DU BREVET AU BAC

jeanterminaletechno · Inscrit le: 09 Aoû 2014 Messages: 30

ENONCÉ

Dans une civilisation tout obsédée des exigences techniques et de rendement, quelle peut être la fonction de l'art ?

INTRODUCTION

On observe aujourd'hui l'émergence d'une nouvelle sorte d'art, qui mêle beauté et utilité. Par exemple, dans les nouvelles technologies comme pour les voitures, on admire les appareils qui mêlent le mieux la dimension esthétique (le design) et l'efficacité. Tout semble entremêlé : l'art devient synonyme de la maîtrise, de la performance. Pourtant, l'art semble opposé à l'objectif de rendement et les exigences techniques qui caractérisent la société actuelle. On peut donc s'interroger sur sa place dans une telle société, et notamment sur sa fonction.

L'art, en tant qu'activité non productrice, ne devrait-il pas perdre sa place dans la société actuelle obsédée par le rendement ? S'il n'est pas producteur, occupe-t-il alors d'autres fonctions ? Finalement, son caractère inutile n'est-il pas la raison de sa nécessité pour l'homme ?

Nous verrons d'abord que la société actuelle ne répond qu'à un objectif de rendement, et que l'art ne semble donc pas y avoir sa place. Cependant, l'art possède des fonctions qui ne sont pas productives mais tout aussi importantes dans la société actuelle. En fait, nous établirons que c'est justement parce qu'il n'a pas de fonction productive que l'art est essentiel pour l'homme.

I La société actuelle ne répond qu'à un objectif de rendement, or l'art est inutile de ce point de vue

A L'art opposé à l'objectif de rendement
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L'inutilité apparente de l'art s'oppose à l'objectif de rendement et les exigences techniques qui règnent de plus en plus sur la société. Le temps est précieux (« le temps, c'est de l'argent ») et il ne faut pas le perdre sur des choses inutiles, car non productrices, telles que l'art.

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On peut évoquer ici certains livres ou films qui symbolisent cette tendance de la société. Par exemple, le film « THX 1138 » de George Lucas et Francis Coppola se présente comme une contre-utopie : on y voit un monde futuriste, où tous les hommes sont conditionnés dans un unique but, celui de développer la production et le commerce. Il n'y a rien d'inutile dans ce monde, surtout pas d'art.

B La valorisation du travail et de la technique
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Aujourd'hui, les nouvelles valeurs de la société sont surtout le travail, l'efficacité, la technique, la productivité, etc. On évoque ici Candide, le conte philosophique de Voltaire, dont la morale encourage à « cultiver son jardin », c'est-à-dire à travailler manuellement et à produire plutôt que vivre une vie tournée vers le loisir.

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La technique est vue comme la possibilité de dominer la nature. Prométhée, en dérobant le feu pour l'offrir aux hommes, apparaît ainsi comme le symbole de l'émancipation des hommes par la technique. Comme le dit Descartes, les hommes deviennent grâce à la technique « comme maîtres et possesseurs de la nature ».

C L'incompatibilité de l'art et de la technique
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Il semble ainsi que l'art n'ait pas sa place dans cette société tournée uniquement vers la production et la technique. D'ailleurs, il la rejette explicitement. On peut penser à certains courants artistiques comme « Arte Povera » (mouvement artistique italien apparu dans les années 1960). Les artistes de ce courant adoptent un comportement qui consiste à défier l'industrie culturelle et plus largement la société de consommation, par l'utilisation dans les œuvres de chiffons, de vêtements usés, de terre, de sable, de bouts de corde, de bois.

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D'autre part, c'est la technique qui semble changer le statut de l'art, voire le faire disparaître : on peut constater un certain déclin de l'œuvre d'art. On développe ainsi la thèse de Benjamin, dans L'Œuvre d'art à l'ère de la reproductibilité technique (1955). Il montre que les progrès techniques et donc les possibilités de reproduction des œuvres d'art, au XXe siècle, ont changé leur statut. Les œuvres d'art ne sont plus uniques et inimitables, comme c'était le cas auparavant, et elles descendent de leur piédestal. On peut confirmer cette analyse par les œuvres d'Andy Warhol (1928 - 1987).

TRANSITION

Cependant, bien que l'art ne semble pas avoir sa place dans la société de production, il n'a pas disparu : en fait, il pourrait être vu un divertissement utile.

II Cependant, l'art possède des fonctions qui ne sont pas productives mais tout aussi importantes dans la société actuelle

A Un moyen d'expression
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On peut voir dans l'art un moyen d'expression indispensable. Le mot « expression » suppose que l'art est un langage à interpréter et à traduire, pour en ressortir une vérité cachée. L'art servirait donc une fin précise.

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On évoque quelques exemples : expression d'une vérité pour Platon (l'art approche des Idées), expression de l'esprit d'une époque ou d'un peuple pour Hegel, expression des intérêts d'une classe pour Marx.

B La purification des passions
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L'art peut aussi avoir une fonction individuelle : celle d'exprimer ses passions afin de s'en libérer. Aristote évoque la catharsis (La Politique, IVe siècle avant J.-C.), mot grec qui signifie « purification » : l'art devait permettre de purifier ses passions, autant pour les spectateurs que pour les artistes.

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On développe ensuite les idées de Freud, pour qui l'art est un moyen pour l'artiste de sublimer ses pulsions inconscientes. Par exemple, les peintures de Louise Bourgeois (elle sculpte en particulier de grandes araignées) ont souvent été vues comme l'expression des troubles de son enfance. Elle aurait donc utilisé l'art pour sublimer ses pulsions inconscientes.

C Le rôle politique et social de l'art
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Finalement, l'art peut avoir un rôle politique important. Il peut servir à l'engagement au service d'une cause ou d'un groupe. L'art peut aussi avoir un rôle social primordial, en tant que fondateur d'une identité commune.

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On peut penser aux artistes individuels qui s'engagent profondément pour la défense de certaines valeurs. Il s'agit également de groupes ou d'institutions qui instrumentalisent l'art : ainsi, l'URSS avait beau être un pays entièrement tourné vers correspondait à la doctrine réaliste soviétique.

TRANSITION

Cependant, certains artistes refusent d'accorder toute utilité à l'art, privilégiant « l'art pour l'art » : cette revendication n'est-elle pas paradoxale ? L'inutilité n'est-elle pas en fait nécessaire ?

III En fait, c'est justement parce qu'il n'a pas de fonction productive que l'art est essentiel pour l'homme

A Le propre de l'homme
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Le propre de l'homme est d'avoir des activités non productrices uniquement tournées vers le divertissement. Il en a besoin pour s'humaniser : c'est la nécessité de l'inutile. Ainsi, les hommes de la société futuriste de « THX 1138 » sont réduits au rang de machine. Il en est de même pour les ouvriers du film Les Temps modernes (Charlie Chaplin). L'exigence technique entraîne une aliénation de l'homme, qui a besoin de s'humaniser par d'autres activités comme l'art.

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On peut introduire ici la conception du travail dans l'Antiquité : le travail était considéré comme indigne et animalisant tandis que le loisir était le lieu de l'humanisation. Hannah Arendt (La Condition de l'homme moderne, 1958) explique ainsi que l'homme qui travaillait était vu comme un « animal laborans » (une bête de somme). Pour Aristote, l'homme qui philosophe accomplit bien plus son humanité que l'homme qui travaille. Le travail était réservé aux esclaves (des « machines animées » selon Aristote) et surtout pas aux hommes libres pour qui était valorisée la scholè (ou otium), c'est-à-dire le temps libre.

B Le dépassement de la réalité
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En s'éloignant de l'utilité matérielle, l'art permet à l'homme de dépasser la simple réalité. Il lui offre ainsi une échappatoire indispensable.

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En effet, l'art est vu comme l'accès à une autre dimension, une « transcendance ». Dès l'Antiquité, on reconnait chez l'artiste une certaine inspiration divine, celle des « Muses ». Cela se retrouve d'ailleurs dans l'étymologie du mot « génie » qui vient de genius en latin, qui signifiait divinité puis talent. L'émergence de l'idée génie se fait surtout avec le romantisme : on reconnait à l'art quelque chose de mystérieux, de non codifiable, de fascinant.

C Un rapport désintéressé au beau
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L'art semble justement essentiel à l'homme car il est un rapport complètement désintéressé au beau. On ne recherche rien dans l'art, si ce n'est une expérience esthétique qui procure du plaisir (mais un plaisir non matériel).

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On développe ici les idées de Kant, qui soutient en effet qu'il est essentiel que l'art et le beau soient désintéressés. Le beau doit être distingué de quatre autres qualités : l'utile, l'agréable, le vrai, le bon (« Le jugement de goût est seulement contemplatif ; c'est un jugement qui, indifférent à l'existence de l'objet, ne fait que lier sa nature avec le sentiment de plaisir et de peine » Critique de la faculté de juger, 1790).

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Certains artistes rejettent ainsi l'idée que l'art puisse avoir un intérêt utilitaire. L'art est une fin en soi : c'est la théorie de « l'art pour l'art ». On introduit alors Théophile Gautier et le mouvement du Parnasse qui rejetait dans l'art l'expression des sentiments (en réaction au romantisme) ainsi que l'engagement social et politique de l'artiste.

CONCLUSION

L'art paraît inutile d'un point de vue matériel et donc déplacé dans la société actuelle obsédée par les exigences techniques et le rendement. Cependant, il peut remplir d'autres fonctions qui ne sont pas productives mais qui sont pourtant importantes dans la société. En fait, on peut voir c'est justement parce que l'art est inutile d'un point de vue matériel qu'il est essentiel pour l'homme : il est pour lui une manière de s'humaniser, il est une fin en soi.

Puisqu'il semble que le propre de l'homme soit d'avoir des activités « inutiles », on peut se demander si l'interrogation peut s'élargir au phénomène religieux. Peut-être est-il aussi nécessaire pour le simple fait qu'il n'a pas de fonction productrice.
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