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 DU BREVET AU BAC :: LECTURES ANALYTIQUES ET COMMENTAIRES :: Racine, Bérénice, V,5 un moment de séparation poignant

Racine, Bérénice, V,5 un moment de séparation poignant

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Prépabac, examen2017
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MessageSujet: Racine, Bérénice, V,5 un moment de séparation poignant  Posté leVen Mar 20, 2015 6:20 pm Répondre en citant


Bérénice, Acte V scène 5, Commentaire composé




Problématique : comment Racine rend-il poignant ce moment de séparation ?



I.Titus et Bérénice sont déjà séparés


A.Le choix des personnes


1.Ils parlent tous deux à la P1, il n’y a pas de P4 (  union )


2.La seule fois où le « nous » est mentionné, c’est avec un imparfait  passé


B.Bérénice ne cesse de parler de son départ


1.Elle l’annonce par gradation :


•« je veux partir » « tout à l’heure »


•« je pars »


2. Elle espère encore faire changer Titus d’avis mais en vain


C.Titus envisage Bérénice au passé


1.« Demeurez »  illusion ! Il ne lui dit pas qu’il va l’épouser, il veut la conserver pour maîtresse  d’où sa colère


2.C’est lui qui parle d’oubli cf. subjonctif d’indignation


3.Il parle de leur amour au passé et B. ne s’y trompe pas



II.C’est sur Bérénice que repose le pathétique


A.C’est un personnage déchiré


1.Modalités ! et ? + stichomythies


2.Isotopie de la tristesse + hyperboles


3.Les négations traduisent ce déchirement


B.Elle comprend que la Politique lui a été préférée


1.Elle est offusquée du marché que lui propose Titus


2.Elle est consciente que l’Opinion Publique réclame son départ


•Peuple injurieux / retentir / entendre


•Vox populi qui ne veut pas d’une reine étrangère


3.Elle renvoie Titus à son Sénat


Si bien souvent la scène tragique est le lieu de choix déchirants, les personnages devant renoncer à leur amour au profit de l’Etat et de raisons politiques, rares sont les pièces qui mettent en scène, pourtant, ces moments douloureux. C’est cependant le choix qu’a fait Jean Racine dans le dénouement de Bérénice puisque le dramaturge met en présence Titus, futur empereur romain, et son amante, reine orientale qui se voit répudiée après plusieurs années de vie à Rome. En effet, Titus ne peut faire monter sur le trône une reine étrangère, ce que, de toute façon, la vox populi romaine ne lui pardonnerait pas : voici donc, avec l’extrait proposé, le moment de la rupture arrivé et le dénouement précipité. Il semble donc intéressant de nous demander comment Racine rend poignant ce moment de séparation. On verra tout d’abord que Titus et Bérénice sont déjà séparés avant même leur ultime rencontre : si Bérénice se prend encore à espérer, le futur empereur, lui, a déjà pris sa décision, ce qui rend le face à face encore plus cruel. C’est donc bien sur la reine que repose sur le pathétique de la scène. C’est ce que nous montrerons dans un second temps.


L’affrontement des deux personnages est attendu par les spectateurs depuis plusieurs scènes : la tension est donc maximum. Bérénice parviendra t’elle à persuader Titus de ne pas la renvoyer ?

Le premier échange de parole entre les deux amants dans cet extrait de la scène cinq de l’acte V est placé sous l’aune de la séparation. En effet, tous deux s’expriment en leur nom propre, usant de la première personne du singulier pour s’adresser à l’Autre (« je », « me ») ce qui peut sembler étrange alors que leur union dure « depuis cinq années » ( v37). Le texte prouve donc qu’ils n’envisagent plus rien ensemble, que leur avenir commun ne se conjugue plus au présent. Pour preuve, la seule fois où Bérénice envisage leur relation, elle le fait au passé : les festons, symboles de ses amours défuntes «sont [des] imposteurs » ( v24 ) qu’elle « ne pui[t] souffrir » désormais. Les lieux de leur idylle « semblaient pour jamais » répondre aux amours de la reine, autre preuve grammaticale montrant que leur appartement ne peut plus recevoir leur intimité et le secret de leurs confidences. D’ailleurs, la seule fois où le « nous » est employé, il est envisagé comme révolu : « ces festons, où nos noms enlacés l’un dans l’autre » ( v22 ) sont la seule survivance de leur histoire que la raison d’Etat a tuée. Ce sont désormais des « imposteurs », c’est-à-dire des preuves fallacieuses et obsolètes de leur passé. Il n’est donc pas étonnant que Bérénice ne cesse de parler de son départ. La reine orientale arrive sur scène avec la ferme solution de quitter Rome, et donc Titus. Pourtant, sa forte insistance à signaler son départ indique bien plutôt qu’elle souhaiterait que son amant la retienne : la gradation « Je veux partir « ( v2 ), « Vous voulez que je parte demain » ( v8 ), « j’ai résolu de partir » ( v9 ), « je pars » ( v10 ) montre assez que la Reine souhaite être retenue par Titus. Apparemment, celui-ci semble le faire ( « Demeurez » v11 ) mais il s’agit en fait d’une hypocrisie. Bérénice attend en effet de son amant non qu’il continue à faire d’elle sa maîtresse, mais qu’il la considère comme son impératrice. L’impératif est des plus insultants, des plus humiliants, ce que comprend tout à fait la reine répudiée en nommant Titus d’ « Ingrat » v10. L’on voir bien que toute tentative reste vaine, et toutes les ruses qu’emploie Bérénice ne trouve pas de réponse : elle responsabilise Titus en l’impliquant dans sa décision de partir : c’est lui qui la chasse ( « vous voulez que je parte » ) et non elle qui souhaite quitter Rome. Parallèlement, Titus envisage son amante au passé.

Le futur empereur ne souhaite pas que Bérénice reste auprès de lui : non seulement il ne lui ouvre pas son cœur, mais en plus il l’a déjà chassé alors qu’elle se trouve en face de lui. Le subjonctif a valeur de rejet ( « Moi, que je vous haïsse ! » v 33 ) montre bien qu’elle n’est plus envisagée dans le quotidien de Titus, le mode subjonctif étant le mode de l’irréel. Le vers suivant est des plus infâmants : en effet, sous couvert d’une assurance d’amour, l’empereur signifie à celle qu’il dit chérir son congé immédiat : « Que je puisse jamais oublier Bérénice ! » ( v.34 ). Quelle ignominie, en effet, de parler d’un souvenir à une femme présente ! Quel aveu cruel de désamour, ou du moins, de choix crucial entre l’Etat et Bérénice que Titus affirme ici ! Racine, de toute façon, ne laisse aucun espoir à la reine orientale : l’utilisation d’une tournure passive ( « Jamais je le confesse / Vous ne fûtes aimée // avec tant de tendresse » v42 ) souligne, avec le passé simple, combien l’Empereur impose à Bérénice son départ. Celle-ci n’est même pas actrice de sa vie, elle subit la décision de celui qu’elle aime, elle doit même subir l’affront de son oubli. La résignation de la reine se vérifie dans le rythme régulier du vers final :

« Et cependant / je pars // et vous / me l’ordonnez »

4 2 2 4

Le chiasme rythmique en 4/2//2/4 montre bien le revirement de situation : pleine d’espoir, tragiquement déchirée, la reine vient d’accepter le couperet de Titus. La lente majesté du vers qui se déploie équivaut, en quelque sorte, à une marche funèbre.

On voit bien que cet extrait répond aux exigences de définition du dénouement. Les deux amants se séparent donc, Titus chasse Bérénice et Racine fait peser sur elle tout le poids du tragique.


Le personnage tragique est celui qui, non seulement est déchiré, mais en plus sur qui pèse le poids d’une fatalité inextricable. Bérénice, d’un poids à l’autre de la pièce est la victime expiatoire.

Son ultime apparition sur scène trahit la souffrance de la reine, que son discours traduit. L’utilisation des modalités exclamatives et interrogatives montrant son angoisse, sa peur de voir sa voir sa vie se jouer, là, en quelques mots. Les questions rhétoriques sont utilisées pour cacher son trouble : l’apparent reproche qu’elle formule ( « Pourquoi vous montrer à ma vue ? Pourquoi venir encore aigrir mon désespoir ? / N’êtes vous pas content ? v2 à 4 ) est bien évidemment la crainte sous-jacente de se voir confrontée à son amant qui risque de la répudier. Par la suite, l’échange bref des répliques souligne combien les personnages sont tendus et la sécheresse des propos de Bérénice ( « Il n’est plus temps », « Non » v5 et 7 ) figure la tension tragique du personnage et sa prochaine mise à mort. D’ailleurs, le champ lexical de la tristesse amène petit à petit le spectateur à l’issue fatale ( « cruelle v13, « pleurs » v14, « blessée » v18, « tristes » v23, « souffrir » v24 ) tandis que l’oxymore « cruelle joie » ( v13 ) symbolise le déchirement intérieur du personnage. Bérénice n’est plus maîtresse de cette situation, elle ne règne plus sur le cœur de Titus comme auparavent et son chagrin ne peur plus attendre le futur empereur. Elle n’a plus que des larmes à offrir, une peinesi profonde qu’elle craint de se noyer dans ses pleurs. L’hyperbole ( « Tandis que dans mes pleurs moi-même je me noie » v14 ) montre la souffrance aigüe de la reine qui voit tout espoir d’avenir avec Titus disparaître, à la mesure des négations nombreuses qui essaiment le texte ( « Je ne vois rien ici dont je ne sois blessée » v18 ; « je ne puis souffrir » v24 ). Le tragique du personnage repose sur la préférence politique que lui a opposée Titus.

Tout personnage tragique est dissocié : Bérénice a tôt fait de comprendre que son amant a choisi la raison d’Etat à celle de son cœur. L’impossible choix pour elle apparaît comme une évidence et la cruauté du moment dramatique vient du fait que la reine ne remet pas en cause l’amour de son amant (« vous m’aimez, vous me le soutenez / Et cependant … » v43 et 44 ) mais qu’elle comprend que sa rivale est la politique. Aussi est-elle consciente que la vox populi romaine réclame son départ : c’est un « peuple injurieux » ( v11 ) et la diérèse sur l’épithète montre combien cette opinion publique est puissante, combien Titus lui est soumise. Bérénice ne peut faire autrement que de l’ « entendre » ( v11 ), d’entendre les récriminations « retentir » ( v12 ). D’ailleurs comment l’Empereur nouveau peut-il être sourd à l’appel de cette vox populi ? comment « n’entend [il] pas cette cruelle joie « ( v13 ) qui chasse Bérénice de Rome ? Déjà la dissociation, la rupture est consommée, le tragique s’abat sur la reine qui parle de son amour, qui oppose la petitesse de son amour à la Rome impériale, à l’appareil étatique oppressif et dévorant : « Hélas ! et qu’ai-je fait que de vous trop aimer ? » clame-t-elle dans un élan, dans un dernier élan de tendresse, et donc de souffrance. Toute tentative alors de Titus reste vaine à la rassurer : elle ne peut que le renvoyer son Sénat.

L’amante de Titus renonce bien vite, face à l’enthousiasme mitigé de Titus, de lutter contre les raisons d’Etat. L’anaphore de l’impératif de résignation « Retournez » v26 prouve combien elle a accepté le sort de sa déchéance. Pourtant, et parce qu’elle sait qu’elle a été sacrifié, elle refuse pourtant de reconnaître totalement sa défaite : ne mêle t’elle pas arguments politiques et arguments amoureux ? ne reproche t-elle pas, malgré tout, à son amant, de lui préférer Rome ?

« Etes-vous pleinement content de votre gloire ?

Avez-vous bien promis d’oublier ma mémoire ? » ( v28 et 29 )

Les rimes signifiantes (« gloire » / « mémoire ») montrent bien le tragique du personnage de Bérénice qui reproche amèrement à Titus de l’avoir oubliée déjà, de lui avoir choisi le pouvoir. Les questions rhétoriques disent assez son amertume, sa souffrance ironique. Bérénice ne peut lutter contre le poids tragique du Destin.



On voit bien que ce dénouement de la pièce de Jean Racine, Bérénice, répond aux exigences du genre tragique : le dramaturge a pris soin de retarder jusqu’à l’acte V cette entrevue entre Titus et Bérénice afin de montrer au spectateur toute la tension dramatique qui fait de la reine assyrienne une victime du Destin. Déjà séparés au début de la pièce, les deux personnages réunis dans la dernière scène ne peuvent plus se rejoindre déjà. Leur amour agonise, Bérénice lutte encore pour tenter de voler à sa concurrente, la Politique, la cour de son amant. Mais Titus n’a plus de cour. Mais Titus ne s’appartient plus. Le déchirement est total, brutal, abyssal. Bérénice quitte Titus qui fait semblant de la retenir. Car chez Racine, la raison d’Etat est toujours la plus forte. Implacable. Jusqu’à en mourir. Le théâtre racinien est donc, à ce titre, un théâtre de la cruauté.
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