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 DU BREVET AU BAC :: LE THEATRE :: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre

Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre

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MessageSujet: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre  Posté leMer Nov 07, 2012 8:57 pm Répondre en citant

Illusion théâtrale et vision baroque du monde dans L’Illusion comique de Corneille


Etude d’une oeuvre intégrale – édition recommandée : Hatier, Classiques et Cie




Objet(s) d’étude : - Le théâtre, texte et représentation - Un mouvement littéraire et culturel : le baroque


Perspectives d’étude :

- genres et registres

- histoire littéraire et culturelle

Problématique :

comment la pièce, par une mise en scène des conditions de la représentation théâtrale, offre-t-elle une vision baroque
du monde ?

Lectures analytiques

- I, 2 de « Oracle de nos jours » (Pridamant) à « Il ne leur manquera ni geste, ni parole » (Alcandre)
- II, 2 du début de la scène à la fin de la première tirade de Matamore (« Je ne suis plus qu’amour, que grâce, que beauté »)
- IV,7 de « Il faut mourir enfin » à « Garde mon souvenir et je croirai revivre »
- V,6 de « Cessez de vous en plaindre » à « Et ne vous plaignez plus de sa bonne fortune » (Alcandre)
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MessageSujet: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre  Posté leMer Nov 07, 2012 8:58 pm Répondre en citant

L’Illusion comique, I, 2

Pridamant
Oracle de nos jours, qui connais toutes choses,
En vain de ma douleur je cacherais les causes ;
Tu sais trop quelle fut mon injuste rigueur,
Et vois trop clairement les secrets de mon coeur.
Il est vrai, j’ai failli ; mais, pour mes injustices,
Tant de travaux en vain sont d’assez grands supplices :
Donne enfin quelque borne à mes regrets cuisants,
Rends-moi l’unique appui de mes débiles ans.
Je le tiendrai rendu, si j’en ai des nouvelles ;
L’amour pour le trouver me fournira des ailes.
Où fait-il sa retraite ? en quels lieux dois-je aller ?
Fût-il au bout du monde, on m’y verra voler.
Alcandre
Commencez d’espérer ; vous saurez par mes charmes
Ce que le ciel vengeur refusait à vos larmes.
Vous reverrez ce fils plein de vie et d’honneur :
De son bannissement il tire son bonheur.
C'est peu de vous le dire, en faveur de Dorante
Je veux vous faire voir sa fortune éclatante.
Les novices de l’art, avecque leurs encens,
Et leurs mots inconnus, qu’ils feignent tout puissants,
Leurs herbes, leurs parfums et leurs cérémonies,
Apportent au métier des longueurs infinies,
Qui ne sont, après tout, qu’un mystère pipeur,
Pour se faire valoir, et pour vous faire peur :
Ma baguette à la main, j’en ferai davantage.
(Il donne un coup de baguette, et on tire un rideau,
derrière lequel sont en parade les plus beaux habits des
comédiens.)
Jugez de votre fils par un tel équipage :
Eh bien, celui d’un prince a-t-il plus de splendeur ?
Et pouvez-vous encor douter de sa grandeur ?
Pridamant
D’un amour paternel vous flattez les tendresses ;
Mon fils n’est point de rang à porter ces richesses,
Et sa condition ne saurait consentir
Que d’une telle pompe il s’ose revêtir.
Alcandre
Sous un meilleur destin sa fortune rangée,
Et sa condition avec le temps changée,
Personne maintenant n’a de quoi murmurer
Qu’en public de la sorte il aime à se parer.
Pridamant
À cet espoir si doux j’abandonne mon âme :
Mais parmi ces habits je vois ceux d’une femme ;
Serait-il marié ?
Alcandre
Je vais de ses amours
Et de tous ses hasards vous faire le discours.
Toutefois, si votre âme était assez hardie,
Sous une illusion vous pourriez voir sa vie,
Et tous ses accidents devant vous exprimés
Par des spectres pareils à des corps animés ;
Il ne leur manquera ni geste ni parole.



L’Illusion comique, II, 2

Clindor
Quoi ! monsieur, vous rêvez ! et cette âme hautaine,
Après tant de beaux faits, semble être encore en peine !
N’êtes-vous point lassé d’abattre des guerriers ?
Soupirez-vous après quelques nouveaux lauriers ?
Matamore
Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre
Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre,
Du grand Sophi de Perse, ou bien du grand Mogor.
Clindor
Eh ! de grâce, monsieur, laissez-les vivre encor !
Qu’ajouterait leur perte à votre renommée ?
Et puis quand auriez-vous rassemblé votre armée ?
Matamore
Mon armée ? Ah, poltron ! ah, traître ! pour leur mort
Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort !
Le seul bruit de mon nom renverse les murailles,
Défait les escadrons, et gagne les batailles.
Mon courage invaincu contre les empereurs
N’arme que la moitié de ses moindres fureurs ;
D’un seul commandement que je fais aux trois Parques,
Je dépeuple l’État des plus heureux monarques ;
Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats :
Je couche d’un revers mille ennemis à bas ;
D’un souffle je réduis leurs projets en fumée,
Et tu m’oses parler cependant d’une armée !
Tu n’auras plus l’honneur de voir un second Mars ;
Je vais t’assassiner d’un seul de mes regards,
Veillaque. Toutefois, je songe à ma maîtresse,
Le penser m’adoucit ; va, ma colère cesse,
Et ce petit archer qui dompte tous les dieux
Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux.
Regarde, j’ai quitté cette effroyable mine
Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ;
Et pensant au bel oeil qui tient ma liberté,
Je ne suis plus qu’amour, que grâce, que beauté.



L’Illusion comique, IV, 7

Clindor
Il faut mourir enfin, et quitter ces beaux yeux
Dont le fatal amour me rend si glorieux :
L’ombre d’un meurtrier cause encor ma ruine ;
Il succomba vivant, et mort, il m’assassine ;
Son nom fait contre moi ce que n’a pu son bras ;
Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ;
Et je vois de son sang, fécond en perfidies,
S’élever contre moi des âmes plus hardies,
De qui les passions, s’armant d’autorité,
Font un meurtre public avec impunité !
Demain, de mon courage, on doit faire un grand crime,
Donner au déloyal ma tête pour victime ;
Et tous pour le pays prennent tant d’intérêt,
Qu’il ne m’est pas permis de douter de l’arrêt.
Ainsi de tous côtés ma perte était certaine :
J’ai repoussé la mort, je la reçois pour peine ;
D’un péril évité je tombe en un nouveau,
Et des mains d’un rival en celles d’un bourreau.
Je frémis zu penser de ma triste aventure ;
Dans le sein du repos je suis à la torture ;
Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil,
Je vois de mon trépas le honteux appareil :
J’en ai devant les yeux les funestes ministres ;
On me lit du sénat les mandements sinistres ;
Je sors les fers aux pieds ; j’entends déjà le bruit
De l’amas insolent d’un peuple qui me suit ;
Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare :
Là mon esprit se trouble, et ma raison s’égare ;
Je ne découvre rien qui m’ose secourir,
Et la peur de la mort me fait déjà mourir.
Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme,
Dissipes ces terreurs et rassures mon âme ;
Aussitôt que je pense à tes divins attraits,
Je vois évanouir ces infâmes portraits.
Quelques rudes assauts que le malheur me livre,
Garde mon souvenir, et je croirai revivre.




L’Illusion comique, V,6

Alcandre
Cessez de vous en plaindre. A présent le Théâtre
Est en un point si haut que chacun l’idolâtre ;
Et ce que votre temps voyait avec mépris
Est aujourd’hui l’amour de tous les bons esprits,
L’entretien de Paris, le souhait des provinces,
Le divertissement le plus doux de nos princes,
Les délices du peuple, et le plaisir des grands ;
Parmi leurs passe-temps il tient les premiers rangs ;
Et ceux dont nous voyons la sagesse profonde
Par ses illustres soins conserver tout le monde,
Trouvent dans les douceurs d’un spectacle si beau
De quoi se délasser d’un si pesant fardeau.
Même notre grand roi, ce foudre de la guerre
Dont le nom se fait craindre aux deux bouts de la terre,
Le front ceint de lauriers, daigne bien quelquefois
Prêter l’oeil et l’oreille au Théâtre-François :
C’est là que le Parnasse étale ses merveilles ;
Les plus rares esprits lui consacrent leurs veilles ;
Et tous ceux qu’Apollon voit d’un meilleur regard
De leurs doctes travaux lui donnent quelque part.
S’il faut par la richesse estimer les personnes,
Le théâtre est un fief dont les rentes sont bonnes ;
Et votre fils rencontre en un métier si doux
Plus d’accommodement qu’il n’eût trouvé chez vous.
Défaites-vous enfin de cette erreur commune,
Et ne vous plaignez plus de sa bonne fortune.
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MessageSujet: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre  Posté leMer Nov 07, 2012 9:00 pm Répondre en citant

Documents complémentaires sur le thème de l’inconstance



Texte 1 - Pierre MOTIN.(vers 1566-vers 1610)
Poème publié dans le Cabinet des Muses, Rouen,

Inconstance

Je veux dans un tableau la Nature pourtraire,
J’y peindrai la Fortune et le change ordinaire
De tout ce qui se voit sous la voûte des cieux,
L’Amour y sera peint d’une forme nouvelle,
Non comme de coutume avec une double aile,
Je lui en donne autant comme Argus avait d’yeux.
L’on y verra la mer et les ondes émues,
L’art avec ses éclairs, son tonnerre et ses nues,
Le feu prompt et léger vers le ciel aspirant,
Girouettes, moulins, oiseaux de tous plumages,
Papillons, cerfs, dauphins, et des conins sauvages
Qui perdent de leurs trous la mémoire en courant.
Des fantômes, des vents, des songes, des chimères,
Sablons toujours mouvants, tourbillons et poussières
Des pailles, des rameaux, et des feuilles des bois,
Et si je le pouvais, j’y peindrais ma pensée,
Mais elle est trop soudain de mon esprit passée,
Car je ne pense plus à ce que je pensais.
Je veux qu’en ce tableau soit ma place arrêtée,
Auprès de moi tirés Achelois et Prothée,
Faisant comme semblant de me céder la leur,
Et lors si de mon coeur apparaît la figure,
C’est trop peu de couleurs de toute la peinture,
A peindre sa couleur qui n’a point de couleur.
Si c’est un astre d’or qui me fait variable,
J’aime de ses regards l’influence agréable,
Et ne m’aimerais pas si j’étais autrement ;
Mon esprit est léger, car ce n’est rien que flamme,
Et si pour tout le monde il n’est qu’une seule âme,
L’Ame de tout le monde est le seul mouvement.
Aussi n’est-ce que fable et que vaine parole
De dire qu’il y ait je ne sais quel Æole
Qui enferme le vent et lui donne la loi ;
Si dedans quelque lieu un tel esprit s’arrête,
Ce n’est point autre part sinon que dans ma tête,
Et les dieux n’ont point fait d’autre Æole que moi



Texte 2 – François de Malherbe, Stances, « Aux
ombres de Damon », fragment, 1604


L’Orne comme autrefois nous reverrait encore,
Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore,
Egarer à l’écart nos pas et nos discours,
Et couchés sur les fleurs comme étoiles semées,
Rendre en si doux ébat les heures consumées,
Que les soleils nous seraient courts.
Mais, ô loi rigoureuse à la race des hommes !
C’est un point arrêté, que tout ce que nous sommes,
Issus de pères Rois et de pères bergers,
La Parque également sous la tombe nous serre,
Et les mieux établis au repos de la terre
N’y sont qu’hôtes et passagers.
Tout ce que la grandeur a de vains équipages,
D’habillements de pourpre, de suite de pages,
Quand le terme est échu n’allonge point nos jours ;
Il faut aller tous nus où le destin commande,
Et de toutes douleurs, la douleur la plus grande
C’est qu’il faut
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MessageSujet: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre  Posté leMer Nov 07, 2012 9:02 pm Répondre en citant

Documents complémentaires sur L’Illusion comique – les
motifs du songe et de l’illusion :


Théophile de Viau Ode XLIX.


Un Corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.
Ce ruisseau remonte en sa source,
Un boeuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple d'une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.



Voiture Sonnet
A Monseigneur le Cardinal Mazarin, sur la Comédie des
Machines


Quelle docte Circé, quelle nouvelle Armide
Fait paraître à nos yeux ces miracles divers,
Et depuis quand les corps par le vague des airs
Savent-ils s’élever d’un mouvement rapide ?
Où l’on voyait l’azur de la campagne humide,
Naissent des fleurs sans nombre, et des ombrages verts ;
Des globes étoilés les palais sont ouverts,
Et les gouffres profonds de l’empire liquide.
Dedans un même temps nous voyons mille lieux,
Des ports, des ponts, des tours, des jardins spacieux,
Et dans un même lieu cent scènes différentes.
Quels honneurs te sont dus, grand et divin prélat,
Qui fais que désormais tant de faces changeantes
Sont dessus le théâtre, et non pas en l’Etat ?


DESMAREST Promenade de Richelieu. 1653
Le Château de Richelieu



Lors que sur ce château la lune se fait voir,
En éclaire une part, et peint l’autre de noir,
Je pense voir deux temps que confond la nature.
Le jour est d’un côté, d’autre la nuit obscure.
Quel miracle ! qu’ensemble ici règnent sans bruit,
Et partagent la place et le jour et la nuit !
Allons voir au jardin en plus ample étendue
L’ombre de ce grand corps sur la terre épandue.
Déjà du grand palais si clair, si bien dressé,
J’en vois sortir un autre obscur et renversé,
Noircissant le parterre, et ses superbes dômes
Sur la terre couchés comme de longs fantômes ;
L’ombre aux corps attachés, inégale en son cours,
Suit l’astre également, et s’en cache toujours.
Allons voir ces canaux : quel doux calme en cette onde !
Ici je vois sous terre une lune seconde.
Ici le palais même, et si clair, et si beau,
A chef précipité se renverse dans l’eau.
O ! tromperie aimable ! ô ! jeu de la nature !
Est-ce une vérité ? n’est-ce qu’une peinture ?
Ensemble en trois façons ce palais se fait voir,
En soi-même, en son ombre, et dans ce grand miroir
Où tout est à l’envers, où tout change d’office,
Où les combles pointus portent tout l’édifice. [...]
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MessageSujet: Séquence sur L'Illusion comique, Corneille, illusion,théâtre  Posté leMer Nov 07, 2012 9:05 pm Répondre en citant

Documents complémentaires – textes théoriques sur le baroque



BAROQUE [baR k]. adj. et n. m. (Perle baroque, 1531; port. barroco « perle irrégulière »; o. i.) .• 1° Ancienn. Perle
baroque, de forme irrégulière .• 2° Par ext. (1701). Qui est d'une irrégularité bizarre. V. Bizarre ; biscornu, choquant,
étrange, excentrique, irrégulier. Idées baroques. Notre-Dame-des-Yictoires « est laide à faire pleurer, elle est prétentieuse,
elle est baroque » (HUYSMANS) .• 3° Archit. (1788, « nuance du bizarre », en archit.; 1912, sens modo repris aIl. barock).
<> Se dit d'un style qui s'est développé aux XVIe, XVIIe et XVIIIe s. d'abord en Italie puis dans de nombreux pays
catholiques, caractérisé par la liberté des formes et la profusion des ornements. Les églises baroques de Bavière, du
Mexique. V. Jésuite, rococo. - Par ext. Sculpture, peinture, art baroque. Subst. Le baroque, ce style. <> Bx-arts (v. 1900)
Qui est à l'opposé du classicisme, laisse libre cours à la sensibilité, la fantaisie. Style baroque en peinture, en musique. <>
Littér. Se dit de la littérature française sous Henri IV. et Louis XIII, caractérisée par une grande liberté d'expression. ANT.
Normal, régulier. Classique. Petit Robert 1, Édition 1990.

Une vision de l’homme

Le Baroque prétend séduire en illusionnant, dire la vérité à l'aide du masque, me convaincre que je ne suis rien en
multipliant mes puissances d'extase sensible, définir mon essence par de fuyantes apparences ; les héros qu'il me propose,
c'est l'Acteur, ou le paraître, c'est don Juan l'homme de vent, l'homme couvert de masques, c'est encore ce poète au miroir
qui ne reconnaît son vrai portrait qu'en cette image inconstante Qui ressemble toujours, et n'est jamais semblable
Ceci me ramène au Bernin : « L'homme n'est jamais plus semblable à lui-même que lorsqu'il est en mouvement ». [ ... ]
Jean ROUSSET, « Flânerie romaine », L'Arc, « Le baroque », 1990.

Le songe baroque

Le développement, très sensible dans la première partie du XVIIe siècle, du thème du songe, et de l'impossibilité de
distinguer clairement ce qui de la vie est songe ou réel, est une extension de ce motif maniériste lié à la mélancolie et aux «
visions » qu'elle engendre. Mais le baroque en fait le tremplin d'une dialectique qui rétablit un ordre des valeurs : le thème
de La Vie est un songe de Calderon (1631-1635) est bien en effet que le réel et l'illusoire sont indiscernables, mais l'homme
est le maître de ses rêves et c'est à lui qu'il appartient de trouver un art de gouverner ses fantasmes. C'est de cet art de
gouverner l'imaginaire qu'il aura à répondre lorsqu'il s'éveillera du songe qu'est la vie. Si le Songe d'une nuit d'été de
Shakespeare (représenté vers 1595) et L'Illusion comique de Corneille (1636) constituent une exploitation dramatique
jubilatoire de l'ambiguïté de la notion de réalité, plutôt que le moteur d'une pensée philosophique, il n'en reste pas moins
qu'on y voit opérer la « force de l'imagination » comme puissance d'autant plus trompeuse qu'elle ne l'est pas toujours.


C.-G. DUBOIS, Le Baroque en Europe et en France (1995), PUE
Inconstance noire, inconstance blanche


Au commencement, il y avait Protée. Protée est le premier emblème de l'homme baroque, il désigne sa passion de la
métamorphose jointe au déguisement, son goût de l'éphémère, de la « volubilité» et de l'inachevé. Il incarne une inconstance
foncière.
Il importe de nuancer cette inconstance. Elle peut être noire ou blanche, lourde ou légère, sombre ou heureuse ; sa tonalité
variera selon la perspective adoptée. Ceux qui prennent sur l'homme le point de vue de Dieu, le point de vue de l'Essence et
de la Permanence, regardent sa versatilité avec une stupeur inquiète, ils y reconnaissent le signe du péché, de l'absence
douloureuse de Dieu ; c'est de ce point de vue qu'ils définissent toute vie en termes de mouvement et d'instabilité, et ils le
disent avec un gémissement : « D'où tant de fragilité ? d'où tant d'inconstance ? », se demande Sponde dans sa Méditation
sur le Psaume L où il qualifie l'homme un « changeant Protée », une eau qui s'écoule, du verre qui se brise, du vent qui
tournoie ; comment fixer jamais l'insaisissable ? «Je ne puis resoulder ce verre, je ne puis arrester ces torrens. Tout cest
homme icy n'est que du vent qui va, qui vient, qui tourne, qui retourne, du vent certes, qui s'eslance en tourbillons qui luy
saboulent le cerveau, qui l'emportent, qui le transportent ... Quoy ? Ce n'est plus un homme. Car l'homme est l'oeuvre de
Dieu ... ». Mais, dans l'oeuvre ainsi décrite, qui reconnaît encore l'Ouvrier ?
Sponde, comme d'Aubigné, comme Chassignet, parle au nom de ce radicalisme chrétien qui passera ensuite par Bérulle, par
Pascal : « Rien ne s'arrête pour nous ... Notre raison est toujours déçue par l'inconstance des apparences ».
Au contraire, les poètes de l'inconstance blanche et légère s'y plaisent, s'y plongent, s'en grisent et s'en enchantent. Loin de
s'en détourner ou de faire effort pour la surmonter, ils la savourent, ils en tirent de la joie et de l'art; ils imaginent des êtres
qui ne sont que fumée, flamme et onde, une nature dont l'inconstance serait l'âme, un monde tout rempli de ses symboles :
Girouettes, moulins, oiseaux de tous plumages ...
Des fantômes, des vents, des songes, des chimères ... (Motin)
Ces symboles, ils les vivent, ils en nourrissent une rêverie du mouvant et du volatil ; ils inventent des édifices de plumes et
de nuées (Du Perron, Estienne Durant), ou « une isle branlante et de sable mouvant » (Le Moyne).
Les poètes de l'inconstance noire travaillaient sur un fond d'images bibliques : torrent, fleur, herbe ... Ceux-ci en rajoutent à
plaisir, les multiplient, les font foisonner et s'engendrer dans le poème, au point que le poème devient lui-même, à l'image
du monde, un petit monde en métamorphose.
Jean ROUSSET, Anthologie de la poésie baroque française, introduction (1968), Armand Colin.
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