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 DU BREVET AU BAC :: ORAUX DE FRANCAIS 2013 :: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation

Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation

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Prépabac, examen2017
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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Aoû 29, 2012 6:05 pm Répondre en citant

Les oraux blancs de français : préparation sur le forum de prépabac



BAC 2013 : série littéraire
Séquence argumentation





Les bacs blancs oraux de français du lycée





Travaillez vos bacs blancs oraux et partagez vos questions, préparations, révisions etc



Quels sont vos textes? Les questions probables des entretiens relatifs à vos textes à présenter à l'oral, les questions sur la séquence, l'auteur, l'extrait en fonction du plan de votre commentaire.
Etes-vous prêts? Combien de textes avez-vous à votre bac blanc oral? Quelles sont vos questions?

Avez-vous une commande d'entretien? Vous manque t'-il une ouverture? ....


Cette rubrique est consacrée à toutes les questions relatives à la préparation des oraux blancs de français, série littéraire , séquence argumentation.

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Dernière édition par Prépabac, examen2017 le Mar Aoû 08, 2017 1:20 pm; édité 2 fois

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MessageSujet: Critique du monde par l’argumentation  Posté leMer Nov 21, 2012 8:29 pm Répondre en citant

Critique du monde par l’argumentation




Problématique :
Comment les auteurs critiquent, s’engagent et revendiquent un monde meilleur ?

Lectures analytiques :

Séance 1 : Extrait « Des Coches » de Montaigne (critique des conquistadors espagnols)

Séance 2 : Article « Fanatisme » de Voltaire (critique du fanatisme, de l’extrémisme religieux)

Séance 3 : Article « Guerre » de Voltaire (critique de la guerre)

Séance 4 : Extrait de « Cannibales » de Didier Daeninckx (critique de la colonisation des Kanaks)




Extrait du Livre III, chapitre 6 intitulé « Des coches » (1) des Essais de Montaigne




Ce chapitre vaut à Montaigne sa réputation d’esprit éclairé : il y traite des malheurs de l’histoire de l’humanité en évoquant à nouveau l’opposition entre les Indiens, ici raffinés et incarnant les valeurs antiques, et les conquistadors espagnols, traitres, cruels et avides.



« Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous répond si c'est le dernier de ses frères, puisque les démons, les sibylles et nous, avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure ?) non moins grand, plein et membru que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui apprend encore son a, b,c ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettres, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni blés, ni vignes. [...]

Bien crains-je que nous aurons bien fort hâté sa déclinaison et sa ruine par notre contagion, et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts. C'était un monde enfant ; si ne l'avons-nous pas fouetté et soumis à notre discipline par l'avantage de notre valeur et forces naturelles, ni ne l'avons pratiqué par notre justice et bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et en pertinence. L'épouvantable magnificence des villes de Cuzco et de Mexico, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment formés en or ; comme, en son cabinet, tous les animaux qui naissaient en son État et en ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierrerie, en plume, en coton, en la peinture, montrent qu'ils ne nous cédaient non plus en l'industrie. Mais quant à la dévotion, observance des lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n'en avoir pas tant qu'eux ; ils se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes.



L’épouvantable magnificence des villes de CUSCO et MEXICO, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l’ordre et grandeur qu’ils ont en un jardin, étaient excellemment formés en or ; comme, en son cabinet, tous les animaux qui naissaient en son Etat et en ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierrerie, en plume, en coton, en peinture, montrent qu’ils ne nous cédaient non plus en industrie.
Mais, quant à la dévotion, observance des lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n’en avoir pas tant qu’eux ; ils se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes.
Quant à la hardiesse et courage, quant à la fermeté, constance, résolution contre les douleurs et la faim et la mort, je ne craindrais pas d’opposer les exemples que je trouverais parmi eux aux plus fameux exemples anciens que nous ayons aux mémoires de notre monde par-deçà.
[...]
Nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice et vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et patron de nos mœurs.
Qui mit jamais à tel prix le service de la mercadence et du trafic ? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre !
Mécaniques victoires. Jamais l’ambition, jamais les inimitiés publiques ne poussèrent les hommes les uns contre les autres à si horribles hostilités et calamités si misérables (2). »



(1) Les coches sont des grands véhicules de transport. Ce titre entretient avec le chapitre un rapport peu évident, même si Montaigne y évoque la richesse de la litière en or du dernier roi inca. Le fil directeur de l’ensemble est la dénonciation des ressorts hypocrites d’un peuple par un autre.

(2) Dès 1542, Las Casas dénonçait les atrocités commises par les Espagnols au Nouveau Monde.



Recherches préliminaires à la lecture analytique

1)Brefs éléments biographiques sur Montaigne :

Montaigne est un auteur humaniste, car il a reçu une éducation très soignée : il parle couramment le latin qu’un précepteur lui a enseigné avant le français. Il est passionné de littérature antique et jouera dans les tragédies néolatines de ses professeurs. Il aime le droit, l’histoire et la poésie.

Il est nommé conseiller plusieurs fois et noue une amitié avec Etienne de La Boétie, son aîné de trois ans. La mort prématuré de son ami en 1563 affecte Montaigne.

La mort de son père est également une autre épreuve qu’il doit surmonter. Il commence en 1572 l’écriture des Essais dans son château de Montaigne et deviendra maire de Bordeaux de 1581 à 1585. Il subira une dure épreuve en 1576 avec la « maladie de la pierre » (coliques néphrétiques) Ensuite, il travaille avec des grands de ce monde comme le roi de Navarre et le duc de Guise.

Il meurt en 1592 à 59 ans, chez lui, et non comme il l’aurait voulu : « plutôt à cheval que dans un lit ». Selon l’usage de la haute noblesse, sa famille fait déposer son cœur dans l’église St-Michel de Montaigne et inhumer son corps à Bordeaux.

2)Contexte littéraire et historique :


Les Essais ont été publiés en 1595 (à la fin du XVIème siècle) par Marie Le Jars de Gournay. Il a écrit et travaillé ses Essais de 1572 à 1588 (pendant plus de 10 ans). Cet ouvrage comprend trois livres avec des additions considérables « les allongeails ».

-Guerre de religion en raison de l’émergence du protestantisme qui est châtié par les catholiques.

-Découverte du Nouveau Monde (1492 : Christophe Colomb découvre l’Amérique).

-Beaucoup de conquistadors tristement célèbres comme Hernan Cortès (il fit assassiner le dernier empereur aztèque) ou Francisco Pizarro (il fit tuer le dernier roi inca) travaillèrent pour le compte de Charles Quint.

Mouvement humaniste :Lire la synthèse dans le livre p.328. 1)Qu’est-ce que Montaigne met en avant sur la découverte du Nouveau Monde ?

Montaigne se penche sur la question des civilisations, à la lumière de la découverte du Nouveau Monde, un choc pour le XVIème siècle. En participant au débat sur la nature des Indiens, il met en avant leur humanité et révèle par comparaison l’injustice et l’arbitraire de l’Ancien Monde. Les Indiens, face à la cupidité des Conquérants, opposent leur générosité, leur perspicacité, leur fidélité.

Indien ou Européen, c’est l’homme et sa condition qui est au centre des Essais.



2)Faites une synthèse en 10 lignes de ce qu’est pour vous le mouvement humaniste.

l’humanisme est un courant de pensée qui a traversé le XVIème siècle, la Renaissance.

De grands explorateurs : Christophe Colomb, Magellan, Vasco de Gama. Christophe Colomb est un navigateur italien qui travailla pour le compte des souverains espagnols.

De grands astronomes : Copernic et Galilée.

De grands écrivains de la Renaissance : Erasme, Rabelais, Montaigne.

Les Humanistes rêvent d’un monde paix, d’un monde de culture où l’éducation est au centre de la formation d’un individu. Création du Collège de France en 1530.

Genre : Essai. On pourrait comparer les essais à la volonté d’un homme de tenter de mettre de l’ordre dans le chaos de son âme. Montaigne veut faire une anthologie de ses sentiments, de ses rêves ou de ses pensées afin de les organiser et de créer une œuvre.

Forme vagabonde, hétérogène, Montaigne organisant ses chapitres au gré de ses humeurs, de ses inspirations du moment. L’auteur invente, avec 300 ans d’avance, la méthode la psychanalyse qui est que, pour se connaître et s’analyser, il faut se laisser aller à l’association libre. Sa devise : « suivre SA nature ».

3)Résumé du chapitre : ce chapitre « Des coches » raconte comment les conquistadors espagnols ont massacré les populations autochtones (=natif, originaire du pays où il vit, qui n’a pas émigré) sans aucune pitié et avec une barbarie sans pareille (Montaigne parle d’âmes barbares pour désigner les envahisseurs). Ces hommes ont fait brûler des milliers de Péruviens qui ont souvent résisté avec bravoure à cette violence, sans parvenir pourtant à la vaincre.



Lecture analytique

Introduction :

a) la situation du texte dans l’œuvre : Ce passage est extrait du livre III (dernier livre) des Essais qui furent écrits entre 1580 et 1595 avec de nombreux rajouts et un travail de réécriture constant. Montaigne fait partie du courant humaniste et s’intéresse à l’Homme qu’il soit européen ou Indien. b)la présentation du texte
Ici, il met en avant la barbarie de l’Ancien monde face à la candeur du Nouveau Monde et à sa pureté. Il rejette la violence des conquistadors espagnols.

c)La présentation de la question posée par l’examinateur(directement ou en la reformulant)
d)Problématique : Par quels procédés Montaigne décrit-il le ''nouveau monde'' ?
e) Annonce du plan
I Une comparaison entre deux mondes
II Une critique de la civilisation européenne



Conclusion :

a)Bilan du texte : Ce texte, extrait du livre intitulé « Des Coches » raconte comment les Européens ont massacré les populations autochtones d’Amérique latine par cupidité et opportunisme. Montaigne met en avant la magnificence de ces peuples aux qualités morales exceptionnelles et met très fortement en cause les Européens, civilisation à laquelle il appartient mais qu’il critique dans un registre polémique.

b)Réponse à la question posée par l’examinateur

c)Ouverture, prolongement : Diderot, un peu plus tard, dans son Supplément au voyage de Bougainville critiquera également l’attitude des Européens à Tahiti. Un vieux Tahitien prendra la parole pour critiquer Bougainville sur ses intentions de coloniser Tahiti.


Résumé du Supplément au voyage de Bougainville (tiré des fiches de l’express) :

Dialogue de Denis Diderot paru en 1772. En 1771, le navigateur français Bougainville publie son Voyage autour du monde. Le dialogue de Diderot est une réaction à ce récit de voyage. Il y développe ses propres réflexions à propos de la colonisation, l'esclavage, la liberté, etc. Dans ce texte, présenté sous la forme d'un dialogue, il est question d'un vieux Tahitien, qui adresse des reproches à Bougainville quant à ses intentions de coloniser Tahiti. Les propos du vieux Tahitien, qui incarne le mythe du « bon sauvage », laissent transparaître la critique acerbe de Diderot. La phrase réprobatrice « Qui es-tu donc pour faire des esclaves » unit les aspects principaux : en condamnant l'esclavage, Diderot défend les droits de l'homme, tout d'abord la liberté de l'individu, mais il exprime aussi l'opinion selon laquelle les Français n'ont pas de justification raisonnable pour leurs menées impérialistes. En outre, il fait une apologie des moeurs des Tahitiens, menacées par la civilisation occidentale. Il montre que le comportement prétentieux des colonisateurs est à l'opposé des valeurs des Lumières et n'a pas de place dans une société éclairée. Le dialogue entre l'aumônier et Orou est d'ailleurs une critique des dérives de la religion catholique. Diderot soulève ainsi le problème de l'importance que doit prendre la morale dans les actions 'naturelles'.


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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Nov 21, 2012 8:31 pm Répondre en citant

Extrait de Cannibale de Didier Daeninckx

« Ce voyage est la chance de votre vie »




Je m'appelle Gocéné, je suis né à Canala mais les hasards de la vie m'ont fait découvrir les hautes vallées de la Hienghene, et c'est là que sont les miens, aujourd'hui. Il y a très longtemps, j'étais aussi jeune, aussi nerveux que vous deux, j'ai été désigné par le chef du village, avec une vingtaine de garçons et moitié moins de filles, pour aller à Nouméa. Nous ne savions pas pourquoi.. Les soldats nous ont escortés jusqu'à La Foa. Deux jours de marche par la route charretière. Là, des camions nous attendaient. Nous sommes descendus à Nouméa où nous avons rejoint d'autres Kanaks venus des îles d'Ouvéa, de Lifou, de Maré (1)…Nous étions plus d’une centaine. On dormait dans un immense hangar à fruits, sur le port, quand le grand chef Boula nous a réveillés pour nous présenter un Français, l’adjoint du gouverneur Joseph Guyon. Il a commencé par nous appeler « mes amis », et tout le monde s’est méfié. Il a rendu hommage à nos pères, à nos oncles qui étaient allés sauver la mère patrie d’adoption, pendant la Grande Guerre, avant de nous annoncer que nous partirions dès le lendemain pour l’Europe.

-Ce voyage est la chance de votre vie. Grâce à la Fédération française des anciens coloniaux qui a intercédé auprès de M.le gouverneur, la Nouvelle-Calédonie tiendra toute sa place au cœur de la prochaine Exposition coloniale. Auprès de vos frères en voie de civilisation, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, vous représenterez la culture ancestrale de l’Océanie. Vous montrerez par vos chants, vos danses, que coloniser ce n’est pas seulement défricher la jungle, construire des quais, des usines, tracer des routes, c’est aussi gagner à la douceur humaine les cœurs farouches de la savane, de la forêt ou du désert…

Nous avons embarqué le 15 janvier 1931, sur le Ville de Verdun. Nous vivions sur le troisième pont, comme des passagers de dernière catégorie. Il faisait trop chaud le jour, trop froid la nuit, et plusieurs d’entre nous ont contracté la malaria (2) lors d’une escale aux Nouvelles-Hébrides (3). Il y a eu trois morts si mes souvenirs sont exacts, dont Bazit, un kanak albinos de Wé. L’équipage a jeté leurs corps à la mer sans nous laisser le temps de leur expliquer que l’on naît pour vivre avec les vivants et que l’on meurt pour vivre avec les morts. Les morts ne peuvent vivre dans l’océan, ils ne peuvent pas retrouver leur tribu…Nous sommes arrivés à Marseille au début du mois d’avril, sous la pluie. Des autocars militaires attendaient sur le quai de la Joliette pour nous conduire directement à la gare Saint-Charles. Je ne connaissais que la brousse de la Grande-Terre, et d’un coup je traversais l’une des plus vastes villes de France…[…].

A Paris, il ne subsistait rien des engagements qu’avait pris l’adjoint du gouverneur à Nouméa. Nous n’avons pas eu le droit au repos ni visité la ville. Un officiel nous a expliqué que la direction de l’Exposition était responsable de nous qu’elle voulait nous éviter tout contact avec les mauvais éléments des grandes métropoles. Nous avons longé la Seine, en camion, et on nous a parqués derrière des grilles, dans un village kanak reconstitué au milieu du zoo de Vincennes, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles. Leurs cris, leurs bruits nous terrifiaient. […]Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages. Il fallait faire du feu dans des huttes mal conçues dont le toit laissait passer l’eau qui ne cessait de tomber. Nous devions creuser d’énormes troncs d’arbres, plus durs que la pierre, pour construire des pirogues tandis que les femmes étaient obligées de danser le pilou-pilou à heures fixes. Au début, ils voulaient même qu’elles quittent la robe-mission et exhibent leur poitrine. Le reste du temps, malgré le froid, il fallait aller se baigner et nager dans une retenue d’eau en poussant des cris de bêtes. J’étais l’un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m’avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du 2ème mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse, devant notre enclos : Hommes anthropophages (4) de Nouvelle-Calédonie. […]

L’exposition coloniale couvrait plus de cent hectares du bois de Vincennes, au-delà des fortifications de Paris. Cent hectares pour célébrer un Empire de douze millions de kilomètres carrés peuplé de cent millions d’habitants !




Vocabulaire

(1) Ces trois îles font partie de l’Archipel de Mélanésie. Elles sont située au large de la côté Est de la Nouvelle-Calédonie.

(2) Maladie également appelée « paludisme » qui se manifeste notamment par de très fortes fièvres.

(3) L'archipel des Nouvelles-Hébrides est composé de 83 îles pour la plupart d'origine volcanique situées à 1 750 kilomètres à l'est de l'Australie, au nord-est de la Nouvelle-Calédonie, à l'ouest des Fidji et au sud des îles Salomon.Nommé « Nouvelles-Hébrides » après James Cook, l'archipel a connu une colonisation lente et désorganisée depuis son exploration par les Européens à la fin du XVIIIe siècle jusqu'à la fin du XIXe siècle. Il fit alors l'objet d'un conflit d'intérêt entre la France et leRoyaume-Uni qui décidèrent en 1904 de mettre en place une administration conjointe. C'est ainsi que fut instauré, de1906 à 1980, le condominium des Nouvelles-Hébrides, faisant de ces îles océaniennes la seule colonie gérée conjointement par deux puissances coloniales. En 1980, les Nouvelles-Hébrides deviennent indépendantes ; le nouveau nom de « Vanuatu » remplace rapidement la dénomination européenne.

(4) Qui sont cannibales, qui mangent les autres hommes.




Analyse du texte

Recherches préliminaires

1)Biographie de l’auteur


« Et si Didier Daeninckx était une couleur ? » – Ce serait le noir : noir comme les romans policiers qu’il écrit ; noir comme la mort qui entra dans sa vie la nuit du 8 février 1962, quand, au métro Charonne, une amie de sa mère mourut sous les coups des policiers parce qu’elle manifestait contre la guerre coloniale qui ensanglantait l’Algérie ; noir comme l’ombre dont il tire les épisodes tragiques de l’histoire contemporaine ; noir comme les Kanaks de l’île de Lifou qui lui ont raconté comment, en 1931, cent cinq des leurs ont été parqués à Paris, au milieu de crocodiles, pour servir d’attraction à l’Exposition coloniale ; noir comme le visage de Christian Karambeu, dont les deux arrière-grands-pères faisaient partie de ces hommes, femmes et enfants exposés comme des « cannibales français » et finalement échangés contre des crocodiles du zoo de Hambourg…
Didier Daeninckx rencontre la terre de Nouvelle-Calédonie en 1997 : il y a été invité par le directeur de la Bibliothèque centrale, qui veut apporter la culture du livre à toutes les tribus de l’archipel. Il visite alors les cases-bibliothèques et lui, l’écrivain, découvre un peuple dont la culture est essentiellement orale. Le soir, à la veillée, des conteurs lui racontent des légendes, des histoires ; un jour, quelqu’un évoque le triste sort des Kanaks de l’Exposition coloniale de 1931. Ce drame, que la presse parisienne de l’époque traita comme un simple fait divers, émeut profondément Didier Daeninckx, dont l’histoire personnelle, les choix politiques et littéraires sont marqués par la lutte contre toutes les formes de discrimination.
Né à Saint-Denis en 1949, il porte le nom d’une lignée de déserteurs que l’exil conduisit de Gand à Stains et de la boue des tranchées à la « boue des banlieues ». Du côté maternel, il descend de cheminots militants communistes ; sa mère elle-même se bat contre les guerres coloniales et le fascisme. Dans la cour de son école d’Aubervilliers, ses copains sont kabyles, africains. Et quand, dans les années 1960, il abandonne un travail d’imprimerie pour voyager, il va à la rencontre des hommes du Maghreb, du Moyen-Orient et de Cuba.
Depuis qu’il est devenu écrivain, son travail ne cesse de croiser ce qu’il appelle sa « romance familiale » et le nom d’hommes, de lieux que l’histoire de France aurait parfois voulu oublier, voire effacer.
Ainsi, quand, en 1998, on lui demande une contribution au cent cinquantième anniversaire de l’abolition de l’esclavage, il rédige une pièce radiophonique intitulée Des Canaques à Paris, dont il reprend le thème pour écrire Cannibale et, ainsi, fixer par écrit un peu de la souffrance du peuple kanak. Car celui qui a dit « Pour moi, c’est une maxime d’écrivain : être un homme contre » ne cesse, en fait, d’écrire pour la mémoire collective.



2)Contexte historique : l’affaire des « Cannibales français »

L’affaire des « cannibales français »

Les « réclames » de 1931 présentèrent l’Exposition coloniale comme une

nouvelle attraction qui promettait d’être croustillante : n’allait-on pas y

découvrir des « sauvages », des êtres peut-être dénués d’âme, en tout cas

effrayants ? Quoi qu’il en soit, les commissaires de l’Exposition poursuivent

essentiellement un but « pédagogique » : celui de donner aux Français une

« leçon de choses » dont le sujet serait les indigènes de l’Empire colonial.

L’administration de la Nouvelle-Calédonie ne prévoyait pas, au départ,

l’exhibition de Canaques à Vincennes : elle les jugeait peu spectaculaires et

estimait que le coût de revient d’une telle opération serait trop élevé.

C’est donc à l’initiative d’une association privée, la Fédération française

des anciens coloniaux, que fut lancé le recrutement de représentants de la

« race canaque ». Pourroy, le responsable de cette entreprise, se rendit à

Canala. Il fit aux Kanaks les promesses qu’évoque Didier Daeninckx : ils

pourraient, à l’occasion de ce voyage financé par l’État, visiter Paris et montrer

aux Français leurs danses et leurs coutumes ; ils ne seraient pas éloignés

de l’île pendant plus de sept mois ; ils seraient rémunérés et recevraient un

trousseau de vêtements. Cent onze personnes furent finalement enrôlées et

s’embarquèrent sur le Ville de Verdun.

Le récit de Didier Daeninckx les installe à Vincennes. Dans la réalité,

ils ne furent pas logés dans l’enceinte de l’Exposition, mais au Jardin

d’acclimatation(situé dans le 16èmearrondissement de Paris, à la lisière du Bois de boulogne) qui avait une longue expérience en matière de « zoos

humains » : en effet, depuis 1877, y étaient régulièrement exhibés des

couples d’animaux et d’indigènes. C’était l’attraction que le directeur avait

imaginée pour attirer un nouveau public vers ce lieu, créé en 1857 et vidé

de ses animaux pendant le siège de 1870.

Très vite, les Kanaks mesurèrent l’écart entre leurs conditions d’existence

et les promesses qui leur avaient été faites. En plus des humiliations, subies

par tous, certains d’entre eux furent envoyés en Allemagne, « prêtés » par la

F.F.A.C. pour une « tournée » organisée par la maison Hagenbeck, celle-là

même qui fournissait en sauriens le Jardin d’acclimatation !

Ces faits historiques sont à l’origine de Cannibale, qui jette Gocéné et

Badimoin à la recherche de leurs frères échangés contre des « crocodiles teutons ».

3)Genre du texte :récit engagé


4)Le(s) registre(s) :

pathétique et tragique. On éprouve de la compassion à la vue des souffrances des kanaks, traités avec le plus grand des mépris (pathétique). Lorsque Gocéné explique que trois d’entre eux sont morts de la malaria et ont été jetés à l’eau, sans considération pour leur culture, le registre tragique est alors omniprésent.

5)Que signifie le mot « rhétorique » ?

Au départ, le mot « rhétorique » désigne l’art de bien parler. Dans l’Antiquité, le rhéteur est celui qui sait utiliser les figures de styles afin de convaincre son auditoire. Aujourd’hui encore, la rhétorique est un art qui vise la persuasion. Or, cet art peut aussi être employé pour manipuler un destinataire. C’est le cas dans le discours de l’adjoint du gouverneur qui, par son emphase, donne un ton d’évidence à la justification du colonialisme.



6)Situation géographique de la Nouvelle Calédonie : C’est une île qui se trouve à l’Est de l’Australie. C’est un archipel de l’Océanie, situé dans l’Océan Pacifique. Sa capitale est Nouméa.

7)Les Kanaks étaient-ils anthropophages ?La violence, dans le règlement des conflits, pouvait prendre des allures de cannibalisme : il arrivait qu’on mange la dépouille des ennemis massacrés. Il ne s’agissait pas alors de se nourrir de chair humaine, mais d’un rite qui consistait à faire disparaître les corps et à priver les vaincus de cérémonies de deuil.




Lecture analytique de « Ce voyage est la chance de votre vie »

Introduction


a)Situation du texte : Ce texte évoque le triste sort des kanaks lors de l’exposition coloniale de 1931 (embarcation le 15 janvier 1931 d’après le texte). Dans la réalité, Pourroy, le responsable de l’exposition se rendit à Canala et fit un beau discours pour inciter les kanaks à faire le voyage en leur promettant des choses qui ne furent pas tenues. Ce drame, que la presse parisienne de l’époque traita comme un simple fait divers, émeut profondément Didier Daeninckx, dont l’histoire personnelle, les choix politiques et littéraires sont marqués par la lutte contre toutes les formes de discrimination, c’est pourquoi il écrit ce récit engagé pour nourrir la mémoire collective.

b)Présentation du texte (genre, structure, thème) :

Le texte est écrit à la première personne et raconté par Gocéné. La narrateur homodiégétique (vivant l’histoire qu’il raconte) crée un effet de réel et accentue le caractère pathétique du récit.

c)Présentation de la question posée par l’examinateur

d)PROBLEMATIQUE :


comment l’auteur met-il en avant le discours persuasif mais mensonger de l’adjoint du gouverneur et l’humiliation subie par les canaques lors de l’exposition coloniale de 1931 ?

e)Annonce du plan

Si l’adjoint du gouverneur se montre plutôt persuasif pour convaincre les kanaks de venir en France, très vite la réalité négative prend le dessus : rien ne ce qui a été promis n’est respecté.

LECTURE A HAUTE VOIX



Développement

I-Un discours prometteur : rhétorique du discours colonialiste

a)La rhétorique du discours colonialiste


-une apostrophe amicale « mes amis » pour créer une atmosphère de confiance

-Hommage aux ancêtres qui ont défendu la patrie d’adoption : éloge qui vise à susciter l’adhésion des auditeurs.

-Mise en valeur d’une cohésion entre les peuples sauvages qui se retrouvent dans un même lieu (l’Europe)avec l’énumération des différents continents :Afrique, Asie, Amérique et Océanie.

b)Un éloge de la colonisation

-hommage à la fédération française des anciens coloniaux (FFAC) et au peuple de Nouvelle-Calédonie

-Eloge des bienfaits de la colonisation en mettant en valeur les contrastes, par le biais de l’antithèse : « gagner à la douceur humaine, les cœurs farouches », le nom « douceur » s’oppose à l’adjectif « farouche ». Les Européens ont donc une influence positive sur les sauvages, jugés violents, puisqu’elle les initie à la douceur.

II-Mépris pour le peuple kanak et trahison

a)Le drame à bord du Ville de Verdun


-les hommes sont placés en position d’infériorité et ne sont pas traités sur un pied d’égalité avec les membres de l’équipage : la comparaison « comme des passagers de dernière catégorie » met en avant cet aspect.

-Aucun respect pour la culture canaque : les canaques disent que les morts ne peuvent vivre dans l’océan, car ils ne peuvent retrouver leur tribu. On n’écoute pas leurs CROYANCES.

-Aucun soin accordé aux hommes : les hommes meurent de la malaria et sont jetés à l’eau.

b)Présentation méprisante du peuple canaque : contrainte et tromperie à la clé

-manque de liberté et de respect : les hommes sont mis derrière des grilles dans le zoo de Vincennes et sont traités comme des animaux. Leur dignité n’est pas respectée. De plus, les femmes doivent se montrer nues au mépris de leur PUDEUR et doivent danser à heures fixes.

-L’utilisation du terme « anthropophage » sur la pancarte devant leur enclos (qui mange les hommes, cannibales). En réalité, les canaques ne mangeaient que leurs ennemis pour priver les vaincus des cérémonies de deuil.



Conclusion

a)Bilan du texte :
Ce texte montre comment les canaques ont été dupés par des chefs qui voulaient simplement faire de l’argent et du sensationnel. On ne les a pas considérés comme des hommes à traiter avec respect. On lit, à travers ce récit, une forme de racisme, de supériorité de la race blanche sur la noire qui se permet de faire subir aux autres êtres humains ce qui serait interdit dans leur culture : exhibition des femmes nues (contraire à culture judéo-chrétienne)

b)Réponse à la question posée par l’examinateur

c)Ouverture prolongement : Ce texte peut faire écho à celui sur Montaigne tiré « Des Coches » dans lequel l’essayiste tente de défendre la culture et l’artisanat des Incas face à la prétendue supériorité des Européens. Il cherche à montrer que ce peuple n’a rien à nous envier et développe la thématique du mythe du bon sauvage : des gens généreux, affables et intelligents, mais qui n’ont pas développé leur armement pour asseoir leur pouvoir sur le reste du monde. Le texte de Montaigne, à l’instar de celui de Daeninckx, dénonce le mépris de certains êtres humains se croyant supérieurs sur les autres.



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Christelle Bouley

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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Nov 21, 2012 8:33 pm Répondre en citant

Article « Fanatisme », Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, 1764



« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère.
Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances; il pourra bientôt tuer pour l'amour de Dieu.

Barthélemy Diaz fut un fanatique profès. Il avait à Nuremberg un frère, Jean Diaz, qui n'était encore qu'enthousiaste luthérien, vivement convaincu que le pape est l'antechrist, ayant le signe de la bête. Barthélemy, encore plus vivement persuadé que le pape est Dieu en terre, part de Rome pour aller convertir ou tuer son frère: il l'assassine; voilà du parfait: et nous avons ailleurs rendu justice à ce Diaz.

Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du duc François de Guise, de Guillaume prince d'Orange, du roi Henri III, du roi Henri IV, et de tant d'autres, étaient des énergumènes malades de la même rage que Diaz.

Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n'allaient point à la messe. Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l'ex-jésuite Paulian, ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde: mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.

Il y a des fanatiques de sang-froid: ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n'ont d'autre crime que de ne pas penser comme eux; et ces juges-là sont d'autant plus coupables, d'autant plus dignes de l'exécration du genre humain, que, n'étant pas dans un accès de fureur comme les Clément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble qu'ils pourraient écouter la raison.

Il n'est d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dés que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l'esprit l'exemple d'Aod qui assassine le roi Églon; de Judith qui coupe la tête d'Holopherne en couchant avec lui; de Samuel qui hache en morceaux le roi Agag; du prêtre Joad qui assassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans l'antiquité, sont abominables dans le temps présent: ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.

Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage: c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?

Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s'échauffaient par degrés parmi eux: leurs yeux s'enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.

Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tendre leurs membres et écumer. Ils criaient: « Il faut du sang ». Ils sont parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais, et ils ont fini par ne crier que contre les philosophes.

Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait. Il n'y a eu qu'une seule religion dans le monde qui n'ait pas été souillée par le fanatisme, c'est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède; car l'effet de la philosophie est de rendre l'âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c'est à la folie des hommes qu'il faut s'en prendre. »






Recherches préliminaires

1-Biographie de l’auteur(voir début de la lecture analytique)

2-Contexte historique et littéraire (voir début de la lecture analytique)

3-Mouvement littéraire : Les Lumières (p.26-27, Empreintes littéraires 1ère technologique, Magnard)

1-A quel siècle appartient ce mouvement ? C’est un mouvement européen du XVIIIème

2-Quel est le philosophe du XVIIème qui est à l’origine de ce mouvement, défendant quel principe ?

Il s’agit de Descartes qui place la raison individuelle au centre de son système de pensée.

3-Que signifie la métaphore des Lumières ?

Elle désigne la raison, les connaissances scientifiques et culturelles qui viennent éclairer le monde en chassant l’obscurantisme, l’inégalité sociale, l’esclavage et la torture. Ces principes inspirent la rédaction de la « Déclaration de l’homme et du citoyen » de 1789.

4-Quels sont les idéaux des Lumières ?

Liberté, égalité, fraternité, bonheur.

5-Quelle œuvre majeure du XVIIIème siècle est caractéristique de ce mouvement littéraire ?

Il s’agit de l’Encyclopédie qui est un outil de connaissance et une arme politique (17 volumes et 250 collaborateurs).

6-Citer quelques personnages célèbres appartenant à ce courant ?

Les philosophes : Rousseau, Montesquieu, Diderot, Voltaire

Et Mozart qui dans ses opéras donnent une notion du bonheur par la joie qu’ils véhiculent.

4-Genre du texte : article tiré de son Dictionnaire philosophique portatif qu’on peut considérer comme un pamphlet (Définition du TLF=Court écrit satirique, souvent politique, d'un ton violent, qui défend une cause, se moque, critique ou calomnie quelqu'un ou quelque chose.)



Introduction



1) Situation


C’est à Ferney que François Marie Arouet passe les 18 dernières années de sa vie, recevant des visiteurs venant de toute l’Europe, gardant un contact suivi avec des correspondants illustres. Dans cette petite propriété située à la frontière franco-suisse, Voltaire mène des combats. D’abord contre l’injustice. En 1763, il lutte pour réhabiliter le protestant Jean Calas, mort pendu, accusé d’infanticide lors d’un procès retentissant où le fanatisme religieux se substitua à la justice. Il publie son Traité sur la Tolérance dans ce but.

2)Présentation du texte (genre et thème principal) :

En même temps, reprochant à L’Encyclopédie son excessive prudence, il se lance dans la rédaction de son Dictionnaire Philosophique Portatif, œuvre de combat, véhémente et militante, qu’il veut plus directement efficace pour diffuser l’esprit des Lumières. Sa vocation : « Ecraser l’infâme ». Contre la Bible et la religion chrétienne, il condamne le fanatisme religieux dans un registre polémique (vient du grec « polemos » qui signifie « guerre »).



3)Problématique :
Comment Voltaire dénonce-t-il le fanatisme religieux en le comparant à une maladie et en en proposant un remède ?



4)Annonce du plan

I-Un article de dictionnaire où la polémique remplace la didactique

II-Un texte argumentatif écrit pour convaincre et persuader

III-L’objet de la critique et des remèdes



DEVELOPPEMENT



I) Un article de dictionnaire où la polémique remplace la didactique

D’après Diderot qui dirige l’Encyclopédie, grand ouvrage des Lumières, le caractère d’un bon dictionnaire est de « changer la façon commune de penser. » Voltaire se situe bien dans cette mouvance à travers cet article.

1) La définition du fanatisme

Il n’y a pas de véritable définition du terme fanatisme en termes simples et neutres : « le fanatisme est… ». Au début du texte, c’est plutôt une définition « en creux « bâtie sur une série d’analogies visant à faire décrédibiliser le terme : « le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. »Ainsi, le fanatisme est le degré supérieur à la superstition. Le parallélisme de construction permet de mieux retenir cette définition imagée. La superstition, pour Voltaire, s’oppose à l’esprit éclairé et rationnel, le superstitieux ne peut être ouvert à la vérité car il croit sans penser par lui-même. D’emblée, le fanatisme est associé à une notion critiquée. Ainsi, la définition est remplacée par un jugement de valeur.

Dans la suite du texte, la définition est remplacée par la description du fanatique : « Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties. » , « des convulsionnaires qui … s’échauffaient par degrés… »



Le fanatique est donc bien un fou qui confond imagination et réalité.

De même, la définition est éludée au profit de nombreux exemples de fanatiques célèbres, historiques ou légendaires comme Barthélémy Diaz ou Polyeucte…



2) la présence de Voltaire qui manifeste sa subjectivité

•Exemple personnel, présence directe : « J’ai vu »
•Vocabulaire subjectif : l.9 « un fanatique moins horrible, mais non moins sot »

L 11 : « des énergumènes malades de la même rage que Diaz »
•vocabulaire hyperbolique et énumération : l16 : « coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces… » « fripon » « poison »


On est bien dans le jugement de valeur, dans le pamphlet et la satire.


3) la métaphore filée de la maladie

· champ lexical de la maladie tout au long du texte

Analogie posée d’emblée : fanatisme/ transport ; superstition/ fièvre (l.1)

Sa gravité : maladie incurable : gangrène, maladie épidémique, peste (§6, l.20 et suivante).

→Le fanatique : un fou furieux ( rage (2fois), folie, fureur, frénétique ( : délire provoqué par une affection cérébrale) : un monomane* (=folie caractérisée par une préoccupation unique) guidé par une idée fixe.

Le siège de la maladie : le cerveau, l’esprit : lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené le cerveau,la maladie est presqu’incurable (l.33)

→ Le fanatique est un impulsif qui ne fait plus preuve de réflexion, se laisse emporter par son obsession. Le corps l’emporte sur l’esprit : description des convulsionnaires.

→Le fanatique est influençable : maladie épidémique, il exécute un mot d’ordre sans discuter. (cf ex des bourgeois de Paris). N’est pas convaincu rationnellement de la validité de sa cause, il a foi en une révélation. Sa certitude relève de la croyance, non de la raison. (l’esprit saint qui les pénètre, obéir à Dieu )



Transition : Pour définir le fanatisme, Voltaire utilise sa plume la plus acérée, c’est bien un véritable pamphlet au contenu subversif qu’il rédige ici contre le fanatisme religieux. Néanmoins, il n’agit pas lui-même en fanatique, son texte est ordonné et construit, il veut à la fois convaincre et persuader.


II) UN TEXTE ARGUMENTATIF ECRIT POUR CONVAINCRE ET PERSUADER

1) Un texte qui veut d’abord convaincre :

· Structure en paragraphes :


Mouvement du texte(pour information): En deux parties, chacune structurée en paragraphes :

1) Ce qu’est le fanatisme (paragraphes 1 à 5)

a) fanatisme et enthousiasme : par 1 à 3

b) le fanatisme de sang froid : par 5

c) les manifestations du fanatisme : par 5

2) Les remèdes (paragraphes 6 à 11)

a) insuffisance de la religion

b) impuissance des lois

c) l’exemple des lettrés de Chine (§11)



· Connecteurs logiques (adverbes, conjonction de coordination ou de subordination, parfois même des interjections). Nous observons dans le texte des connecteurs logiques qui introduisent la conséquence (en conséquence, l.31), la comparaison (« comme si » ou « plus…que ») , l’opposition (« mais »), l’hypothèse (« à condition que »).

· Exemples concrets et historiques

· Une forme concise : plus la forme est courte, plus on cherche l’efficacité du style.



2) Un texte qui veut aussi persuader :


Ø Ironie « qui la tua en effet pour l’amour de Dieu »

Ø Oxymore « assassiner saintement »

Ø Images (métaphore de la maladie)

Ø Vocabulaire hyperbolique dignes de l’exécration du genre humain : par l’emphase, il discrédite totalement les fanatiques et les ridiculise.

Ø Comique de geste : « convulsionnaires », il donne le détail de leurs gestes, exagère chacune de leurs attitudes, il veut sinon faire naître le rire, au moins terrasser ses adversaires.


III) L’OBJET DE LA CRITIQUE ET LES REMEDES



1) La critique de la religion


Origine du mot fanatisme :Le fanatisme est essentiellement d’origine religieuse : étymologiquement, fanatisme vient du latin fanaticus, qui provient lui-même de fanum : le temple. Fanaticus signifie « ce qui concerne le temple » puis prend le sens d’ « inspiré », « en délire », à propos des prêtres de Cybèle qui se livraient à des manifestations violentes au cours du culte rendu à la déesse. D’où le sens du mot « fanatique » : qui se croit inspiré par la divinité, « illuminé. » Notons que le terme « fan » (anglicisme), vient de l’anglais « fanatic » et se traduit en français par « fanatique ». Le fait d’idôlatrer quelqu’un est donc une forme de fanatisme, même s’il n’y a pas le sens religieux qu’on retrouve dans l’étymologie latine « qui vient du temple. »

La religion, loin d’être un remède, agit comme un poison (l.23 : la religion se tourne en poison dans les cerveaux infectés).

Les exemples du § 6 ont un traitement ironique : il évoque des personnages bibliques, célèbres pour leur héroïsme, leur sens du sacrifice ; mais les présente comme des héros de faits divers sanglants. Aod : un assassin (qui commet un meurtre avec préméditation), Judith : une prostituée, Samuel : un boucher. Voltaire insiste sur le vocabulaire de la cruauté (assassine, coupe la tête, hache en morceaux) de la trivialité (en couchant avec). Il présente l’histoire de la religion comme une succession d’actes de fanatisme.

« Ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne » : Voltaire relève ici un paradoxe au regard de la religion chrétienne. Il est contraire à l’enseignement de la Bible («Tu ne tueras point », un des dix commandements).




2) La critique des lois (inefficaces pour combattre ce mal) et de l’intolérance


· Pour Voltaire, les lois sont inefficaces pour lutter contre le fanatisme. Cf champs lexicaux : opposition vocabulaire juridique ( un arrêt du conseil, la seule loi, obéir aux hommes) et vocabulaire religieux associé à celui de la maladie ( accès de rage, un frénétiqu, l’esprit saint, enthousiasme)

L.30 : Enthousiasme : étym. Intuition de l’existence de Dieu, transport divin, de « en » : dans et « theos » : Dieu. Le fanatisme est donc une aggravation de la superstition, de l’enthousiasme.

Enfin, Voltaire dénonce l’excès de religion pour la société : (ex de Barthélemy Diaz, explorateur portugais qui découvrit le cap de Bonne espérance et commit, au nom de la religion un fratricide).

Contre ces excès, les lois sont inefficaces.
•L’intolérance engendre des conséquences démesurées : « Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. » La violence est donc causée par l’intolérance envers ceux qui ne souhaitent pas aller à la messe. On remarque que dans la classification qu’établit Voltaire des fanatiques, tous sont reliés par l’intolérance, c’est le cas pour « les fanatiques de sang froid », c'est-à-dire, les juges : « qui condamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de ne pas penser comme eux. »


3) Le seul remède efficace : l’esprit philosophique

Un remède préventif : la philosophie (celle des lettrés de la Chine par exemple, l.43).Voltaire ne définit pas vraiment l’esprit philosophique si ce n’est par opposition à celui de la religion. Le philosophe est l’opposé du fou, « Eclairé », il est le contraire de l’illuminé qu’est le fanatique. Il est réfléchi, recherche la sagesse.Il milite pour une nouvelle aristocratie ou oligarchie qui confierait le pouvoir « aux philosophes » (« secte des philosophes » à noter l’autodérision participant de l’ironie voltairienne) ou « aux lettrés de Chine », ces religieux qui, du fait de leur grande culture et leur grande sagesse ne peuvent plus basculer dans le fanatisme. C’est là que Voltaire introduit le mot « remède », qui répond aux premières étapes de la métaphore filée (religion = poison).

Le fanatique espère trouver le bonheur dans l’autre monde, comme le fait comprendre la comparaison avec le Vieux sage de la montagne. Mais leur acte est vain, car seul l’esprit apaisé peut prétendre au bonheur. Le philosophe, lui, cherche « la tranquillité qui apaise l’âme » et donc peut parvenir au bonheur.

En matière religieuse, le philosophe s’insurge contre les préjugés, les superstitions, il rejette le sectarisme et l’intolérance au nom du Déisme (définition : Le déisme, du latin deus (dieu), est une croyance ou une doctrine qui affirme l'existence d'un Dieu[] et son influence dans la création de l'Univers, sans pour autant s'appuyer sur des textes sacrés ou dépendre d'une religion révélée. Pour la pensée déiste, certaines caractéristiques de Dieu peuvent être comprises par les facultés intellectuelles de l'homme.)




CONCLUSION


A)Bilan du texte : Ce pamphlet met en garde contre les dangers du fanatisme religieux qu’il définit et dont il tente de montrer les dérives. Pour Voltaire, le fanatisme est une maladie dangereuse qui avilit l’individu et affecte tout le corps social.

B)Réponse à la question posée par l’examinateur

C) Ouverture, prolongement : La lutte contre le fanatisme était très présente au XVIIIème siècle où les croyances étaient encore plus fortes en Europe qu’aujourd’hui, mais cette question reste d’actualité avec le terrorisme et le fanatisme qu’engendre la religion. Songeons aux attentats liés à la question du territoire et des croyances entre les Israéliens et Palestiniens. L’Attentat de Yasmina Khadra en fait la description désolante en mettant en scène une femme, qui pour des questions idéologiques, meurt au combat lors d’un attentat suicide.





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Extrait de l’article « Guerre » du

Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire.






Recherches préliminaires


Genre : dictionnaire philosophique (publication en 1764). Voltaire mélange dictionnaire (avec définition des mots précis) et pamphlet (Court écrit satirique, souvent politique, d'un ton violent, qui défend une cause, se moque, critique ou calomnie quelqu'un ou quelque chose. Synon. diatribe, factum, libelle, satire.)

Contexte historique :Voltaire s’en prend avec une incroyable violence à la Bible et à la doctrine chrétienne. Dans l’article « Guerre », le philosophe poursuit son inlassable combat contre la « boucherie héroïque » dénoncée en 1759 dans Candide.

Vocabulaire :

1)Harangueur : Vieilli, souvent péj. Celui, celle qui fait une harangue (avec des intentions considérées comme démagogiques).

2)(étoffe) bigarrée : marquer de couleurs, de ton différents qui tranchent par leur disparité.

3)Piété : Attachement fervent à Dieu; respect des croyances et des devoirs de la religion.



Lecture analytique

Introduction


Dans son Dictionnaire philosophique, publié en 1764, Voltaire mélange le goût pour la définition et le pamphlet en mettant en cause les guerriers qui se servent de la religion et de Dieu pour tuer des milliers de gens. Dans son article « guerre », il s’en prend avec violence à la Bible et à la doctrine chrétienne. Il défend la Raison contre la superstition religieuse, s’inscrivant bien dans le mouvement des Lumières où la recherche scientifique prend le dessus sur les croyances. Il utilise le registre polémique pour défendre ses convictions et lutter contre la violence des guerres.

Quelle est la stratégie ici mise en place par Voltaire pour gagner le lecteur à sa cause ? Quelle vision donne-t-il de la guerre ? Que critique-t-il ?

Grâce à son article de dictionnaire définissant très clairement le thème abordé « la guerre », Voltaire va la dénoncer pour ensuite s’en prendre à ses responsables et terminer sur la critique de l’hypocrisie religieuse qui soutient des meurtres abominables.


I. LA DENONCIATION DE LA GUERRE
1.un acte de barbarie


→ le registre polémique est très présent : vocabulaire très connoté qui permet de disqualifier tous les éléments ayant trait à la guerre simplement en les nommant. La guerre est désignée par la périphrase « entreprise infernale » l.1 (adjectif qui pose le problème du Mal en évoquant l’Enfer), les soldats sont des « meurtriers » l.1 (remarquons que le substantif « hommes » est soigneusement réservé à la désignation des victimes de la guerre, ligne 3)

→ le champ lexical de la violence et de la destruction est très fortement associé à la guerre qui semble d’ailleurs se réduire à une entreprise d’extermination d’autrui : « exterminer » l.2, « faire égorger » l.4, « exterminés par le feu et par le fer » l.4, « meurtres », « détruite » l.5, « journées meurtrières », « déchire », « fera égorger », « fracasse », « je meurs », « tourments inexprimables », « mourants », « détruite par le fer et par la flamme », « les cris des femmes et des enfants expirants ».

→ les hyperboles amplifient l’impression de destruction totale : « deux ou trois mille » / « dix mille » (noter la gradation ironique), « en mille morceaux », « cinq ou six mille mourants », « des milliers ».

Ainsi la guerre est présentée comme une explosion de violence incontrôlable et illimitée.



1.une entreprise dénuée de sens


→ des « milliers » d’hommes meurent pour le « caprice de quelques hommes » (opposition antithétique des déterminants milliers / quelques). Le substantif « caprice » dénonce l’arbitraire des décisions qui conduisent des hommes à la guerre.

→ « le tout pour les prétendus intérêts d’un homme que nous ne connaissons pas » : les dirigeants, souvent méconnus des soldats dirigent une entreprise meurtrière absurde. Les raison de cette tuerie restent souvent mystérieuses.

→ « Que m’importent » (l.26) du jeune soldat fictivement joué par Voltaire dans le dernier paragraphe : expression qui traduit l’absurdité de la guerre révélée par l’expérience de la violence.


un spectacle désespérant : utilisation de la PROSOPOPEE et du pathétique

→ dans le dernier paragraphe de l’extrait, Voltaire change de registre pour toucher autrement le lecteur. L’énonciation change puisqu’on est passé de la 3ème personne (§ 1, 2 et 3) aux 2ème et 1ère pers. du pluriel (§ 4), puis au « je » dans le dernier paragraphe. Mais ce «je » n’est pas celui de l’auteur. Voltaire imagine ici le discours d’un jeune soldat de vingt ans et le prend en charge au moyen d’une prosopopée* (figure de style qui consiste à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction. Elle a pour but de donner à l’argumentation une force de conviction plus grande. On donne la parole ici à un soldat imaginaire sur le point de mourir et qui ressent dans son corps l’horreur de la guerre. En rhétorique, il s’agit d’une ruse pour faire passer son raisonnement sous une autorité indiscutable.) Le paragraphe est constitué d’une seule question rhétorique qui laisse éclater le sentiment d’absurdité et d’horreur de ce soldat imaginaire dans le but d’émouvoir profondément le lecteur. Le registre pathétique repose ici sur la mise en relief de scènes de guerre déchirantes (« des enfants expirants sous les ruines », « une demi-livre de plomb me fracasse le corps », « je meurs à vingt ans dans des tourments inexprimables », « mes yeux qui s’ouvrent pour la dernière fois », « les derniers sons ») et l’emploi abondant d’un lexique de la souffrance.

→ le but est de persuader le lecteur du caractère absolument condamnable de la guerre en provoquant chez lui des émotions intenses.


Transition : Dans cet article, Voltaire condamne la guerre en occultant soigneusement les arguments de ses adversaires (la conquête, le droit de se défendre, les nécessités politiques et économiques, le respect de règles et de codes précis). Pour gagner le lecteur à sa cause, Voltaire cherche à toucher le lecteur en suscitant chez lui indignation, révolte (registre polémique) et compassion (recours au pathétique). Cependant, on aurait tort de s’en tenir là. Voltaire va plus loin dans sa critique de la guerre et désigne ceux qui en sont selon lui responsables : ceux qui gouvernent et la religion.



II. UN PAMPHLET CONTRE LES RESPONSABLES DE LA GUERRE
1.les rois / les responsables politiques : de vulgaires hommes, au pouvoir monstrueux


→ la tonalité agressive du texte tient aux désignations des rois, jugés responsables de la mort inutile de milliers d’hommes. Le substantif attendu, « roi », n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois dans l’extrait et Voltaire lui préfère celui de « chef des meurtriers » l.1, répété l.2. Ce choix réduit implicitement la fonction royale à celle d’un chef de tribu avec tout ce que cette image a de primaire. En outre, les responsables politiques sont désignés dans l’avant-dernier paragraphe par l’expression « quelques hommes ». A la fin de l’extrait, il n’est plus qu’un seul « homme que nous ne connaissons pas ». Cette particularisation du roi le déchoit de sa fonction et le ramène au rang des autres hommes, notamment de ceux qui font la guerre.

→ répétition de la construction « faire + infinitif » : critique du despotisme (« fait bénir », « faire égorger », « fera égorger »)

→ critique de l’idéologie de l’héroïsme (« héroïsme » / « affreux »)

→Des discours contrôlés et payés par les autorités et réalisés par des HARANGUEURS (discours démagogiques qui n’ont rien de vrai), ces hommes sont décrits de façon ridicules et ressemblent plus à des clowns qu’à des orateurs sérieux : ils portent soit un long justaucorps noir avec un manteau écourté ou bien une chemise par-dessus une robe avec des tissus de couleurs multiples (=bigarrés) qui soulignent leur ridicule. Ils s’appuient sur une histoire très ancienne qui n’a rien à voir avec celle actuelle. Leurs développements sont fallacieux (= qui cherche à tromper, à induire en erreur) et commandés par les autorités en place :



la complicité des religieux avec le pouvoir

→ Voltaire est littéralement ulcéré par l’implication de la religion dans la guerre, implication qui s’explique par les liens que le pouvoir et le catholicisme entretiennent à cette époque, l’un renforçant le pouvoir de l’autre. La religion accorde ainsi au pouvoir la justification dont il a besoin.

→ Le champ lexical de la religion est systématiquement associé à celui du Mal par une série d’antithèses qui mettent en évidence les contradictions du religieux : « « infernale » / « fait bénir », l’utilisation systématique de contrastes ironiques entre la violence de la guerre et les rites religieux (réduits la plupart du temps à des manifestations festives aux accents païens) « exterminer son prochain », « comble de grâce / ville détruite », « la même chanson sert pour les mariages et pour les naissances, ainsi que pour les meurtres » (le Te Deum n’est plus qu’une vulgaire « chanson », Voltaire lui refuse tout caractère sacré et l’associe peut-être même aux chansons paillardes, « célébrer / journées meurtrières »).

→ description grotesque du Te Deum (fausse naïveté qui permet à l’ironie voltairienne de mieux se déchaîner)


l’hypocrisie de la religion

→ dénonciation parodique des discours moralisateurs des religieux qui justifient l’horreur de la guerre mais s’offusquent que les dames mettent du « carmin sur leurs joues fraîches » (parodie manifeste à travers la répétition comique de « éternel » dans le 3ème paragraphe) + antithèse « deux cents écus de marée » « immanquablement son salut » / « deux sous et demi de mouton » « pour jamais à tous les diables ». Critique de l’observance superstitieuse et inhumaine des rites. La sobriété exigée par les religieux pour les femmes est critiquée ainsi que l’excès de poisson les jours de Carême. Rappelons que le carême est une période de jeûne de quarante jours (pour certaines religions et coutumes, c'est cinquante jours) que le christianisme a institué en référence aux quarante jours de jeûne effectués par Jésus-Christ dans le désert.

Voltaire traite avec un certain mépris les observances religieuses ainsi que le Carême. Il dénonce les dérives indirectement : si le Carême était une période de jeûne au départ, elle s’est vite transformée en un repas copieux et une façon de manger du poisson de façon excessive.



→ la colère de Voltaire éclate à l’avant dernier paragraphe avec la double apostrophe aux religieux + « vous » + antithèse « cinq quarts d’heures sur quelques piqûres d’épingles » / « vous ne dites rien sur la maladie qui nous déchire en mille morceaux ». Violente critique de la complicité et de l’hypocrisie de la religion (« vous ne dites rien »). Voltaire s’indigne sur le fait que les « médecins de l’âme » (religieux ?prêtre ?) passent du temps à s’insurger pour des broutilles (« quelques piqûres d’épingle ») et oublient l’essentiel : la maladie qu’est la guerre.



Conclusion :


a)Bilan du texte : les causes de la guerre sont mises en avant de façon agressive par Voltaire : les religieux et les rois en sont les principaux responsables.

b)Ouverture, prolongement : cet article de dictionnaire peut être mise en parallèle avec celui sur le « fanatisme » dans lequel Voltaire s’indigne à nouveau contre les religieux et critiquent des croyances qui mènent à la violence et à la destruction. Etre plus raisonnable, plus éclairé face aux dérives devient une priorité.



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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Nov 21, 2012 8:36 pm Répondre en citant

Lectures complémentaires :


Séance 6 : Etienne de La Boétie- Discours de la servitude volontaire (1576)

Séance 7 : Martin Luther King-I have a dream (1963)

Séance 8: Extrait d’Un long chemin vers la liberté (1974-1990)

Séance 9 : « Le Temps est venu » Discours de Nelson Mandela du 10 mai 1994 (construction d’une nation arc-en-ciel en Afrique du Sud pour lutter contre l’apartheid)


Analyse de l’image (histoire des arts)

Séance 11 : Tableau de Guerassimov « Staline et Vorochilov au Kremlin ».




Correction et analyse des documents :

http://docremuneres.forumparfait.com/lectures-complementaires-histoire-des-arts-vf477.html
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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Nov 21, 2012 8:42 pm Répondre en citant

La Ferme des animaux de G.Orwell



*** Document complémentaire




Extrait de La Ferme des animaux- George Orwell

Texte de propagande de Brille-Babil (chapitre 5, p.47-48, édition folio plus classiques)

http://docremuneres.forumparfait.com/tableau-a-staline-et-vorochilov-au-kremlin-a-guerassimov-vt4592.html
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MessageSujet: Oraux blancs français 2013, série littéraire, argumentation  Posté leMer Déc 05, 2012 10:42 pm Répondre en citant

Merci beaucoup pour cette séquence corrigée

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