DU BREVET AU BAC Préparation au brevet et au bac de français, philosophie et HLP
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jeanterminaletechno
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Sujet: Peut-on apprendre à penser ? Lun Oct 13, 2014 9:14 pm |
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ENONCÉ
Peut-on apprendre à penser ?
INTRODUCTION
Sous les régimes dictatoriaux, il est fréquent que les gouvernements cherchent à enseigner une unique manière de penser. Cela suppose donc qu'il est possible d'apprendre à penser. Pourtant, il semble que la pensée soit quelque chose d'hautement subjectif voire d'inné. Il semble donc paradoxal de vouloir enseigner ou apprendre à penser.
N'est-il pas impossible d'apprendre à penser, ce processus étant à première vue inné et intuitif ? Toutefois, un apprentissage n'est-il pas nécessaire afin de surmonter les obstacles de la raison et apprendre à mieux penser ? Finalement, apprendre à penser ne veut-il pas dire simplement apprendre des cadres de réflexion ?
Certes, nous verrons qu'il semble à première vue contradictoire et impossible de vouloir apprendre à penser et la pensée est obstruée. Toutefois, il semble parfois qu'un apprentissage soit indispensable afin de penser. En fait, il semble qu'on ne puisse pas apprendre à penser directement, mais uniquement former son esprit et poser les cadres nécessaires à la réflexion.
I A première vue, il semble évident qu'il est contradictoire et impossible de vouloir apprendre à penser
A La pensée est innée
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Si l'on ne peut pas apprendre à penser, c'est avant tout parce que la pensée est innée et n'est pas acquise.
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C'est la position des rationalistes classiques, comme Descartes ou Aristote, pour qui la raison est innée pour tout être humain. En effet, il existe un certain nombre d'idées simples mais aussi de principes de la raison (principes d'identité, de non-contradiction, de causalité, etc.) qui sont absolument innés. Ce sont des conditions nécessaires au fonctionnement de tout esprit rationnel, c'est pourquoi on ne les acquiert pas par un apprentissage mais par une disposition naturelle. Descartes dit ainsi : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée [...] La puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes » (Discours de la méthode, 1637).
B La vérité est intuitive
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De plus, si l'on ne peut pas apprendre à penser, c'est parce que la vérité est intuitive. Or l'intuition est évidemment en-dehors du domaine de l'apprentissage. Pour les rationalistes du XVIIe siècle, la vérité se trouve dans l'évidence instantanée.
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On évoque ainsiDescartes, pour qui le critère de vérité est l'évidence : sa première règle est « Ne rien admettre pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel ». En conséquence, la seule vérité certaine est l'existence de ma pensée. Il le montre par la technique du doute méthodique dans le cogito (« je pense donc je suis »). Je peux douter de tout, mais dans ce cas je penserai le doute. Il est donc évident que je pense, et ceci est la seule certitude absolue car c'est la seule évidence.
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On peut également évoquer Spinoza, qui affirme que la vérité se manifeste par son évidence : verum index sui (« Le vrai s'indique de lui-même »). D'après cette maxime latine, on reconnaît le vrai par intuition. Il dit ainsi : « Qui a une idée vraie sait en même temps qu'elle est vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance » (Éthique, 1677).
C Penser par soi-même
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Le problème d'« apprendre à penser » est qu'un apprentissage nécessite normalement un enseignement, c'est-à-dire un enseignant. Or on ne peut penser que par soi-même : la pensée est très personnelle et subjective.
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Vouloir enseigner à penser est très dangereux : on peut penser aux multiples cas d'endoctrinement dans des régimes dictatoriaux. On en trouve des exemples dans les contre-utopies comme la Ferme des animaux ou 1984 de George Orwell. Dans ces deux romans, les animaux ou les hommes sont conditionnés par le régime à penser d'une certaine manière uniquement. En réalité, cette volonté d'enseigner la pensée tue la pensée réelle.
TRANSITION
Pourtant, même si la pensée est innée, il semble qu'elle soit parfois obstruée par certains obstacles : n'est-il pas possible d'apprendre à les surmonter ?
II Toutefois, il semble parfois qu'un apprentissage soit indispensable afin de penser
A Les obstacles de la pensée libre
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S'il est nécessaire d'apprendre à penser, c'est avant tout parce que des obstacles s'opposent naturellement à la pensée libre et juste. Ils sont de natures variées : préjugés, croyances religieuses, idéologies, passions, inconscient, illusions, etc.
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Bachelard montre ainsi que la raison se heurte à de nombreux « obstacles épistémologiques » qui ralentissent son développement et qui sont à la fois internes et externes. Par exemple, la pensée est entravée par les illusions qu'elle a sur ses propres capacités et en particulier par sa tendance à adhérer à des explications toujours globales. Comme le dit Bachelard, « ce besoin d'unité pose une foule de faux problèmes » : il faut au contraire accepter une compartimentation de l'expérience.
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De plus, il faut souvent combattre des préjugés pour apprendre à penser. C'est ce que Platon appelle l'opinion (la doxa). Les hommes croient posséder la vérité et ne la recherchent donc pas. Pourtant, ils sont dans l'illusion : ils se satisfont généralement de l'apparence du savoir, l'« opinion », qui est toujours erronée et qui empêche de penser justement.
B Apprendre à surmonter ces obstacles
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Apprendre à penser consiste donc à apprendre à surmonter les obstacles que sont les préjugés, l'inconscient, les passions, les illusions, etc. On peut penser par exemple à la psychanalyse, qui doit permettre selon Freud de surmonter l'obstacle de l'inconscient.
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Pour Platon, il est en effet nécessaire de rechercher la vérité et donc de commencer par détruire la doxa. C'est notamment le rôle du philosophe que de l'enseigner aux autres hommes : seul le philosophe a accès à la vérité, aux Idées. C'est pour cette raison que la cité doit être dirigée par un « philosophe-roi ».
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Il illustre cette idée dans l'allégorie de la caverne (La République). La caverne représente le monde de la doxa où les hommes vivent et croient accéder à la vérité grâce aux sens. Cependant, ils ne savent pas penser les Idées. Platon imagine alors que l'un des prisonniers est délivré et sort de la caverne : il représente le philosophe qui s'arrache au monde des illusions, accède au monde des vérités, et finalement doit y guider les autres hommes.
C La pensée est acquise
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En outre, certains pensent que la pensée est acquise et non innée : c'est par l'expérience que l'on apprend à penser.
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Les philosophes empiristes affirment ainsi que les idées et les formes de pensées viennent toujours de l'expérience. A la naissance, l'esprit n'est qu'une tablette vierge (tabula rasa) puis les expériences sensibles y inscrivent notions et principes. La phrase fondatrice de l'empirisme est bien : « Nihil est in intellectu quid non prius fuerit in sensu » (il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait d'abord été dans les sens).
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Hume en donne un exemple. L'idée de causalité (qui est innée selon Descartes) est acquise en observant la succession temporelle systématique de deux évènements : « Les idées de cause et d'effet proviennent de l'expérience qui nous informe que tels objets particuliers, dans tous les cas passés, ont été conjoints aux autres ; quand nous passons de l'impression d'un objet à l'idée d'un autre, nous sommes déterminés non par la raison, mais par l'accoutumance ou le principe d'association » (Traité de la nature humaine, Hume, 1739-1740).
TRANSITION
Comment réconcilier l'idée d'une pensée acquise avec celle d'une raison innée ? En fait, il semble qu'enseigner la pensée ne signifie pas enseigner des contenus de pensée, mais enseigner des cadres de pensée.
III En fait, il semble qu'on ne puisse pas apprendre à penser directement, mais uniquement former son esprit et poser les cadres nécessaires à la réflexion
A L'acquisition d'un esprit critique
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Apprendre à penser, c'est surtout acquérir un esprit critique. C'est ce qu'est censé apporter la philosophie et l'école ou l'enseignant de manière générale. Il s'agit de former les esprits à penser par eux-mêmes et surtout pas d'enseigner des contenus de pensée. C'est ce qu'entend accomplir la maïeutique de Socrate, dont le but est de faire accoucher les esprits de leur propre pensée.
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L'enseignant doit donc espérer voir son élève se détourner de son enseignement. André Gide, dans les Nourritures terrestres, s'adresse ainsi au lecteur : « A présent, jette mon livre. Emancipe-t'en. [...] Quand ai-je dit que je te voulais pareil à moi ? [...] Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que de tout, aie honte de cela. [...] Jette mon livre ; dis-toi bien que ce n'est là qu'une des mille postures possibles en face de la vie. Cherche la tienne ».
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L'acquisition d'un esprit critique peut se faire aussi en se confrontant avec le réel (plutôt que dans le cadre d'un enseignement) : on peut penser aux parcours d'initiation comme celui de Candide, dans le conte philosophique de Voltaire. Au départ naïf et dépourvu de tout esprit critique, le personnage termine avec une opinion réaliste et critique du monde.
B La gymnastique de la logique
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De plus, il semble qu'on puisse former son esprit à penser en lui apprenant la gymnastique de la logique. Cela permet de poser des cadres nécessaires à la réflexion.
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C'est ce que prétend faire Aristote en fondant la logique formelle ou générale au IVe siècle avant J.C. Il veut enseigner à ses élèves un « instrument de travail » (organon) intellectuel ayant pour but de garantir la vérité du discours grâce à la validité de l'argumentation. Il définit par exemple le syllogisme comme le modèle du raisonnement démonstratif.
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La démonstration logique se cantonne d'abord aux connaissances mathématiques. Cependant, elle est ensuite vue comme un modèle universel de pensée, qui doit permettre l'accès à toutes les vérités. C'est une sorte de gymnastique de l'esprit qui ensigne à penser : « Les mathématiques sont une gymnastique de l'esprit et une préparation à la philosophie » (Antidosis, Isocrate, Ve-VIe siècle avant J.C.).
C Le rationalisme critique
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En fait, il semble que la pensée soit à la fois innée et acquise : on apprend le contenu de notre pensée, mais les mécanismes en sont innés. C'est la thèse du « rationalisme critique » de Kant, qui fait une synthèse entre le rationalisme classique et l'empirisme.
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Pour Kant, il existe un certain nombre de principes innés qui organisent l'expérience réelle pour constituer la connaissance rationnelle.Il est impossible de pensersans l'expérience, sans la perception des phénomènes et des apparences. Il y a donc une part d'apprentissage. Cependant, cet apprentissage est pris en charge par des « catégories de l'entendement » qui sont innées et indépendantes de l'expérience réelle. Il s'agit de douze concepts qui organisent l'expérience réelle pour construire la connaissance rationnelle (unité, pluralité, réalité, négation, substance-accident, cause-effet, nécessité-contingence, etc.).
CONCLUSION
Peut-on apprendre à penser ? A première vue, la réponse semble être non : la pensée est innée et intuitive, et il est d'ailleurs dangereux de vouloir l'enseigner. Toutefois, la pensée se heurte à des obstacles et nécessite donc d'apprendre à les surmonter : dans une certaine mesure, la pensée doit être acquise. En fait, enseigner la pensée ne signifie pas enseigner des contenus de pensée, mais enseigner des cadres de pensée. Cela rejoint, à une plus petite échelle, la question de l'éducation de l'esprit : peut-on apprendre à percevoir, à ressentir, à comprendre autrui, à apprécier l'art, à aimer ? Toutes les facultés mentales humaines semblent à la fois acquises et innées, et la question essentielle est celle de la limite possible de l'éducation.
http://www.kartable.fr/terminale-shilosophie/795/sujet-type/peut-on-apprendre-a-penser-ce,TSESL13068/corrige _________________
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