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Stendhal et le style

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MessageSujet: Stendhal et le style  Posté leVen Jan 28, 2011 11:53 pm Répondre en citant

Stendhal et le style



Stendhal et le style, Philippe Berthier et Éric Bordas (éds), Actes du colloque tenu les 19 et 20 mars 2004 à l’université de la Sorbonne nouvelle – Paris III ; Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2005, 291 p. (Avec des contributions de : Y. Ansel, Ph. Berthier, S. Chaudier, B. Didier, J. Dürrenmatt, J.-J. Hamm, A. Herschberg Pierrot, G. Kliebenstein, M.-C. Lala, J. Neefs, M. Parmentier, G. Philippe, P.-L. Rey, J.-P. Saint-Gérand, F. Vanoosthuyse, B. Vouilloux).

La première contribution de ce recueil met le lecteur sur ses gardes : le « et, a priori, peut tout signifier et son contraire ». Le titre fournit une bonne illustration de l’ambiguïté sémantique de la conjonction et. Quelle est la nature exacte du rapport entre « Stendhal et le style »? La critique, volontiers normative, en fit longtemps un rapport d’opposition, en stigmatisant les négligences stylistiques de Beyle. Ce dernier, tendant le bâton pour se faire battre, déclarait vouer le « beau style » et la rhétorique aux gémonies. Définition sans pertinence pour les stendhalophiles, auteurs de cet ouvrage. Un rapport d’inclusion? L’objet des investigations de ce volume serait « le style de Stendhal », développé par hendiadys en « Stendhal et le style ». Mais la visée de l’ouvrage ne s’arrête pas là : le rapport est encore d’agent à objet, le style étant l’un des objets de réflexion favoris de Stendhal.

La transformation de la définition du style, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, ouvre le champ des investigations. Car si le style change, la notion même de style évolue également, sous au moins deux aspects. Le style ne concerne plus tant la représentation de l’objet, et l’adéquation au genre retenu, que l’expression du sujet créateur1.

En outre, cette notion, rhétorique à l’origine, s’étend progressivement aux autres disciplines artistiques : elle permet « une saisie unifiée du champ des activités humaines à finalité esthétique », explique B. Vouilloux2. Les considérations artistiques transversales de Stendhal, rapprochant le style de Corrège de celui de Fénelon, associant ensuite musique et littérature, reflètent cette mutation.

La labilité de la notion même de style, le caractère polyvalent du rapport entre Stendhal et le style, la complexité enfin de son propre style d’écriture, trouvent leur pendant dans l’approche elle-même multiple de ce recueil de contributions. Les diverses facettes du seul style de Stendhal se prête mal, il faut le reconnaître, au livre à thèse, proposant la description de son écriture. L’ascension de ces faces et facettes par des voies multiples, et par plusieurs chercheurs, semble particulièrement appropriée.


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Après une introduction historique s’efforçant de contextualiser l’approche du langage au début du XIXe siècle, le recueil se subdivise en quatre parties, consacrées successivement aux « héritages », à la « genèse » de l’écriture stendhalienne, aux « pratiques » stylistiques, et aux « statuts ». Nous adopterons la même démarche rhapsodique, préférant quelques haltes à des points de vue variés, quelques rapprochements, à une revue au pas de course de toutes les interventions.

Deux points problématiques ont retenu notre attention. La question des associations incongrues dans le style et la pensée d’un auteur pourtant soucieux de motivation et plus généralement, de logique, revient comme un dénominateur commun à plusieurs études. Liée à cette première, — la notion de motivation impliquant la prise en compte réfléchie du déchiffreur futur, du lecteur —, le problème de la place faite à l’autre au sein de l’écriture de Stendhal est soulevée à diverses reprises.


C’est sur une étude magistrale des rapports de « Stendhal et [de] la rhétorique » que s’ouvre la première partie de Stendhal et le style. G. Kliebenstein montre comment le copieux emploi que fait Beyle de la conjonction de coordination et, qui dit tout et [surtout] son contraire, reflète l’hésitation de son écriture « entre pulsation passionnelle et progression rationnelle ». Si le et semble afficher une volonté de liaison, d’enchaînement, de cohérence, le et stendhalien est bien souvent « voué à relier ce qui ne devrait pas l’être »3. Toute la dextérité du critique est de retrouver une hésitation observée d’abord à un niveau intra- et interphrastique dans la structure même du récit, qui flotte entre annonces, prédictions, et coups de théâtre, ruptures inattendues. Stendhal s’emploie à maintenir le sentiment de l’improbable au sein d’un récit pourtant soigneusement motivé4.

Aussi, l’entre deux phrases apparaît à S. Chaudier comme un lieu romanesque particulièrement digne d’intérêt pour l’herméneute. « Chez Stendhal, jamais une phrase n’appelle la suivante, ni ne naît de la précédente5. », constatait Gide. La manière dont le récit stendhalien désarçonne le lecteur serait à chercher dans l’entre deux phrases, « opérateur de déterritorialisation »6, lieu d’échappée belle loin de tout espace circonscrit.

D’autres phénomènes d’échos apparaissent autour du problème de la liaison, des associations déroutantes. Philippe Berthier, lorsqu’il tente de préciser le genre de modèle que constituait pour Beyle son cher Fénelon, est confronté lui aussi au flottement sémantique du et stendhalien. Les mariages inattendus que faisait Stendhal entre « Pascal et Fénelon », « Fénelon et Montesquieu » constituent autant de « couples hautement improbables », qu’il s’agit d’élucider. Sont-ce des et d’opposition ou de rapprochement ?

Stendhal se (com)plaît dans les rapprochements inattendus, dans les entrechats entre domaines a priori disjoints. La trans-disciplinarité toute récente de la notion de style l’encourage à sauter d’un siècle, ou d’une discipline à l’autre. Ses investigations stylistiques se font généralement sur le mode de la corrélation : elles l’entraînent, hors du champ esthétique, à mettre en relation productions artistiques et contexte politique, fondant, selon le terme d’Y. Ansel, une « politicostylistique »7.

Aux phénomènes d’échos entre contributions se superposent un certain nombre de tensions. C’est notamment le cas des analyses que J.-J. Hamm et M. Parmentier consacrent respectivement à la stylistique stendhalienne de la réticence, aux zones de brouillage du sens, et aux paroles d’autorité ne laissant au contraire que peu de champ libre à l’interprétation. Toutefois, tout familier de Stendhal, loin d’être gêné par le côtoiement de lectures s’excluant en apparence, appréciera qu’un ouvrage collectif parvienne à cerner les oscillations d’un style tour à tour autoritaire et flottant.

Cette co-présence de discours impérieux et d’une stylistique de la réticence montre en outre combien sont fluctuants le traitement du lecteur, ainsi que la place qui lui est faite dans l’écriture stendhalienne.

Stendhal semble tout à la fois instaurer un protocole communicationnel, et le neutraliser, constate G. Philippe. D’un point de vue pragmatique, la plupart de ses œuvres sont prises dans un tissu de contradictions : « Le texte prévoit le lecteur tout en lui rappelant qu’il n’a pas été écrit pour lui »8. Les journaux, les romans, les autres écrits comme Les Promenades dans Rome, se présentent comme des textes proposés à la consultation, plutôt qu’écrits à l’intention d’un lectorat.

Cette posture pragmatique ambivalente a bien évidemment des retentissements sur le style lui-même, entraînant nombre d’« irrégularités stylistiques ». Elle se perçoit encore dans les flottements dans la motivation des récits, ainsi que dans le statut de certaines parties du texte, comme celui des marginales auxquelles s’intéresse A. Herschberg Pierrot dans La Vie de Henri Brulard. Les marginales, à la différence des annotations « font partie du texte » ; toutefois, « elles ont une fonction intermédiaire entre la note de journal, destinée à un seul, et l’aparté théâtral, que s’adresse conventionnellement un personnage9 » mais dont le surdestinataire reste le public. Alors même qu’A. Herschberg Pierrot souligne le caractère « constamment dialogique de ces notes, marqué par la présence de l’autre », ces marginales au style minimaliste s’interrogent, dubitatives :


Qui diable pourrait

s’intéresser aux simples

mouvements d’un cœur

décrits sans Rhétorique !10

La diversité de ces études, la variété des directions qu’elles prennent, leur permettent d’échapper en partie à un écueil stylistique redouté de la critique « spécialisée »: le style du consensus, et de l’évidence. Peut-être cet écueil est-il d’ailleurs en partie dû à Stendhal, fondateur de la confrérie des happy few. Paradoxalement, l’adversaire acharné des lieux communs et des évidences partagées, aurait, en créant dans l’océan immaîtrisable des lectures bigarrées et déformantes l’îlot des happy few, donné une terre à une nouvelle langue du consensus.

L’autre qualité de ce recueil est de ne tomber ni dans les travers du commencement — faisant de Stendhal « le premier à » —, ni dans la manie du couronnement. L’on appréciera notamment que l’une des contributions « ose » reconnaître certaines limites de la réflexion stendhalienne : « Il faut dire tout d’abord qu’en matière de théorie du style, nous n’avons rien à gagner à suivre aveuglément les définitions de Stendhal »11. S’il est certain que l’« indéchirable continuité » de l’œuvre de Stendhal est une chimère, l’« indéchirable qualité » en est une également. L’appréciation des qualités d’un écrivain passe sans doute par la reconnaissance de ses contradictions, et de certaines de ses faiblesses.

par Laure Lassagne
Publié sur Acta le 18 janvier 2006

Notes :

1 La définition du style proposée par l’Encyclopédie que cite J.-P. Saint-Gérand a l’originalité de rassembler ces deux conceptions, dans la phase transitoire que constitue la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Cf. pp. 11-12
2 p. 210
3 p. 51
4 Le parallélisme entre les niveaux micro- et macrostructurel conduit d’ailleurs Kliebenstein à utiliser des figures de rhétorique pour décrire l’ossature du récit. Un schème récurrent retient son attention : l’hendiadys.
5 Journal des Faux-Monnayeurs, Paris, Gallimard, 1927. Repris dans la collection « L’Imaginaire », pp. 30-31.
6 P. 145
7 P. 76
8 P. 203
9 P. 94
10 P. 96
11 P. 228


Laure Lassagne , "Stendhal et le style", Acta Fabula, Automne 2005 (volume 6, numéro 3),
URL : http://www.fabula.org/revue/document1141.php



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