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 DU BREVET AU BAC :: QUESTIONS SUR CORPUS DE TEXTES : L'ECRIT DU BAC DE FRANCAIS :: La fiction animalière dans l'apologue et au théâtre

La fiction animalière dans l'apologue et au théâtre

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MessageSujet: La fiction animalière dans l'apologue et au théâtre  Posté leJeu Jan 06, 2011 5:58 pm Répondre en citant

OBJETS D’ETUDE : CONVAINCRE, PERSUADER, DELIBERER / LE THEATRE


La fiction animalière dans l'apologue et au théâtre



DOCUMENTS

 Document A. La Fontaine. Fables, Livre VII. Fable 16, « Le Chat, la Belette et le petit lapin », 1678.
 Document B. Eugène Ionesco. Rhinocéros, Acte II, troisième tableau, extrait, 1960.
 Document C. Raymond. Devos. Sens dessus dessous, « Mon chien c'est quelqu'un »
 Document D. Serre. Dessin extrait de l’album ZOO au logis. 1986.


QUESTIONS (notées sur six points)


1. Comment, dans chacun de ces documents, le recours aux animaux, permet-il de dénoncer les défauts des humains ? (trois points)
2. Montrez brièvement que chacun de ces documents possède un double aspect comique et inquiétant. (trois points)

Documents :

DOCUMENT A. La Fontaine (1621-1695) FABLES. Livre VII. Fable 16, 1678.

Le Chat, la Belette et le petit lapin


Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S'empara: c'est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates , un jour
Qu'il était allé faire à l'aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Jeannot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.
«Ô Dieux hospitaliers! que vois-je ici paraître?
Dit l'animal chassé du paternel logis.
Hola! madame la belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays .»
La dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant!
«Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.»
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
«Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant, est-ce une loi plus sage?
- Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis . »
C'était un chat vivant comme un dévot ermite ,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.5
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit:« Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.»
L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants ,
Grippeminaud, le bon apôtre ,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.

Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.


Document B. Eugène Ionesco (1912-1994) Rhinocéros 1960. Acte II, 3ème tableau.

Eugène Ionesco est un grand dramaturge du XX° siècle. Il montre des personnages aux prises avec des situations absurdes et inquiétantes, qui évoquent les dangers qui pèsent sur l’homme moderne, notamment toutes les formes de dictature.
Dans cette pièce, Bérenger est un honnête citoyen dont la modeste existence serait heureuse si un mal étrange ne venait frapper tous les habitants de sa petite ville : peu à peu, tous se transforment en hommes-rhinocéros !
Comme un de ses voisins s’est métamorphosé, Bérenger a réclamé l’aide de son ami Jean. Mais Jean, lui aussi, semble contaminé…

BÉRENGER.- Laissez-moi appeler le médecin, tout de même, je vous en prie.
JEAN. - Je vous l’interdis absolument. Je n’aime pas les gens têtus (Jean entre dans la chambre Bérenger recule un peu effrayé, car Jean est encore plus vert, et il parle avec beaucoup de peine Sa voix est méconnaissable.) Et alors, s’il est devenu rhinocéros de plein gré ou contre sa volonté, ça vaut peut-être mieux pour lui.
BÉRENGER. - Que dites-vous là, cher ami ? Comment pouvez-vous penser ?
JEAN. - Vous voyez le mal partout. Puisque ça lui fait plaisir de devenir rhinocéros, puisque ça lui fait plaisir ! Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.
BÉRENGER. - Évidemment, il n’y a rien d’extraordinaire à cela. Pourtant, je doute que ça lui fasse tellement plaisir.
JEAN. - Et pourquoi donc ?
BÉRENGER. - Il m’est difficile de dire pourquoi. Ça se comprend.
JEAN. - Je vous dis que ce n’est pas si mal que ça ! Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont droit à la vie au même titre que nous !
BÉRENGER. - À condition qu’elles ne détruisent pas la nôtre. Vous rendez-vous compte de la différence de mentalité ?
JEAN, allant et venant dans la pièce, entrant dans la salle de bains, et sortant.
- Pensez-vous que la nôtre soit préférable ?
BÉRENGER. - Tout de même, nous avons notre morale à nous, que je juge incompatible avec celle de ces animaux.
JEAN. - La morale ! Parlons-en de la morale, j’en ai assez de la morale, elle est belle la morale ! Il faut dépasser la morale.
BÉRENGER. - Que mettriez-vous à la place ?
JEAN, même jeu
- La nature !
BÉRENGER. - La nature ?
JEAN, même jeu.
- La nature a ses lois. La morale est antinaturelle.
BÉRENGER. - Si je comprends, vous voulez remplacer la loi morale par la loi de la jungle !
JEAN. - J’y vivrai, j’y vivrai.
BÉRENGER. - Cela se dit. Mais dans le fond, personne...
JEAN, l’interrompant, et allant et venant
- Il faut reconstituer les fondements de notre vie. Il faut retourner à l’intégrité primordiale.
BÉRENGER.. - Je ne suis pas du tout d’accord avec vous.
JEAN, soufflant bruyamment.
- Je veux respirer.
BÉRENGER. - Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux n’ont pas, un système de valeurs irremplaçable. Des siècles de civilisation humaine l’ont bâti !...
JEAN, toujours dans la salle de bains.
- Démolissons tout cela, on s’en portera mieux.
BÉRENGER. - Je ne vous prends pas au sérieux. Vous plaisantez, vous faites de la poésie.
JEAN. - Brrr...
(Il barrit presque.)
BÉRENGER. - Je ne savais pas que vous étiez poète.
JEAN, (Il sort de la salle de bains.)
- Brrr...
(Il barrit de nouveau.)
BÉRENGER. - Je vous connais trop bien pour croire que c’est là votre pensée profonde. Car, vous le savez aussi bien que moi, l’homme...
JEAN, l’interrompant. - L’homme... Ne prononcez plus ce mot !
BÉRENGER. - Je veux dire l’être humain, l’humanisme ...
JEAN. - L’humanisme est périmé ! Vous êtes un vieux sentimental ridicule (Il entre dans la salle de bains.)
BÉRENGER. - Enfin, tout de même, l’esprit...
JEAN, dans la salle de bains.
- Des clichés ! vous me racontez des bêtises.

DOCUMENT C. Raymond. Devos. (1922-2006) Sens dessus dessous, « Mon chien, c'est quelqu'un ».

Raymond Devos est un célèbre humoriste contemporain. Il aime railler les aspects absurdes de la vie quotidienne et explorer le double-sens des mots et les divers pièges du langage.

Depuis quelque temps, mon chien m'inquiète...
Il se prend pour un être humain, et je n'arrive pas à l'en dissuader.
Ce n'est pas tellement que je prenne mon chien pour plus bête qu'il n'est...
Mais que lui se prenne pour quelqu'un, c'est un peu abusif ! Est-ce que je me prends pour un chien, moi ?
Quoique...
Quoique... Dernièrement, il s'est passé une chose troublante qui m'a mis la puce à l'oreille ! Je me promenais avec mon chien que je tenais en laisse... Je rencontre une dame avec sa petite fille et j'entends la dame qui dit à sa petite fille :
"Va ! Va caresser le chien ! "
Et la petite fille est venue me caresser la main ! J'avais beau lui faire signe, qu'il y avait erreur sur la personne, que le chien, c'était l'autre... la petite fille a continué de me caresser gentiment la main... Et la dame a dit :
- Tu vois qu'il n'est pas méchant !
Et mon chien, lui, qui ne rate jamais une occasion de se taire... a cru bon d'ajouter :
- il ne lui manque que la parole, madame !
Ça vous étonne, hein ? Eh bien, moi, ce qui m'a le plus étonné, ce n'est pas que ces dames m'aient pris pour un chien... Tout le monde peut se tromper ! ... Mais qu'elles n'aient pas été autrement surprises d'entendre mon chien parler... ! Alors là... Les gens ne s'étonnent plus de rien.
Moi, la première fois que j'ai entendu mon chien parler, j'aime mieux vous dire que j'ai été surpris ! C'était un soir... après dîner. J'étais allongé sur le tapis, je somnolais... Je n'étais pas de très bon poil ! Mon chien était assis dans mon fauteuil, il regardait la télévision... Il n'était pas dans son assiette non plus ! Je le sentais !. J'ai un flair terrible... A force de vivre avec mon chien, le chien... je le sens ! Et, subitement, mon chien me dit :
- On pourrait peut-être de temps en temps changer de chaîne ?
Moi, je n'ai pas réalisé tout de suite ! Je lui ai dit :
- C'est la première fois que tu me parles sur ce ton !
Il me dit :
- Oui ! Jusqu'à présent, je n'ai rien dit, mais je n'en pense pas moins !
Je lui dis :
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Il me dit :
- Ta soupe n'est pas bonne !
Je lui dis :
- Ta pâtée non plus !
Et, subitement, j'ai réalisé que je parlais à un chien... J'ai dit :
- Tiens ! Tu n'es qu'une bête, je ne veux pas discuter avec toi !
Enfin quoi... Un chien qui parle ! Est-ce que j'aboie, moi ? Quoique... Quoique...
Dernièrement, mon chien était sorti sans me prévenir... Il était allé aux Puces, et moi j'étais resté pour garder la maison. Soudain... j'entendis sonner. Je ne sais pas ce qui m'a pris, au lieu d'aller ouvrir, je me suis mis à aboyer ! Mais à aboyer ! Le drame, c'est que mon chien, qui avait sonné et qui attendait derrière la porte, a tout entendu ! Alors, depuis, je n'en suis plus le maître ! Avant, quand je lui lançais une pierre, il la rapportait ! Maintenant, non seulement il ne la rapporte plus, mais c'est lui qui la lance ! Et si je ne la rapporte pas dans les délais... qu'est-ce que j'entends ! Je suis devenu sa bête noire, quoi !
Ah ! mon chien, c'est quelqu'un ! C'est dommage qu'il ne soit pas là, il vous aurait raconté tout ça mieux que moi ! Parce que cette histoire, lorsque c'est moi qui la raconte, personne n'y croit ! Alors que... lorsque c'est mon chien... les gens sont tout ouïe...
Les gens croient n'importe qui !



Réponses aux questions :

Raymond. Devos. (né en 1922)

• Mon chien, c'est quelqu'un


I. LE COMIQUE : 5 POINTS.

 Une satire des relations entre l’homme et l’animal : 3 points si l’élève a trouvé au moins deux idées sur trois.
Une parodie du discours et une satire du comportement des propriétaires d’animaux citadins.
 qui s’extasient sur leur animal : « Monchien c’est quelqu’un…Il ne lui manque que la parole »
 qui le laissent prendre une place d’être humain dans la vie quotidienne : « Mon chien était assis dans mon fauteuil, il regardait la télévision. »
 qui lui parlent comme s’il était mentalement semblable à nous. «Et, subitement, j'ai réalisé que je parlais à un chien... J'ai dit :
- Tiens ! Tu n'es qu'une bête, je ne veux pas discuter avec toi !
- Enfin quoi... Un chien qui parle ! Est-ce que j'aboie, moi ? »
Le fait de vivre avec un animal, comme nombre de nos contemporains le font pour meubler leur solitude entraîne en effet une promiscuité ridicule : « ... A force de vivre avec mon chien, le chien... je le sens ! »

 Les jeux de mots : 2 points si l’élève a trouvé au moins deux idées sur trois. La terminologie employée par l’élève compte peu.
 un glissement du sens figuré au sens réel : « une chose troublante qui m'a mis la puce à l'oreille ! »… « Je n'étais pas de très bon poil ! »… « On pourrait peut-être de temps en temps changer de chaîne ? »… « Il était allé aux Puces, et moi j'étais resté pour garder la maison »
 Un jeu surles onomatopées : « Est-ce que j’aboie-moi ? Quoique ! Quoique ! »
 Une inversion sémantique car les émotions humaines sont décrites avec des termes animaliers tandis que les expressions qui désignent les émotions animales font références à l’univers humain : « J'étais allongé sur le tapis, je somnolais... Je n'étais pas de très bon poil ! Mon chien était assis dans mon fauteuil, il regardait la télévision... Il n'était pas dans son assiette non plus ! Je le sentais !. J'ai un flair terrible... A force de vivre avec mon chien, le chien... je le sens ! »


 II. UN ASPECT INQUIETANT : 5 POINTS.

• On attend de l’élève qu’il ait trouvé deux idées

a a) La fragilité des frontières entre humain et animal (2 points)
 Ces ambiguïtés du langage soulignent à quel point la frontière entre l’homme et l’animal est fragile. L’être humain a en lui une part d’animal et quand on regarde un chien on se demande en effet à quoi il pense : - « C'est la première fois que tu me parles sur ce ton ! «
Il me dit :
- Oui ! Jusqu'à présent, je n'ai rien dit, mais je n'en pense pas moins »
 On pourrait même se dire que ce n’est pas le maître mais le chien qui s’adresse au public, d’ailleurs qui tient l’autre en laisse ?: « Dernièrement, il s'est passé une chose troublante qui m'a mis la puce à l'oreille ! Je me promenais avec mon chien que je tenais en laisse... », certes, mais qui parle ? Cette ambiguïté se prolonge quand le « maître » se plaint de la mauvaise qualité de la pâtée.
b) L’absurde
 Il pousse une logique au delà des limites du bon sens (raisonnement par l’absurde) : si on prend un être humain pour un chien pourquoi alors ne pas le caresser, si on admet qu’un chien parle, pourquoi alors ne pas engager la conversation ?
 Devos décrit des situations où l’intelligence et le bon sens ne servent plus à rien. On ne sait plus ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, à quel moment s’étonner, à quel moment s’indigner : « Ça vous étonne, hein ? Eh bien, moi, ce qui m'a le plus étonné, ce n'est pas que ces dames m'aient pris pour un chien... Tout le monde peut se tromper ! ... Mais qu'elles n'aient pas été autrement surprises d'entendre mon chien parler... ! Alors là... Les gens ne s'étonnent plus de rien.. » ou plus loin : « Et, subitement, j'ai réalisé que je parlais à un chien... »

b La crédulité humaine  R. Devos nous fait comprendre que nos certitudes ne reposent que sur des conventions. Si une erreur et un comportement aberrant deviennent l’expression de la normalité et du bon sens – comme lorsque la dame et sa petite fille confondent chien et homme- alors c’est l’individu raisonnable qui soudain devient un fou. Le personnage s’adresse à nous comme s’il était tout à fait normal mais peut-être est-il fou ? Qu’y a-t-il de plus angoissant que de converser avec un fou ?
 Si c’est un chien qui nous parle, alors nous aussi - le public ou le lecteur – nous croyons n’importe quoi et nous sommes prêts à écouter n’importe qui : Les gens croient n'importe qui ! ». Les préoccupation de R. Devos rejoignent celles de Ionesco.

On notera sur 3 points les points b et c.

CONCLUSION
Un apologue comique sur la faiblesse humaine et la folie qui nous menace.

********************
B

Eugène Ionesco

• Rhinocéros


. I. LE COMIQUE : 5 POINTS.

• On attend de l’élève qu’il ait trouvé deux idées au moins.

 a) Un spectacle grotesque et amusant  Jean devient de plus en plus vert, de plus en plus bruyant à mesure qu'il entre et sort de la salle de bain. Le spectateur suit cette transformation avec un certain plaisir. Les gesticulation et les barrissements sont comiques. On est proche de la farce.

 b) Des décalages burlesques Inconscience de Bérenger qui ne voit pas l'évidence : « Vous êtes un poète », « Je vous connais trop bien.. »
 Discordance entre le ton mondain (" je vous en prie ", " mon cher Jean ") et la brutalité.
 Incohérence de la conversation philosophique avec la situation : peut-on parler d'humanisme avec des monstres ?

 c) Un détournement des idées Jean justifie la transformation des humains en monstres en faisant appel à des idées produites par les civilisations avancées : le respect de l'autre, la tolérance, le retour à la Nature. Les valeurs sont ici inversées de manière humoristique. D'autre part, il est absurde de discuter de tolérance avec un monstre agressif.



II. LES ASPECTS INQUIETANTS : 5 POINTS.

• On attend de l’élève qu’il ait trouvé deux idées au moins.

 a) Le passage de la coopération à la domination Le noyau de la scène est donc cette lutte entre deux langages, celui de Jean tentant d’écraser celui de Bérenger, le seul personnage encore confiant dans les forces persuasives de la parole. Dès le début, Jean semble le plus fort car c’est lui qui occupe l’espace alors que Bérenger est assis dans un fauteuil et parle sans bouger. Au théâtre, celui qui occupe l’espace a le pouvoir.
 Les signes de tension sont très vite présents : ponctuation forte, raccourcissement des répliques, interruptions répétées et succession d’impératifs.
 La conversation ne sert ainsi donc plus à échanger avec l'autre mais à le détruire. Jean finit par attaquer directement Béranger par des phrases comminatoires (« L'Homme...Ne prononcez plus ce mot ! ») et par des jugements méprisants proches de l'insulte : « Vous êtes un vieux sentimental ridicule »

 b) La dissolution du langage Les mots repris d’une réplique à l’autre changent de signification : à la loi morale se substitue une loi de la Nature, quand Jean dit « Je veux respirer » on pourrait croire qu'il veut penser librement, se libérer (respirer au sens figuré) mais en fait il veut tout simplement respirer comme un animal qui manque d'air.
 Les répliques " rebondissent " sur des antonymes : l’invitation à " bâtir " de Bérenger est effacée par l’appel à la démolition de Jean.
 Au fur et à mesure, les protagonistes ont de plus en plus de mal à s’entendre car la communication est parasitée par les barrissements tonitruants de Jean.
 On risque donc le malentendu absolu : le langage ne permet pplus de communiquer.

 c) L'invasion du totalitarisme
 Les valeurs humaines sont toutes renversées au profit de valeurs qu’illustre parfaitement le rhinocéros : dureté, puissance, agressivité latente et couleur proche de celle des uniformes militaires... Ce qui prime, c’est l’instinct : on note la répétition de " plaisir " dans les premières répliques, le combat de la nature contre la morale pour établir la loi du plus fort, la lutte de l’animal contre l’homme (" L’humanisme est périmée " s’exclame Jean) pour assurer la victoire de la brute. Le règne de l’instinct se concrétise sur scène par la furie croissante du personnage, qui tourne comme un lion en cage.
 Les valeurs prônées par les rhinocéros sont totalitaires dans leur essence et dans leur formulation. Jean parle par clichés (" elle est belle la morale ! "), slogans (" Il faut [...] ") et ne recule pas devant des périphrases qui visent à dissimuler la brutalité de ses aspirations (" l’intégrité primordiale ", " les fondements de notre vie " : autant de formules pour évoquer l’état de bestialité). Ces paroles ne sont pas le fruit d’une réflexion, mais d’un automatisme. Bérenger, hésitant et réfléchi, n’a pas ici la force nécessaire pour lutter contre un tel langage.

Conclusion : une fable théâtrale sur la tentation du retour à l'animalité et la fragilité des valeurs humaines en face de la barbarie
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