DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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Bacfrançais, prof 1ère Administrateur
Age: 55 Inscrit le: 10 Oct 2011 Messages: 462
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Sujet: Corpus : métaphores du poète Mer Nov 07, 2012 9:34 pm |
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Métaphores du poète
Texte 1 – Joachim Du Bellay, Regrets (1558), Sonnet 12
Vu le soin1 ménager2 dont travaillé3 je suis,
Vu l'importun souci qui sans fin me tourmente,
Et vu tant de regrets desquels je me lamente,
Tu t'ébahis souvent comment chanter je puis
Je ne chante, Magny4, je pleure mes ennuis,
Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chante,
Si bien qu'en les chantant, souvent je les enchante :
Voilà pourquoi, Magny, je chante jour et nuit.
Ainsi chante l'ouvrier en faisant son ouvrage5,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,
Ainsi l'aventurier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.
Notes :
1. Soin : synonyme de « souci ».
2. Ménager : concerne l’intendance, l’économie, la gestion de la vie quotidienne, fait référence à la profession de
du Bellay.
3. Cf. étymologie : du latin médiéval trepalium, « instrument de torture ».
4. Magny : Olivier Magny, poète et ami de Du Bellay
5. Ouvrier et ouvrage ont le même étymon latin, operare
Texte 2 – Alfred de Musset, « Le Pélican », La Nuit de mai (1835), v. 145-183
(…)
LA MUSE
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres1 hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant,
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le coeur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
(…)
Note :
1. Cou gonflé par une hypertrophie de la thyroïde.
Texte 3 - Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du Mal, 1857
L’Albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents1 compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule2 !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule3,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées4
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Notes :
1. Mou, nonchalant.
2. Sans énergie, faible, mou.
3. Pipe à tuyau très court.
4. Mot poétique pour les nuages et le ciel.
Texte 4 – Jules Supervielle, Poèmes de l'humour
triste (1919)
Soyez bon pour le Poète,
Le plus doux des animaux.
Nous prêtant son coeur, sa tête,
Incorporant tous nos maux,
Il se fait notre jumeau ;
Au désert de l'épithète,
Il précède les prophètes
Sur son douloureux chameau ;
Il fréquente très honnête,
La misère et ses tombeaux,
Donnant pour nous, bonne bête,
Son pauvre corps aux corbeaux ;
Il traduit en langue nette
Nos infinitésimaux1.
Ah! donnons-lui, pour sa fête,
La casquette d'interprète !
Note :
1. « infinitésimal » est un adjectif signifiant
« extrêmement petit » ; mot renvoyant au lexique des
mathématiques (calcul infinitésimal)
Texte 5 – Alain Bosquet, « Le poète comme
meuble », Sonnets pour une fin de siècle (1980)
Le poète comme meuble
Le poète appartient aux objets ménagers ;
on le trouve parmi les sécateurs, les pneus,
les robinets, les clous : troisième étage à gauche,
dans les grands magasins, où il est disponible
à des prix modérés. Tous les chefs de rayon
en connaissent l'emploi. Une brochure bleue
vante ses qualités. Il lui faut peu de place :
un mètre cube, au maximum, dans la cuisine.
Le modèle courant consomme du pain dur
avec un quart de vin. Par un jour de souffrance
ou de malheur, il peut rendre de grands services
car sa spécialité, c'est un air de printemps
irrésistible et doux, qu'il répand sur les murs,
la machine à laver, le réchaud, la poubelle. _________________ Baccalauréat de français
1ères toutes séries
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