DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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Prof de français lycée, Intervenant enseignant en français, 1ères S et ES
Age: 64 Inscrit le: 07 Fév 2011 Messages: 1583
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Sujet: Dialogue argumentatif sur le thème du bonheur, écriture Jeu Déc 17, 2015 3:00 pm |
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Invention
Vous composerez un dialogue argumentatif dans lequel deux interlocuteurs défendent leur conception du bonheur. Vous veillerez à ce que chaque interlocuteur prenne en compte tour à tour les arguments de l'autre.
CORRIGÉ DE L’ÉCRITURE D’INVENTION
Voici le texte d’un auteur qui a traité ce sujet avant l’heure et aurait eu une
bonne note.
MARIE STUART, DAVID RICCIO.
(Sur le bonheur)
DAVID RICCIO (Ou Rizzio). – Fils d’un ménétrier, né à Turin, au commencement
du XVIe siècle. Quoiqu’il fût laid et bossu, sa belle voix et son talent de harpiste
lui valurent les bonnes grâces de Marie Stuart qui le prit pour
secrétaire. Darnley, époux de la reine, en prit ombrage et le fit égorger dans
l’appartement et sous les yeux mêmes de Marie (1566).
DAVID RICCIO. – Non, je ne me consolerai jamais de ma mort.
MARIE STUART. – II me semble cependant qu’elle fut assez belle pour un
musicien. Il fallut que les principaux seigneurs de la cour d’Écosse et le roi
mon mari même, conspirassent contre toi ; et l’on n’a jamais pris de
mesures ni fait plus de façon pour faire mourir aucun prince.
DAVID RICCIO. – Une mort si magnifique n’était point faite pour un misérable
joueur de luth, que la pauvreté avait envoyé d’Italie en Écosse. Il eût mieux
valu que vous m’eussiez laissé passer doucement mes jours à votre
musique que de m’élever dans un rang de ministre d’État, qui a sans doute
abrégé ma vie.
MARIE STUART. – Je n’eusse jamais cru te trouver si peu sensible aux grâces
que je t’ai faites. Était-ce une légère distinction que de te recevoir, tous les
jours, seul à ma table ? Crois-moi, Riccio, une faveur de cette nature ne
faisait point de tort à ta réputation.
DAVID RICCIO. – Elle ne me fit point d’autre tort, sinon qu’il fallut mourir pour
l’avoir reçue trop souvent. Hélas ! je dînais tête-à-tête avec vous comme à
l’ordinaire, lorsque je vis entrer le roi accompagné de celui qui avait été
choisi pour être un de mes meurtriers, parce que c’était le plus affreux
Écossais qui ait jamais été et qu’une longue fièvre quarte, dont il relevait,
l’avait encore rendu plus effroyable. Je ne sais s’il me donna quelques
coups ; mais, autant qu’il m’en souvient, je mourus de la seule frayeur que
sa vue me fit.
MARIE STUART. – J’ai rendu tant d’honneur à ta mémoire que je t’ai fait mettre
dans le tombeau des rois d’Écosse.
DAVID RICCIO. – Je suis dans le tombeau des rois d’Écosse ?
MARIE STUART. – Il n’est rien de plus vrai.
DAVID RICCIO. – J’ai si peu senti le bien que cela m’a fait que vous m’en
apprenez maintenant la première nouvelle. Ô mon luth ! Faut-il que je t’aie
quitté pour m’amuser à gouverner un royaume !
MARIE STUART. – Tu te plains ? Songe que ma mort a été mille fois plus malheureuse que la tienne.
DAVID RICCIO. – Oh ! vous étiez née dans une condition sujette à de grands
revers ; mais, moi, j’étais né pour mourir dans mon lit. La nature m’avait mis
dans la meilleure situation du monde pour cela : point de bien, beaucoup
d’obscurité, un peu de voix seulement, et de génie pour jouer du luth.
MARIE STUART. – Ton luth te tient toujours à coeur. Eh bien ! tu as eu un
méchant moment ; mais combien as-tu eu auparavant de journées agréables.
Qu’eusses-tu fait, si tu n’eusses jamais été que musicien ? Tu te serais
bien ennuyé, dans une fortune si médiocre.
DAVID RICCIO. – J’eusse cherché mon bonheur dans moi-même.
MARIE STUART. – Va, tu es fou. Tu t’es gâté, depuis la mort, par des réflexions
oisives ou par le commerce que tu as eu avec les philosophes qui sont ici.
C’est bien aux hommes à avoir leur bonheur dans eux-mêmes !
DAVID RICCIO. – Il ne leur manque que d’en être persuadés. Un poète de mon
pays a décrit un château enchanté, où des amants et des amantes se cherchent
sans cesse avec beaucoup d’empressement et d’inquiétude, se
rencontrent à chaque moment, et ne se reconnaissent jamais. Il y a un
charme de la même nature sur le bonheur des hommes ; il est dans leurs
propres pensées, mais ils n’en savent rien ; il se présente mille fois à eux, et
ils le vont chercher bien loin.
MARIE STUART. – Laisse là le jargon et les chimères des philosophes. Lorsque
rien ne contribue à nous rendre heureux, sommes-nous d’humeur à prendre
la peine de l’être par notre raison ?
DAVID RICCIO. – Le bonheur méritait pourtant bien qu’on prît cette peine-là.
MARIE STUART. – On la prendrait inutilement, il ne saurait s’accorder avec
elle ; on cesse d’être heureux sitôt que l’on sent l’effort que l’on fait pour
l’être. Si quelqu’un sentait les parties de son corps travailler pour s’entretenir
dans une bonne disposition, croiriez-vous qu’il se portât bien ? Moi, je
tiendrais qu’il serait malade. Le bonheur est comme la santé, il faut qu’il soit
dans les hommes sans qu’ils l’y mettent ; et, s’il y a un bonheur que la
raison produise, il ressemble à ces santés qui ne se soutiennent qu’à force
de remèdes, et qui sont toujours très faibles et très incertaines.
FONTENELLE, Le Dialogue des morts, 1683. _________________ Professeur de français, lycée
Intervenant, professeur de français
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