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 DU BREVET AU BAC :: CONVAINCRE, PERSUADER, DELIBERER :: Le conte philosophique, plusieurs études, l'argumentation

Le conte philosophique, plusieurs études, l'argumentation

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MessageSujet: Le conte philosophique, plusieurs études, l'argumentation  Posté leSam Jan 15, 2011 12:45 pm Répondre en citant

Argumenter, Le conte philosophique

La tradition du conte philosophique


Les fables étudiées sont :

Voltaire, le philosophe ignorant
Diderots, salons
Histoire des voyages de Sacramentado,
de Voltaire

Voltaire, Micromégas
Italo Calvino,
Le Baron perché

Marcel Aymé,
Derrière chez Martin

Kafka,
La Colonie pénitentiaire

Buzzati, Le K


Voltaire,
Le Philosophe ignorant


Situation du texte
Publié en 1766, ce conte se situe à l’époque où,
installé à Ferney, Voltaire mène son combat contre
l’obscurantisme dans de multiples directions. C’est
par exemple l’année où éclate l’affaire du chevalier de
la Barre. Définitivement méfiant à l’égard de toutes les
formes de dogmatisme, sceptique sur les chances d’une
amélioration de l’humanité, et sur sa capacité à étendre
démesurément les champs de ses connaissances, il lutte
pour la tolérance et la lucidité, comme en témoigne ce
court récit.

La structure du récit
Le conte présente trois parties bien distinctes. Dans
la première, formée par le premier paragraphe, les
Quinze-Vingts sont présentés comme un groupe
uni d’hommes égaux, raisonnables et vivant en paix,
jusqu’au jour où l’un d’entre eux instaure la discorde en
prétendant avoir des connaissances en un domaine qui
excède les compétences de tous les membres : la vue. La
seconde partie, qui correspond au second paragraphe,
raconte les querelles qui résultent de cette prétention
et leur issue. Le troisième paragraphe, beaucoup plus
court, constitue une chute en forme de morale, qui tire
une leçon ironique de l’histoire.
Les deux volets principaux du récit décrivent donc
deux états opposés. Le premier, qui évoque la concorde
entre les membres de la communauté, n’opère pas de
distinction entre eux. L’essentiel du passage montre
que trois des sens (le toucher, le goût, l’odorat) sont
parfaitement maîtrisés par les Quinze-Vingts. On notera
que Voltaire ne fait pas allusions au quatrième (l’ouïe),
sans doute parce qu’il est au centre de la « chute » du
récit. Par opposition, la seconde partie insiste sur les
dissensions de la communauté entre le dictateur et ses
sujets, mais aussi entre ces derniers, puisque deux parties
se forment (l. 21). Il n’y est question que de couleur, donc
du sens de la vue dont les Quinze-Vingts sont dépourvus.
Aux connaissances acquises précédemment, succède une
querelle stérile sur un sujet par définition hors de leur
compétence. La corrélation entre dictature, ignorance et
division sociale est ainsi mise en évidence.
On retrouvera ici une thématique chère à Voltaire :
l’inutilité des spéculations qui excèdent notre capacité de
connaissance. Il est évident que la vue est aux Quinze-
Vingts ce que les spéculations métaphysiques sont à
l’être humain : un domaine impossible à comprendre.
Comme Locke, dont il est un disciple assez fidèle, Voltaire
estime que la connaissance ne peut excéder le champ de
l’expérience. Pour l’aveugle, limité à l’usage de quatre sens,
il est vain de spéculer sur la vue dont il n’a pas l’expérience,
comme il est inutile pour l’homme de disserter sur ce qui
se trouve au-delà de ses capacités propres.

La logique de la dissension
La seconde partie du récit décrit sommairement
le processus par lequel un homme avide de pouvoir
accroît les dissensions à son profit, en se servant de la
crédulité publique. À la charnière des deux paragraphes,
Voltaire montre comment le dictateur installe son
pouvoir en deux temps. Il commence par exercer son
ascendant sur l’opinion en se faisant le détenteur d’un
prétendu savoir, avant d’assurer matériellement son
autorité en se rendant maître, par l’intrigue, des revenus
de la communauté. Il gouverne ensuite en imposant
par décret ses propres opinions : les habits des Quinze-
Vingts sont blancs (l. 15-16), ce qui suscite la résistance
de certains de ses sujets. Le climat de querelle se poursuit
lorsque le dictateur change la teneur de son décret (les
habits des Quinze-Vingts sont rouges, l. 22-23) mais
non sa méthode de gouvernement. Seule la tolérance
finale rétablit la paix

Un enjeu politique
Voltaire reprend ici un thème qui lui est cher, la critique
des croyances théologiques génératrices d’intolérance.
Derrière cette querelle dérisoire sur la couleur des habits
des Quinze-Vingts, se profilent la critique des opinions
religieuses, sources de querelles stériles et destructrices,
et l’appel à la tolérance en des matières qui ne peuvent
faire l’objet d’une quelconque certitude. L’allusion
aux conflits entre catholiques et protestants, jésuites et
jansénistes, et, plus largement, entre les diverses factions
religieuses en France depuis la fin du xviie siècle, est
évidente, ainsi d’ailleurs que le rôle néfaste du pouvoir
royal (le dictateur) en la matière.
Le conte prend donc très vite une coloration politique.
Les Quinze-Vingts forment une « communauté », leur
chef est appelé « dictateur », il se forme des « partis »
tandis que les opposants sont qualifiés de « rebelles ».
La petite communauté des Quinze-Vingts devient
rapidement le microcosme symbolique d’une société
entière, avec ses divisions et ses querelles internes.

L’hydre
La morale du conte est ambiguë. D’un côté, la tolérance
l’emporte, puisque le dictateur se voit contraint de
renoncer à ses décisions : désormais chacun pourra
suspendre son jugement sur la couleur des habits des
Quinze-Vingts. De l’autre, le comportement du sourd
tend à montrer que la leçon n’a pas été comprise,
puisqu’il voit bien l’erreur des aveugles, mais reste…
sourd à la sienne. Conclusion conforme au scepticisme
qui marque les derniers temps de la vie de Voltaire,
une année où il doit faire face à un nouvel exemple
particulièrement brutal d’intolérance religieuse, l’affaire
du Chevalier de la Barre. Le combat contre l’ignorance
et l’intolérance est donc sans fin, il faut rester vigilant
et le recommencer à chaque instant.

Diderot, Salons

Situation du texte
Diderot pratique l’art du conte, selon des formes
différentes de celles choisies par Voltaire. Il se présente
comme une apparente digression, une pause qui,
pourtant, n’éloigne pas du sujet traité mais, au contraire,
y reconduit le lecteur selon une relation oblique. La
pensée de Diderot n’est en effet jamais linéaire, elle suit
des chemins inattendus, qu’il compare souvent à ceux
de la conversation, imprévisible, ponctuée de ruptures
et pourtant cohérente si l’on prend le temps d’y porter
attention. Dans ce conte inséré dans un des « salons »
adressés aux frères Grimm, Diderot interrompt une
analyse picturale, qu’il juge austère, pour distraire le
lecteur.

Le début du conte
Le début du conte peut prêter à confusion sur
l’identité des protagonistes. Il existe deux groupes de
personnages : les agriculteurs de Passy et les brigands
du Gros-Caillou. Ces derniers, par leurs incursions,
sèment le trouble chez les premiers et les font vivre
dans l’insécurité. Le conte précise toutefois qu’il existe
chez les habitants de Passy, des « oisifs » qui vont
successivement proposer de jouer deux rôles, celui
de protecteurs et celui d’hommes civilisés, éliminant
ainsi les brigands. Ce dispositif peut sembler confus à
première vue. La question a donc pour but de distinguer
les différents acteurs : agriculteurs et brigands d’un
côté, « oisifs » qui vont introduire, dans la société des
agriculteurs, des distinctions sociales (une division du
travail). Le conte se calque, de manière parodique, sur
la tradition de la philosophie politique antique (Platon)
et moderne (Rousseau) qui cherche à reconstituer la
genèse des sociétés à partir d’une hypothèse originelle
(l’état de nature ou son équivalent). Dans cette genèse
que propose Diderot, les guerriers protecteurs de la
cité et les hommes de lettres (les artistes) apparaissent
comme des conséquences inévitables d’une situation
originelle où l’agriculture (le travail nécessaire à la
subsistance) est confrontée à la violence primitive de
prédateurs aveugles : une sorte de « contrat social » ?

Les étapes du récit
Les incursions du peuple du Gros Caillou symbolisent
la violence brute et pourtant inévitable, qui doit être
conjurée pour que la civilisation puisse éclore et se
développer. Le conte explicite les médiations qui vont
se substituer à l’affrontement initial.
Les deux étapes principales sont celles qui donnent
naissance « au soldat », lui-même corrélatif, comme le
fait observer Diderot, de l’ennemi et du citoyen, et aux
artistes, synonymes de civilisation, d’adoucissement des
moeurs et d’instruction. Dans les deux cas, la nécessité
liée à la violence (les brigands), trouve une médiation :
le soldat émerge comme une entité qui permet
d’identifier l’ennemi et le citoyen ; l’artiste apparaît
comme le complément du travail et sa justification.
En proposant le divertissement mais aussi l’éducation,
le sens moral, il intègre les hommes dans un univers de
valeurs communes.
On pourra commenter cette genèse en la comparant,
par exemple, à la première partie du Discours sur
l’origine de l’inégalité de Rousseau et à son Discours
sur les sciences et les arts. On pourra aussi la mettre en
relation avec les idées de Diderot sur la morale familiale,
exprimées notamment dans ses écrits de théâtre.

Deux résultats
Les deux résultats fondamentaux auxquels aboutit le
récit sont la naissance de la sécurité et de la culture, au
sens large du terme. Cette différenciation a pour but
de mettre en évidence la fonction civilisatrice des arts,
qui introduisent douceur, instruction et divertissement
dans la société. On retrouve ici certains thèmes chers
à Diderot : la fonction de l’art au service d’une morale
bourgeoise (défense de la vertu, des lois, respect pères/
enfants, etc.) par exemple. On ne manquera pas de
souligner l’écart entre certaines des thèses défendues
par Diderot dans ce domaine et certaines audaces
philosophiques développées par ailleurs (Supplément
au voyage de Bougainville, Le Rêve de d’Alembert).

La leçon de Diderot
Les dernières lignes du texte développent une théorie
de l’intérêt bien compris, dans laquelle chaque acteur
du conte trouve sa fonction relativement à la situation
initiale. Ainsi se constitue une chaîne (brigands-soldats-
« flûteurs »), qui conduit de la barbarie à la civilisation,
opérant à chaque étape un calcul d’intérêts, profitable
à tous.

Expression
Le but du conte est de chanter les louanges des
« gens de lettres », agents de civilisation. Cette thèse
est partiellement conforme au projet des Lumières et
à celui de l’Encyclopédie. Pour la discuter, on pourra
s’inspirer des objections de Rousseau (Le Discours sur
les Arts et les sciences, ainsi que La Lettre à d’Alembert
sur les spectacles). Plus lointainement, on rappellera la
République de Platon, qui bannit les poètes de la Cité.
L’essentiel sera de réfléchir aux fonctions de l’écrivain et
de l’artiste dans une société : au rôle de cohésion sociale
que lui assigne Diderot, on opposera celui de critique
des dysfonctionnements, comme le furent aussi les
philosophes des Lumières. La confrontation entre Moi et
Lui dans Le Neveu de Rameau permettra éventuellement
d’enrichir et de compléter la vision de Diderot.

Histoire des voyages de Sacramentado,
de Voltaire


Les étapes du voyage
1. Le périple de Sacramentado lui permet d’éprouver
à peu près tout ce que le monde de l’époque (1756)
connaît ou a connu en matière de persécution et
d’intolérance : le fanatisme religieux sous toutes ses
formes guerrières (guerre de religions françaises et
britanniques), inquisition en Espagne, persécution
coloniale en Amérique latine, querelles entre Jésuites et
Dominicains en Extrême-Orient, actes barbares divers
en Asie, racisme et esclavage en Afrique.

Le personnage de Sacramentado
2. La naïveté de Sacramentado se manifeste dans son
espoir sans cesse renouvelé de trouver le calme et la
paix. De plus, il est en général saisi d’enthousiasme en
arrivant dans une nouvelle contrée, avant de déchanter
et de recommencer inlassablement son périple. Il tombe
régulièrement dans tous les pièges de l’affection, de
l’amitié et de l’amour. Il ne voit jamais d’objection à
payer ses rançons, et garde en permanence l’envie de
voyager. L’étonnement, la surprise, voire l’indifférence,
sont ses seuls états d’âme. À aucun moment, il ne nous
parle d’effroi, de compassion ou de révolte. Il reste
disponible pour voir le monde comme il va, sans jamais
tirer d’autre leçon de ce qu’il voit ou subit que celle-ci :
« il ne m’appartient pas de décider ». Cela dit, on peut
discuter ce point de vue et considérer que Sacramentado
est particulièrement lucide (et prudent) et que son ironie
traduit cette distance

La dénonciation
3. Toutes les péripéties du voyage de Sacramentado le
conduisent à assister à des conflits et à des actes de barbarie
guidés par la seule intolérance du fanatisme religieux.
Les hommes s’y entretuent et se persécutent pour des
questions de rites, de langues, d’argent, de pouvoir, de
différends philosophiques, d’apparence physique…
Chaque épisode est agrémenté du versement d’une
somme d’argent ; Voltaire met en évidence avec cynisme
et ironie le scandale de ces actes de cruauté et d’intolérance
que rien ne semble pouvoir arrêter, sauf justement l’argent,
qui réconcilie, comme par enchantement, les pires ennemis
et dénoue les crises les plus dramatiques.

La narration
4. Chaque épisode est bâti selon un schéma qui se répète
(Crète, Rome, France, Angleterre, Hollande, Espagne,
Turquie, Perse, Chine, Macao, Inde, Afrique) à partir du
« lancement initial » (Sacramentado part pour étudier) :
le héros arrive dans une contrée, observe un conflit ou
un affrontement, est sommé de prendre position ou se
trouve embarqué malgré lui dans ledit conflit, est menacé,
et finit par s’échapper tant bien que mal.
Chaque épisode s’achève par une volonté de départ
(on note, par exemple, un verbe de mouvement) et
l’épisode suivant commence par la mention de l’arrivée
(nouveau verbe de mouvement).

L’ironie
5. En France : « La première chose qu’on me demanda,
ce fut si je voulais à mon déjeuner un petit morceau du
maréchal d’Ancre… » Effet ironique né du contraste entre
l’offre délicate de déjeuner (« petit ») et le cannibalisme
que suppose le fait de manger un maréchal.
En Hollande : « En attendant que ce temps funeste
de la modération et de l’indulgence fût arrivé… »
Effet ironique né de l’antithèse entre l’adjectif funeste
et les deux mots à résonance positive modération et
indulgence.
En Inde : « C’était l’homme le plus pieux de tout
l’Indoustan. Il est vrai qu’il avait égorgé un de ses frères
et empoisonné son père… » Même procédé de contraste
que ci-dessus : opposition entre le superlatif absolu « le
plus pieux » et les deux verbes égorgé et empoisonné
En Afrique : « Il me restait de voir l’Afrique, pour
jouir de toutes les douceurs de notre continent. Je la
vis en effet. Mon vaisseau fut pris par des corsaires
nègres… ». Même processus. Même effet.
Notons qu’en parlant de « propos ironiques » on
attribue au personnage ce qui appartient au créateur.
Rien, en effet, dans le caractère de Sacramentado, ne nous
permet vraiment de penser qu’il porte sur les événements
qu’il vit un regard critique que l’ironie permettrait de
rendre plus acide ; c’est donc bien sûr la voix de Voltaire
qu’il faut entendre

La leçon
6. Première interprétation : Il n’y a aucune ironie
dans le discours du personnage. La résolution et la
sérénité de Sacramentado sont la confirmation de son
aveuglement. Le spectacle désastreux du monde qu’il
nous a donné à lire a été rendu plus insupportable au
travers de son regard naïf.
Deuxième interprétation : Sacramentado ôte
son costume de naïf, et fait le dos rond devant tant
d’horreurs, dont il n’est pas dupe, mais auxquelles il
faut échapper au prix de quelques concessions. On
retrouve les questions de Candide.

Voltaire, Micromégas


Situation du texte
Publié en 1752, Micromégas a sans doute été conçu bien
avant, vers 1738, ce qui expliquerait les concordances
entre le conte et les préoccupations de son auteur à
cette époque. Sous l’influence de Mme du Châtelet, il
s’intéresse alors de près à la pensée de Newton dont il
donne une synthèse « à la portée de tout le monde ».
Reprenant la tradition des voyages imaginaires (Cyrano
de Bergerac, Swift), il la détourne et l’adapte à ses besoins
pour en faire un instrument propre à exprimer ses vues
philosophiques. Micromégas est en effet un premier
aperçu des thèses voltairiennes sur le relativisme et la
modération, voire la tolérance qui en découlent. Au cours
de son périple, le héros découvre la disproportion, dont
son nom même est le symbole, et apprend à ne pas juger
toutes choses de son seul point de vue…

La relativité du conte
La phrase initiale de Micromégas formule l’une des
thèses essentielles du conte, l’insatisfaction universelle des
êtres vivants devant leur condition. La leçon de sagesse
que souhaite faire passer le récit est au contraire son
acceptation modérée et souriante. La conversation qui suit
entre Micromégas et le Saturnien développe et illustre cette
thèse, sur un mode mi-plaisant, mi-sérieux. Elle porte sur
la durée de la vie, variable selon « les mondes ». Voltaire
s’amuse à imaginer des durées de vie énormes sur certaines
planètes, pourtant perçues comme éphémères par leurs
habitants. Ainsi est illustrée la thèse de l’insatisfaction de
chacun en prenant appui sur une deuxième idée essentielle
du conte : la relativité des situations.

L’instant et l’éternité
La leçon principale du passage peut être résumée par la
formule de la ligne 21 : au regard de la mort « avoir vécu
une éternité ou avoir vécu un jour, c’est précisément la
même chose. » Elle conduit à « prendre son parti » (l. 23-
24) de la condition qui est la nôtre. Il est clair que cette
leçon est aussi valable pour les terriens à qui s’adresse in
fine ce discours. Voltaire propose ici une réflexion sur le
temps qui est proprement philosophique, puisqu’il en
souligne le caractère purement subjectif et relatif. La
coïncidence entre l’instant et l’éternité rappelle le thème
des deux infinis de Pascal, qu’il avait lui-même trouvé
partiellement chez Nicolas de Cuse. Voltaire prolonge
ici une réflexion antérieure sur l’identité des contraires,
qui trouve une vie nouvelle : loin d’en tirer les mêmes
conclusions que Pascal, il invite à se conformer sans
inquiétude à l’ordre naturel.
Cette argumentation est préparée dès les lignes 12-
13 : aussi grandes soient les durées de vie imaginables,
elles se ramènent à un point au regard de l’univers. Il
est donc vain de se montrer insatisfait.

Et la morale ?
La mort, qui joue un rôle déterminant dans le relativisme
du passage, puisque c’est elle qui empêche toute
comparaison entre la vie et l’infini, est décrite ici comme
une « métamorphose » (l. 20). Elle est intégrée à un
processus universel, et niée comme phénomène spécifique,
puisqu’elle consiste à « rendre son corps aux éléments, et
ranimer la nature sous une autre forme ». La mort n’est
donc elle aussi qu’un point de vue : envisagée comme
métamorphose, elle n’existe pas, elle est seulement un
changement d’état du corps qui se défait pour renaître sous
une autre forme. Il convient de mettre en relation cette
définition avec la suite du conte qui expose les convictions
philosophiques de Voltaire

L’auteur de la nature
Voltaire introduit peu après l’idée d’un « auteur de la
nature » (l. 24), qu’il invite le lecteur à remercier. Sans
le nommer explicitement, il s’agit bien d’un Dieu que
Voltaire introduit à cet instant dans la conversation.
C’est une illustration de son « déisme ». La fin du conte
est consacrée à un débat sur la question de la nature
de l’âme. Voltaire s’y fait le disciple de Locke et rejette
toutes les spéculations métaphysiques à ce sujet.


Italo Calvino,
Le Baron perché


Situation du texte
Le Baron perché est le second volet d’une trilogie, Nos
Ancêtres, qui comporte également Le Vicomte pourfendu
(1952) et Le Chevalier inexistant (1959). Hommage au
conte philosophique des Lumières, il est aussi une fable sur
l’époque contemporaine. On a pu voir dans le personnage
la personnification de l’intellectuel dans son rapport au
pouvoir, mais aussi, plus généralement, à l’existence sociale.
Perché dans son arbre, il s’exclut de la vie commune tout
en ne cessant pas d’y participer. Sa position en fait un
observateur privilégié, mais lui interdit également d’agir
véritablement, le condamnant à une certaine impuissance
et à une forme paradoxale de solitude, d’exil intérieur.
La rencontre avec Napoléon cristallise, sur le mode
humoristique, le caractère contradictoire de la situation
du personnage, sage et dérisoire, honoré et délaissé.

Les préparatifs
Les préparatifs sont présentés de manière humoristique.
Ils ressemblent à ceux d’une fête de village
et contrastent donc avec la solennité supposée de la
rencontre. Certains détails, comme le nom de la visite
(ligne 4) ou le choix du noyer maquillé en chêne, font de
la scène une parodie des visites officielles d’un homme
politique en province. Le caractère incongru est accentué
par l’accoutrement de Côme et ses ennuis de vessie.

La rencontre
La rencontre entre Côme et Napoléon est évidemment
une réécriture parodique de celle entre Diogène et
Alexandre le Grand, telle que la rapporte l’historien
grec Plutarque. L’entrevue célèbre entre le conquérant
et le philosophe décrite ici devient une scène comique
où les deux personnages caricaturent leurs illustres
prédécesseurs. Les similitudes sont évidentes : statut
comparable des deux protagonistes, reprise quasi
textuelle de certaines paroles. La différence essentielle
tient à la position des deux acteurs par rapport au
soleil. Dans le récit de Plutarque, Diogène, à la question
d’Alexandre lui demandant ce qu’il peut faire pour
lui, lui répond de s’écarter de son soleil, en suggérant
implicitement qu’il préfère le soleil « naturel » à celui,
symbolique, que représente Alexandre dans sa gloire.
La réponse de Diogène était censée montrer son
indifférence à l’égard du conquérant, ce qui suscitait
l’admiration de celui-ci. Alexandre aurait alors conclu
qu’il aurait aimé être Diogène s’il n’avait pas été luimême.
La scène réécrite par Calvino renverse la situation.
À la question de Côme, symétrique à celle d’Alexandre,
Napoléon répond en demandant que son interlocuteur le
protège du soleil. Au-delà du jeu auquel s’amuse Calvino,
en transformant une scène exemplaire en une anecdote
comique, c’est évidemment la relation entre l’homme
de pouvoir et le philosophe qui est inversée. Côme tente
d’ailleurs de l’expliquer à Napoléon en montrant que
cette fois, c’est l’homme de pouvoir qui est demandeur
. Mais Napoléon finit l’entretien par un bon
mot qui reprend parodiquement la phrase d’Alexandre.
C’est bien le même divorce (la même incompréhension)
entre les deux personnages qui prévaut à la fin,
sur le mode comique. Cette rencontre n’est qu’un rendezvous
manqué, sans doute parce que les interlocuteurs
n’avaient rien à se dire.

Le clin d’oeil du narrateur
La fin du passage est en forme de clin d’oeil. Le
narrateur, qui, dans le livre, est l’incarnation du conformisme
et de la soumission à l’ordre établi, reste fidèle
à lui-même. N’ayant rien compris à la scène, il ne peut
que souhaiter le hochet dérisoire d’une décoration.

L’italique
Les passages en italique concernent exclusivement
Napoléon. Ce sont d’abord les paroles de circonstance
au début de son discours, puis le moment où il se rend
compte qu’il rejoue la scène d’Alexandre et Diogène. Ils
suivent l’émergence du sens de la scène que ponctue la
phrase courtisane d’Eugène de Beauharnais.

La tonalité
Le passage est à la fois humoristique et satirique. En
reprenant les éléments de l’anecdote et en les réorganisant,
Calvino se livre à un jeu formel comparable à
celle de l’oulipo (auquel il collabora). Mais au-delà de
l’amusement, perce l’intention satirique : Napoléon
est un histrion assez dérisoire, soucieux seulement de
paraître, et Côme est impuissant à se faire entendre.


L’expansion du conte philosophique

Marcel Aymé,
Derrière chez Martin


Situation du texte
Esprit caustique, adepte du non-conformisme
intellectuel, Marcel Aymé est aussi un conteur. Même
si l’orientation de sa pensée s’écarte de la tradition des
Lumières, son art et son écriture satiriques perpétuent
la tradition du conte philosophique, en lui donnant un
caractère faussement populaire.

La vacuité du temps
« Le temps lui parut long » (l. 3) : le constat est
paradoxal puisque, ne vivant qu’un jour sur deux,
Martin a au contraire une existence raccourcie de
moitié. Au-delà de l’humour, le conte souligne le caractère
relatif de notre perception du temps, comme le
fait Voltaire dans Micromégas . Ici, l’ennui qui
gagne Martin abandonné par son amie lui fait vivre
une nouvelle expérience du temps : sa vacuité.

Une distraction ?
Martin tente d’échapper à l’ennui en menant « une
vie aventureuse » , autrement dit en essayant de se
distraire, le mot « aventure » est repris un peu plus loin
. L’étymologie du mot fait référence au temps :
l’aventure est ce qui doit advenir, donc le futur.

L’expression d’un ennui
Le texte comporte plusieurs expressions incluant le
mot temps : « le temps lui parut long » , « le temps
était en train de se ralentir » , « temps mort » « Un taxi… n’eut pas le temps de freiner » « avait
eu le temps de recevoir un choc mortel » . Certaines
de ces expressions renvoient à l’expérience du héros qui
s’ennuie, d’autres sont simplement présentes dans des
situations qui nécessitent leur emploi, comme l’accident
final. Le lien implicite qui les relie conduit à interroger
leur sens : qu’est-ce qu’un « temps mort », qu’un temps
qui « passe », qu’« avoir » ou non le temps ?

La tonalité
Le récit se fonde sur le contraste entre la banalité
de la vie du personnage et le caractère insolite de sa
situation qui le pousse à des comportements incongrus.
Outre ceux-ci (le coup porté à un inconnu, la scène
du cinéma), on relèvera que toutes ont un rapport
humoristique avec le temps (Martin écoute l’inconnu
l’injurier pendant « un moment », la jeune femme
part avec l’homme qui « l’avait palpée avant lui », et l’accident se produit à l’instant de sa disparition).

Une chute en un instant
La chute imaginée par Marcel Aymé est dans la
continuité de l’hypothèse improbable sur laquelle repose
le conte. Mais, alors que le passage précédent développe
le thème du temps « long », la fin est consacrée à la
notion d’instant , ponctuée plaisamment par la
remarque d’Henriette. Derrière le ton humoristique
pointe cependant une légère amertume, renforcée par
l’apparente insouciance d’Henriette.

Le titre
Les possibles commentaires s’organisent notamment
autour des sens que prend dans le conte
l’adjectif « mort », tant au propre qu’au figuré, avec
en filigrane la relation du temps et de la mort.

Kafka,
La Colonie pénitentiaire


Situation du texte
Malgré des différences, les récits de Kafka présentent
souvent un caractère imaginaire et allégorique qui les
rapproche de la tradition du conte philosophique sans
oublier leur humour, trop souvent négligé.

Le rôle du voyageur
Par ses questions, le voyageur permet à son
interlocuteur d’expliciter sa conception très particulière
de la justice, en faisant ressortir la distance qui la sépare
des principes communément admis en ce domaine.

La progression du récit
Le récit part de la sentence du condamné pour remonter
aux conditions dans lesquelles il a été jugé.
C’est donc une démarche régressive qui doit éclairer le
fonctionnement de la justice dans cette étrange colonie.
Les principales étapes, que marquent les questions du
voyageur sont : la connaissance de la sentence, celle de
la condamnation, l’organisation de la défense et enfin
le principe sur lequel fonctionne le tribunal.

La conception de la justice
« La faute est toujours certaine » est le principe
sur lequel repose la justice dans la colonie. Cette
phrase est à mettre en relation avec d’autres oeuvres
de Kafka pour permettre de comprendre sa possible
signification. Quoi qu’il en soit, elle exprime avant tout
l’idée d’une culpabilité fondamentale fondée sur une
conviction philosophique ou religieuse, qui trouve son
prolongement dans la forme du châtiment.

Une sentence indélébile
La machine que présente l’officier est une machine à
écrire d’un type particulier puisqu’elle grave sur le corps
du condamné la loi qui a été violée. Le symbolisme est
assez clair : il s’agit d’incruster dans la chair les « tables »
de la loi créant ainsi un lien indélébile entre l’écriture et
l’inscription matérielle dans le corps. On peut l’interpréter
aussi bien à partir de la lecture de la loi judaïque par Kafka
que de considérations biographiques (relation à son père)
qui éclairent également Le Procès ou La Métamorphose.

L’humour kafkaien
Cette antiphrase fait partie de l’humour (noir) de Kafka.
Bien que la tradition héritée de Camus et de ses premiers
lecteurs français ait occulté cette dimension, il faut
souligner qu’il y a une dimension satirique et comique de
Kafka, qui le rapproche du conte philosophique, même
si la tonalité de son rire est très différente.

Buzzati, Le K

Situation du texte
Les récits de Buzzati traitent, selon des modalités
narratives diverses (fables, contes, romans), de grands
thèmes philosophiques (la fuite du temps, la mort,
l’échec, la solitude…). Il se situe ainsi dans la tradition
du conte philosophique, avec un humour un peu
grinçant, qui rappelle Kafka.

Des indices troublants
La « métamorphose » du personnage est préparée
par des indices matériels et des éléments symboliques
annoncés par ses propos, qui se concentrent à la fin dans
le motif des mouches. Au début du récit, les mouches
gravitent autour du personnage, à ce détail près qu’il
est le seul à les voir. Nous les retrouvons à la fin, elles
deviennent aussi le symbole de tous ceux qui ont
profité de lui dans la vie. Les mêmes verbes (« sucer »,
« vider ») se retrouvent dans les deux passages, jouant
tour à tour sur le sens propre et le sens figuré.

Une lassitude existentielle
Le personnage est fatigué, las de lutter, indifférent à
son sort. Il est en quelque sorte libéré et il explique par
là sa manière de jouer. Ce n’est pas (plus) lui qui joue.

Le dernier parcours
Le dernier parcours se déroule au crépuscule, moment
symbolique (notations relatives au mouvement du
soleil, aux ombres qui descendent progressivement).
L’auteur fait en sorte que le coucher du soleil coïncide
avec la métamorphose du personnage et la mort du
crapaud.

Un moment-charnière
Le récit bascule dans le fantastique à l’approche du
trou, lorsque la balle arrive sur le green. Ce sont à la fois
le faux rebond de la balle et la disparition de Merizzi

Le crapaud des contes ?
Le récit se termine par l’apparition d’un personnage
classique du conte de fées, le crapaud . Mais, dans ce genre, le crapaud se métamorphose généralement en prince charmant. Ici,
c’est la transformation inverse qui se produit, indiquant
ainsi le sens de ce détournement.
qui conduisent progressivement au dénouement.

L’enseignement du texte
Comme dans le conte philosophique classique, le
récit véhicule un symbolisme transparent, qui peut
d’ailleurs paraître trop insistant. C’est pourquoi on
peut parler d’enseignement, l’auteur ne cherche pas
à dissimuler le sens de sa fable, mais à l’expliciter de
manière allégorique. Il s’agit pour lui de donner une
expression claire quoique imagée à son propos : le
sentiment de l’inutilité de sa propre vie, le sentiment
d’avoir été exploité par les autres, les regrets que l’on
peut avoir à la fin de sa vie, etc.


Exposé et analyse du site
http://lpblanc.blog.espresso.repubblica.it/files/argumentation-fable-cf.-pages-3-5-sur-la-fontaine.pdf @
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