DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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Capucine
Age: 30 Inscrit le: 02 Avr 2011 Messages: 29
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Sujet: L'Etranger de Camus ("c'était le même" - "por Mar Avr 12, 2011 4:02 pm |
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"L’ETRANGER" DE CAMUS"
Support : L’Etranger de Camus (« C’était le même éclatement rouge » jusqu’à « la porte du malheur » )
Problématique: En quoi ce texte nous marque t'-il une progression dramatique ?
I ) L'aspect dramatique du texte
Le texte s'ouvre sur les éléments justifiant la naissance du drame. Les connotations sont lourdes de sens et les éléments accentuent encore l'évolution dramatique. En effet, la chaleur joue un rôle primordial. Meursault revient car il a trop chaud, "son grand souffle chaud". La chaleur est telle qu'elle est personnifiée. En deuxième élément, nous apprenons que notre héros vient de voir l'arabe. Il le voit, s'immobilise et avance vers lui tout d'abord l'action est marquée avec l'insistance nécessaire annonciatrice du drame à venir. L'arabe est allongé en position de repos et c'est à cet instant que le hasard intervient et joue son rôle dans la scène du meurtre.
La teneur dramatique est mise en avant par le rythme ternaire, la répétition de l'adverbe "même" annonciateur du début de l'affrontement ainsi que par l'altercation "c'était le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici". La progression dramatique se met en place de façon évidente et manifeste.
Le temps renforce encore la tragédie à venir il semble s'être immobilisé : "il y avait deux heures que la journée n'avançait plus". Cette journée est d'ailleurs rapprochée de celle qui a lieu au début du roman : "c'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman. "
Il semblerait que la fatalité s'insurge dans l'histoire et fasse du personnage une sorte de jouet anticipant ainsi l'absurde à venir.
II ) La fatalité
Les figures de rhétorique contribuent à mettre en avant l'importance des éléments. On peut lire "océan de métal bouillant" métaphore puis une personnification : « la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffée de ces petites vagues »
La lumière joue aussi un rôle important, elle semble être responsable de l'acte à venir de Meursault car elle fausse sa vision : « je devinais son regard », « son image dansait devant mes yeux », « mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel ». il perd le contrôle et ses perceptions se troublent, tout devient confus : « peut être est-ce à cause du jeu de la lumière et de l’ombre". C'est cette confusion qui fait croire à Meursault qu'il est agressé au point d'imaginer le couteau en épée puis en glaive. Le soleil est ainsi assimilé au hasard qui conduit notre héros à l'acte fatal. Nous avons huit occurrences du mot "soleil".
La fatalité frappe, Meursault commet l'irréparable. Nous avons les expressions qui traduisent le malaise et l'intensité de l'acte irréversible commis par le personnage contre l'arabe :
les expressions évoquent la fin du monde : « océan de métal bouillant », « la mer a charrié un souffle épais et ardent », « il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur cette étendue pour laisser pleuvoir du feu ».
III ) L’absurde camusien
A ce niveau de lecture nous sommes confrontés à l'absurde camusien, c'est -à-dire à la rupture de l'équilibre avec le monde. L'acte criminel de Meursault qui tue l'arabe est une déclaration de guerre avec l'ordre de la nature. L'harmonie n'est plus possible car l'ordre du jour est rompu :
« détruire l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux ».
Le plus que parfait se met en place, Meursault est un autre désormais, il y a le Meursault d'avant et le Meursault d'après le crime irréparable
« j’ai compris que j’avais détruit…. » Aucune retour en arrière n'est possible. « Alors tout a vacillé » - « Quatre coup bref sur la porte du malheur ».
Le motif du crime n'est pas mentionné, en fait, le personnage semble n'avoir aucune volonté.
« rester ici ou partir, cela revenait au même "
Il est complètement irresponsable de son acte : "la gâchette a cédé", il n'assume pas son acte comme si le pistolet avait agi par lui même. Tout lui échappe et lui est étranger, en particulier lui même, l'absurde prend possession de lui.
N'ayant pas conscience de son acte ni de sa faute, il n'éprouve aucune culpabilité, ni aucun remord. Il est tel un enfant dont la seule faute est d'avoir confondu, le couteau, l'épée, le glaive :
« où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parut ». Le sens de sa vie lui échappe totalement au point de tirer sur un cadavre.
CONCLUSION :
Le thème du meurtre chez Camus dans l'Etranger est annonciateur du thème de l'absurde. Nous sommes à ce stade de la lecture du roman confrontés à un personnage devenu étranger à tout y compris à lui même, ce qui justifie le titre du livre.
TEXTE :
C’était le même éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffée de ses petites vagues. Je marchais lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute cette chaleur s’appuyait sur moi et s’opposait à mon avance. Et chaque fois que je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu’il me déversait. A chaque épée de lumière jaillie du sable, d’un coquillage blanchi ou d’un débris de verre, mes mâchoires se crispaient. J’ai marché longtemps.
Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d’un halo aveuglant par la lumière et la poussière de mer. Je pensais à la source fraîche derrière le rocher. J’avais envie de retrouver le murmure de son eau, envie de fuir le soleil, l’effort et les pleurs de femme, envie de retrouver l’ombre et son repos. Mais quand j’ai été plus près, j’ai vu que le type de Raymond était revenu.
Il était seuil reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans les ombres du rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe fumait dans la chaleur. J’ai été un peu surpris. Pour moi c’était une histoire finie et j’étais venu là sans y penser.
Dès qu’il m’a vu, il s’est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche. Moi, naturellement, j’ai serré le révolver e Raymond dans mon veston. Alors de nouveau, il s’est laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de sa poche. J’étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son regard par instants, entre ses paupières mi-closes. Mais le plus souvent, son image dansait devant mes yeux, dans l’air enflammé. Le bruit des vagues était encore plus paresseux, plus étale qu’à midi. C’était le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux heures que la journée n’avançait plus, deux heures qu’elle avait jeté l’ancre dans un océan de métal bouillant. A l’horizon, un petit vapeur est passé et j’en ai deviné la tache noire au bord de son regard, parce que je n’avais pas cessé de regarder l’Arabe.
J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J’ai fait quelques pas vers la source. L’Arabe n’a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l’air de rire. J’ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j’ai senti des gouttes de sueur s’amasser dans mes sourcils. C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j’ai fait un mouvement en avant. Je savais que c’était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d’un pas. Mais j’ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante qui m’atteignit au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup sur les paupières et les a recouvertes d’un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales sur soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. |
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