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 DU BREVET AU BAC :: LECTURES ANALYTIQUES ET COMMENTAIRES :: L'Etranger de Camus (début - deux heures de route)

L'Etranger de Camus (début - deux heures de route)

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Capucine




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MessageSujet: L'Etranger de Camus (début - deux heures de route)  Posté leMar Avr 12, 2011 1:22 pm Répondre en citant

"L’ETRANGER" DE CAMUS"

Support :L’Etranger de Camus (Incipit du début à « prendre des tickets et faire deux heures de retour ») (pages 9 à 12)

Problématique: En quoi cet incipit n’est il pas traditionnel ?

Dans cet incipit, on remarque des éléments différents, par rapport à d’autres incipit :

- pas de présentation du personnage
- très peu de dialogue
- narratif
- pas de notion de temps
- phrases courtes : phrases nominales
- in média res (directement dans l’action)

Présentation, information : (dans cet incipit)


I ) L'écriture de l'incipit

L'écriture se fait à l'aide de la première personne du singulier, 'je". nous avons quelques marqueurs temporels et les temps utilisés sont le passé composé, le présent et le futur. L'intériorité du personnage se dévoile ainsi. il s'appelle, "Mme meursault".

Le discours n'est pas très élaboré, il est pourrait-on dire, à peine construit, "c'était vrai", " toujours à cause de l'habitude". Le lecteur pénètre dans une réalité dont les évènements sont relatés très simplement à l'aide d'une construction grammaticale basique. Nous pénétrons la réalité sans pouvoir mettre en cause la véracité des faits.

Les actions semblent mécanisées ainsi que le suggèrent les asyndètes qui donnent une impression inhabituelle. Nous sortons des codes traditionnels du roman.
- « L’asile est à deux kilomètres du village. J’ai fait le chemin à pied. J’ai voulu voir maman tout de suite ».

Nous n'avons pas de descriptions. Nous savons que la mère vient de mourir et pourtant nous n'en n'avons aucune description, les actions se succèdent purement et simplement. Cette absence de description renforce l'absence de subjectivité de Meursault. « J’ai dit « oui » pour ne plus avoir à parler ». On ne sait donc pas pourquoi il ne veut pas parler.
La focalisation est interne, c'est-à-dire que les évènements sont vus par les yeux du narrateur, Meursault. Il ne s'implique pas personnellement et tout est raconté sur le même ton qui est neutre. On ne laisse transparître aucune émotion, la mort de la mère est racontée sur le même ton que la sieste du militaire.


II ) Meursault : un héros désincarné et atypique

Nous avons l'image d'un héros désincarné et atypique, totalement indifférent à la mort de sa propre mère. Rien ne semble le bouleverser, les faits s'enchaînent les uns à la suite des autres sans que les émotions aient une place quelconque. Les sentiments ne sont pas exprimés. L'habitude domine : « J’ai mangé chez Céleste comme d’habitude »). Au contraire, certains sentiments s'expriment chez Céleste : "on a qu'une mère", on peut aussi citer le directeur qui donne une longue poignée de mains à Meursault d'abord gêné. Le récit s'enchaîne de manière très mécanisée sans connecteurs logiques, ce qui reflète l'aspect très mécanique et habituel du quotidien de notre narrateur.

Le lecteur est ainsi sollicité dans l'interprétation des faits qui se suivent, il comble les lacunes volontaires d'un récit très haché.

Seule émotion de Meursautl : il veut rester tout de suite avec sa mère, il appelle sa mère « maman » (mot enfantin et affectif).

Il culpabilise aussi lorsqu’il parle à son patron « ce n’est pas de ma faute », pour ses jours de congé afin d’être présent pour l’enterrement de sa mère. Cela trahit malgré tout son attachement pour sa mère . Il y a aussi une influence des sensations physiques comme la fatigue, la chaleur, les odeurs.



CONCLUSION :


Nous avons donc un incipit atypique, nous ne retrouvons pas les codes traditionnels du roman. Le lecteur est un peu déconcerté par ce héros désincarné et spécial. Un sentiment de malaise domine. Pourtant il n'est pas si indifférent. La lecture de cet incipit laisse place au lecteur qui est libre d'apprécier et d'interpréter.

Ouverture :

Cet incipit est-il annonciateur de la suite du livre?

TEXTE:

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à 2 heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit ; « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J’ai pris l’autobus à 2 heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’une mère. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.
J’ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J’ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j’étais tassé contre un militaire qui m’a souri et qui m’a demandé si je venais de loin. J’ai dit « oui » pour n’avoir plus à parler.
L’asile est à deux kilomètres du village. J’ai fait le chemin à pied. J’ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m’a dit qu’il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j’ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j’ai vu le directeur : il m’a reçu dans son bureau. C’était un petit vieux, avec la Légion d’honneur. Il m’a regardé de ses yeux clairs. Puis il m’a serré la main qu’il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier et m’a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J’ai cru qu’il me reprochait quelque chose et j’ai commencé à lui expliquer. Mais il m’a interrompu : « Vous n’avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J’ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. » J’ai dit : « Oui, monsieur le directeur. » Il a ajouté : « Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d’un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s’ennuyer avec vous. »
C’était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l’asile, elle pleurait souvent. Mais c’était à cause de l’habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l’avait retirée de l’asile. Toujours à cause de l’habitude. C’est un peu pour cela que dans la dernière année je n’y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me prenait mon dimanche – sans compter l’effort pour aller à l’autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route.

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