DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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Capucine
Age: 30 Inscrit le: 02 Avr 2011 Messages: 29
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Sujet: L'Etranger de Camus ("alors je ne sais pas - cris de ha Jeu Avr 14, 2011 1:19 pm |
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"L’ETRANGER" DE CAMUS"
Support : L’Etranger de Camus (« Alors je ne sais pas pourquoi» jusqu’à « cris de haine » )
- Introduction :
Nous sommes dans la scène finale de « L’Etranger » , Meursault est le personnage / narrateur, qui raconte sa vie au jour le jour. Nous savons qu'il tue un arabe sans prendre conscience de son acte irrréversible. Peu de temps avant son exécution, un aumônier entre dans sa cellule pour le tourner vers Dieu par la confession en vain.
Après la phase première de révolte, Meursault se montre plus lucide et finit par avoir la révélation nécessaire pour être en accord avec lui-même. Nous sommes dans la phase de réconciliation avec les éléments, avec le monde.
Dans le cadre de notre étude, nous tenterons de voir comment et en quoi, au-delà de ce monologue tragique et cathartique, Meursault se réconcilie avec le monde et avec lui même
I ) Un monologue tragique et cathartique
A ) Structure du monologue
- 2 parties très séparées en 2 paragraphes :
- 1ère partie : « alors… »
- 2ème partie : « lui parti, j’ai retrouvé mon calme
- 2 narrateurs différents :
- 1ère partie : discours indirect libre (entendre la voix de Meursault et rend sa révolte encore plus vivante et violente)
- 2ème partie : discours indirect
- 2 thèmes différents : la révolte et la paix enfin retrouvées.
B ) L'aspect cathartique, libérateur du monologue tragique
Nous retrouvons la terminologie aristotélicienne de la cathartique. Nous savons que la tragédie est libératrice car elle permet la purification des sentiments par l'identification. La connotation tragique est donc très forte.
Le tragique se redouble en fait. Nous avons dans un premier temps, le héros face à lui même dans sa révolte, fermé au contact de l'aumônier refusant la confession
la révolte est à son paroxysme, "crier à plein gosier", "je déversais sur lui tout le fond de mon coeur", "bondissements mêlés de joie et de colère", "j'étouffais en criant ceci". Meursault est dans sa phase de négation et de séparation avec le monde sans lucidité, étranger à tout et à lui même.
Puis dans un second temps, l'harmonie est retrouvée. C'est l'effet cathartique de ce monologue. Le héros trouve en lui la force d'accéder à la lucidité nécessaire pour un prise de conscience. L'aumônier joue ici le rôle de projection, de reflet à soi, de retour sur soi, il renvoie Meursault à lui même qui se découvre dans une forme de dépassement de lui même vers le calme, la lucidité, la prise de conscience, la paix avec lui et avec le monde.
« j’ai retrouvé le calme », « épuisé », « merveilleuse paix », « pour la première fois depuis longtemps »,….
C ) La lucidité retrouvée : les noces avec le monde
- Grâce à cette catharsis antique (terreur + pitié), Meursault retrouve son essence d'homme en accord avec les éléments du monde.
l’affirmation de soi se fait dans la violence : « moi, j’avais l’air », « mais j’étais sur de moi », « oui, je n’avais que cela ».
- 2ème paragraphe : c’est l’acceptation : « et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre, comme si cette grande colère m’avais purgé du mal ». On peut ainsi parler d'une renaissance et d'une véritable purification des maux, des souffrances. Il est ainsi libéré au sens religieux du terme, au sens catholique du mot :
« je m’ouvrais pour la premières fois à la tende indifférence du monde », «j’ai senti que j’avais été heureux et que je l’étais encore ».
Le héros renaît par la mort. IL est le héros tragique .
II ) Le concept camusien d'absurde
A ) le paradoxe du temps
Le héros tragique renaît donc par la mort. Nous assistons donc pour la première fois à la découverte de Meursault par lui même, prenant conscience du fait qu'il aurait pu vivre. L'utilisation du plus que parfait est très marquée et nous avons différents futurs.
« j’aurai pu vivre », « du fond de mon avenir…. les années pas plus réelles que je vivais ». Nous sommes donc dans un paradoxe temporel alors que notre héros est à quelques heures de son exécution. Il prend ainsi conscience de sa vie par sa mort.
B ) Plus de certitudes
- Plus d’échelle de valeur : chien (de Salamano)
C ) Renaissance du héros tragique par la mort : La vie par la mort
- « Rien n’a d’importance », c’est la morale donnée à l’aumônier.
La mort n'est ici pas une fin mais une véritable renaissance du héros. Il s'agit pour de renaître et de trouver enfin un sens à sa vie par la mort : « cette minute et cette petite aube où je serai justifié »
III) Une mort libératrice et salvatrice
A ) Lucidité et conscience : un accord avec soi-même
Par la mort nous avons vu qu'il s'élevait vers sa vie retrouvée en conscience et en lucidité
- « avec des étoiles sur le visage » : la mort est ici synonyme de lucidité et de conscience mais suppose également qu'll se rapproche de sa mère. ON a ainsi un roman circulaire, la boucle est bouclée. De la mort de la mère de Meursault à la mort de Meursault, notre héros tragique se découvre en accord avec le monde : les noces avec le monde.
B ) L'accord et les noces avec le monde
Le dépassement de la révolte amène donc le héros à vivre enfin ses noces avec le monde et les éléments. La mort rend possible cet harmonie, cet osmose et cet accord. Le bonheur n'est plus nié car il devient synonyme d'acceptation de la mort et de l'absurdité de la vie, c'est-à-dire, le renoncement à lutter contre l'inévitable.
- Le moment de l’exécution est une nouvelle affirmation de soi : Meursault est un antihéros qui dans la mort,il va se sublimer, qui accepte sa destinée.
C ) Meursault : un héros loin des hommes
Il est dans une communion absolue avec la nature, tous les sens sont présents et se mélangent à la manière des synesthésies chez Baudelaire. Il est loin des hommes mais lucide et conscient.
Conclusion :
Toute la philosophie de Camus est présente dans cet épilogue. Nous citerons :
« La mort ! A continuer ainsi, je finirai bien par mourir heureux ». Au delà-de la révolte, notre héros trouve l'acceptation dans l'absurdité de la condition de la condition humaine. Le salut de l'homme passe par le renoncement à l'espoir et par l'affrontement de la mort.
TEXTE :
Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier et je l’ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l’avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. Il avait l’air si certain, n’est-ce pas ? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n’était même pas sûr d’être en vie puisqu’il vivait comme un mort. Moi, j’avais l’air ‘avoir les mains vides. Mais j’étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n’avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu’elle me tenait. J’avais eu raison, j’avais encore raison, j’avais toujours raison. J’avais vécu de telle façon et j’aurais pu vivre de telle autre. J’avais fait ceci et je n’avais pas fait cela. Je n’avais pas fait elle chose alors que j’avais fait cette autre. Et après ? C’était comme si j’avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serai justifié. Rien, rien n’avait d’importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j’avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n’étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu’on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. Que m’importaient la mort des autres, l’amour d’une mère, que m’importaient son Dieu, les vies qu’on choisit, les destins qu’on élit, puisqu’un seul destin devait m’élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères. Comprenait-il, comprenait-il donc ? Tout le monde était privilégié. Il n’y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu’importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère ? Le chien de Salamano valait autant que sa femme. La petite femme automatique était aussi coupable que la Parisienne que Masson avait épousée ou que Marie qui avait envie que je l’épouse. Qu’importait que Raymond fût son copain autant que Céleste qui valait mieux que lui ? Qu’importait que Marie donnât aujourd’hui sa bouche à un nouveau Meursault ? Comprenait-il donc, ce condamné, et que di fond de mon avenir… J’étouffais en criant tout ceci. Mais, déjà, on m’arrachait l’aumônier des mains et les gardiens me menaçaient. Lui, cependant, les a calmés et m’a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s’est détourné et il a disparu.
Lui parti, j’ai retrouvé le calme. J’étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j’ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. A ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m’était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai pensé à maman. Il me semblait que je comprenais pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s’éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine. |
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