tard, Maupassant comprend qu'une partie inconsciente de l'être humain peut s'exprimer dans certain moment de crise : « ainsi c'est une de ses pensées involontaires [...] si brusque, si rapide qu'il ne pouvait ni les prévoir, ni les arrêter [...] venues [...] d'une seconde âme indépendante et violente ». L'aspect puissant et incontrôlable de cette seconde âme est soulignée par la répétition de l'adverbe « si » et de la conjonction de coordination « ni ». C'est ce même double qui le pousse à évoquer un peu avant son besoin d'argent pour les voyages, mais sa partie consciente l'empêche de terminer : « il faudrait de l'argent, beaucoup ... ». C'est toujours ce double qui lui fait considérer son frère comme un « niais ». Pierre est donc un personnage double qui est aussi « cordial » avec son frère, le félicitant et lui répétant son amour fraternel : « Je suis bien content de t'avoir rencontré [...] pour te dire combien cela me fait plaisir, combien je te félicite et combien je t'aime ». La répétition de « combien » rend artificielle le compliment et montre que Pierre exagère son comportement, d'ailleurs l'instant suivant, il est « mécontent de sa promenade écourtée ». Cet inconscient, qui fait penser à Pierre « avoir été privé de la mer par la présence de son frère ». L'atmosphère mer/mère montre que l'inconscient de Pierre devine déjà la préférence de madame Roland pour Jean. Pierre est le fils légitime mais Jean est le fils de l'amour. La part inconsciente de Pierre semble avoir compris l'infidélité de la mère ; de même que les deux titres de conte de fée « La Chatte blanche » et « La Belle au bois dormant » évoquent la fin de la croyance en l'innocence féminine.
Conclusion :
Le cadre spatio-temporel de ce passage est le port à la nuit tombée, c'est le cadre idéal pour montrer le désir fou de Pierre de voyager et son refus de la vie bourgeoise à laquelle son frère Jean aspire. Cet extrait continue aussi de développer le thème du double qu'on retrouve également dans le conte le Horla qui est contemporain du roman. Ce double fantastique est clairement une manifestation de l'inconscient de Pierre qui lui fait dire et penser ce à quoi sa conscience se refuse. Les deux frères s'opposent dans leurs ambitions et Pierre, de façon inconsciente, commence à avoir des doutes sur la fidélité de sa mère. Cet extrait est déterminant quant à l'évolution de la psychologie de Pierre, notamment par rapport à son frère. Là où Jean à des désirs bourgeois d'installation et de stabilité, son frère rêve de voyages, de mouvements et d'exotisme. Ainsi on peut rapprocher cet extrait d'un poème en prose de Baudelaire intitulé Le Port. On y retrouve le goût du voyage, de la beauté et de l'absolu. De manière ironique, on apprendra au chapitre 4 que Maréchal, donc le père de Jean, était lui aussi un amateur de poèmes.
harzouzlaurencoursST2S
http://harzouzlaurencoursst2s.skyrock.com/3069678141-Commentaire-sur-Pierre-et-Jean-n-2.html _________________ Professeur de français, lycée
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